Á la demande de CI-ÉNERGIES, maitre d’ouvrage de la construction du barrage de Soubré, le Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement (BNETD) avait recensé en 2013, tous les propriétaires des maisons qui allaient subir un dommage du fait du passage de la ligne à très haute tension. Une indemnisation leur avait été promise dans le but d’acquérir de nouvelles habitations hors de la portée des lignes à très haute tension. Mais en dépit de la construction des lignes à très haute tension et de l’inauguration du barrage, CI-ÉNERGIES et BNETD n’ont pas tenu leur promesse et les populations ont été abandonnées sous les lignes à très haute tension. Or en Côte d’Ivoire il est dit que « Le Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement (BNETD) est une Entreprise dont les ressources humaines constituent l'actif principal sur lequel il s'appuie pour réaliser sa mission ; celui-ci est donc conscient de la place qu'occupe la dimension humaine dans son fonctionnement. »
Que s’est-il passé pour que des familles entières soient alors abandonnées sous ces lignes à très haute tension qui représentent un vrai danger pour les habitants ? Où est la dimension humaine dans le fonctionnement du BNETD ? Pourquoi le gouvernement peut-il accepter de mettre en danger la vie des ces habitants, surtout de ces femmes et de ces enfants ? On pourrait parler d’une véritable attitude de mépris pour ces populations que le gouvernement ivoirien a décidé d’abandonner sous les lignes à très haute tension. « Le lundi 30 janvier 2017, quand nous avons rencontré, M. Olivier Maxime Dibahi Balet, chef de mission de CI-ÉNERGIES à Soubré, il nous a fait savoir que le gouvernement de Côte d’Ivoire a voté une loi en 2014 qui stipule qu’on peut vivre sous les lignes à haute tension. Or selon des documents que nous avons lus, tous ceux qui habitent sous les hautes tensions sont exposés à des maladies graves comme le cancer » a expliqué M. Kpli, un propriétaire de maison sous les lignes à très haute tension. De quelle loi s’agit-il ? M. Olivier Maxime Dibahi Balet, avait brandi un exemplaire du journal officiel de la république de Côte d’Ivoire du mercredi 2 avril 2014 portant code de l’électricité. 47 pages toutes confuses.
Comment une loi qui a été votée en 2014 peut-elle abolir une décision de 2013 ? Au sein même de CI-ENERGIES, maître d’ouvrage de la construction du barrage hydroélectrique de Soubré, les voix sont discordantes sur la question. En effet, selon un proche de M. Olivier Maxime Dibahi Balet, il s’agit de servitude de passage des lignes à très haute tension. « Dans ce cas, les familles qui subissent un dommage à cause du passage des lignes à haute tension, ont droit à une indemnisation. » Or dans le village de Galéa par exemple, ce sont 43 familles qui ont vu leurs habitations endommagées par les lignes à très haute tension du barrage de Soubré qui fait la fierté de la Côte d’Ivoire et du mandat du président Alassane Dramane Ouattara. Ces familles ne peuvent plus construire en hauteur ni même planter des arbres à cause des câbles qui pendent à moins de 1,70 mètres au-dessus des maisons. Des pylônes sont plantés au milieu de certaines cours, mettant en danger la vie des habitants.
C’est le cas de M. Assouho Kouakou François que nous avons rencontré et qui a révélé : « un jour, des barres de fer se sont décrochées du haut du pylône planté au milieu de ma cour. En chutant, les barres de fer ont failli écraser mon fils qui était assis juste sous le pylône. J’ai averti mesdames Kassi et Kouassi toutes deux responsables au BNETD mais aucune disposition particulière n’a été prise pour moi malgré le danger permanent qui plane sur ma famille. Chaque fois que les techniciens viennent réparer le pylône, ils dérangent ma famille qui vit là encore. Attend-on que d’autres barres de fer tombent et causent les pires dégâts dans ma famille ? » Le danger est vraiment permanent pour toutes ces familles delaissées sous ces lignes à haute tension. Plusieurs techniciens de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) que nous avons interrogés, ont reconnu qu’il y a des risques réels sur la santé de ceux qui habitent sous les hautes tensions. Malgré ces vives inquiétudes, le gouvernement ivoirien et CI-ENERGIES font la sourde oreille quant aux revendications légitimes des populations qu’ils veulent contraindre de vivre sous les lignes à haute tension…
En France, selon une étude du Centre de recherches indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (CRIMEM/STOP-THT), « les lignes HT (haute tension) et THT(Très haute tension) provoquent des symptômes significatifs chez les riverains de lignes à haute tension, et ce jusqu’à 300 mètres des lignes… La présence des lignes modifie effectivement les conditions de vie. Il n’est plus acceptable de continuer à nier l’impact des lignes très haute tension sur les riverains ». Pourquoi l’Etat de Côte d’Ivoire peut-il signer une loi pour contraindre les populations à vivre sous les lignes haute tension ou sous les pylônes ? Et puis le cas du village de Galéa est spécifique : les populations vivaient là avant le passage des lignes à très haute tension. Elles ont payé leurs terrains avec les propriétaires terriens de Galéa. Ils sont donc propriétaires de leurs lots comme le stipule la loi en Côte d’Ivoire. Or selon la Déclaration des droits de l’homme, « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
Les responsables de CI-ENERGIES et du BNETD ignorent-ils cela ? Le gouvernement ivoirien ignore-t-il cela ? Attend-on que le pire arrive contre ces populations ? Il est important de noter que CI-ENERGIES supervise pour le compte de l’État les travaux de construction du barrage avec l’appui du cabinet d’ingénierie français TRACTEBEL, filiale d’ENGIE et sont chargées de son exploitation.et donc de l’acheminement de l’électricité vers Abidjan au moyen de cette ligne à haute tension. Le projet d’aménagement hydroélectrique de Soubré a été engagé par CI-ENERGIES afin de rééquilibrer les sources de production après la mise en service de la centrale thermique d’Azito. La puissance totale installée est de 275 MW générant une production de 1170 GWH/an.
Colbert Kouadjo, militant des droits de l’Homme.