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RADIO TANKONNON

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Moussa Alex Sawadogo, délégué général du FESPACO : « Si nous voulons l’Etalon de Yennenga, c’est maintenant qu’il faut se préparer »

Publié par RADIO TAN KONNON sur 7 Avril 2023, 11:47am

Catégories : #INTERVIEW

Moussa Alex Sawadogo
Moussa Alex Sawadogo

Le délégué général du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), Moussa Alex Sawadogo, dresse dans ce grand entretien accordé à Sidwaya, le bilan de la 28e édition du FESPACO.

Ses rapports avec les premiers responsables du ministère en charge de la culture, les forces, faiblesses et défis actuels du cinéma burkinabè ont été également, entre autres, les questions abordées avec la rédaction du « journal de tous les Burkinabè ».

Sidwaya (S): Le FESPACO a refermé ses portes le 4 mars dernier, quel bilan pouvez-vous dresser ?

Moussa Alex Sawadogo (MAS): Nous sommes à peine à une semaine de la fin du FESPACO. Chaque édition du FESPACO est un projet pour moi en ce sens qu’au-delà de l’architecture du Festival, il y a des activités que nous essayons de déployer au sein de l’institution.

Il y a de nouvelles activités que nous créons, de nouveaux formats que nous initions dans l’intention de mieux faire. Sur le plan artistique, nous avons visionné plus de 1 200 films et sélectionné 170 films.

Comme bilan à ce niveau, les 170 films ont été projetés et 363 projections prévues ont été réalisées p dans notre projet 2023.

Dans la même dynamique, nous avons prévu 4 masters class avec des personnes renommées du cinéma du monde entier.

Nous avons réalisé tous ces masters class et nous avons eu des rencontres professionnelles ainsi que des colloques. A cela, il faut ajouter le Marché international du cinéma et de l’audiovisuel africain(MICA).

Nous avons renforcé cette année le MICA au siège du FESPACO avec les chapiteaux et des rencontres à l’interne.

Nous avons réussi à 100% à organiser cela. Au niveau populaire, nous avons eu des rues marchandes, des projections open-air (plein air, en français) ont également été organisées.

Nous les avons prévues à la place de la Nation et à l’ex-camp fonctionnaire et de l’animation musicale dans quelques endroits de la capitale.

Le bémol se situe au niveau de la rue marchande à l’ex-camp fonctionnaire. Une rue marchande, ce sont les stands et le côté animation musicale.

A ce niveau, nous avons failli, car nous n’avons pas réussi à assurer tous les jours les animations.

Ce qui a joué négativement sur les résultats des rues marchandes. Je tiens à m’excuser auprès des exposants et j’espère que nous allons y arriver la prochaine fois.

Dans l’ensemble, je peux dire que je suis satisfait. Mais, comme je suis issu d’une école anglo-saxonne, je refuse de m’auto-glorifier à chaque fois dans mes succès. On aurait pu mieux faire.

En effet, il y a des aspects qu’on aurait pu améliorer afin que le FESPACO continue de réaliser ses objectifs.

S : Quels sont les défis à relever pour la prochaine édition ?

M.A.S. : Nous comptons pour les prochaines fois améliorer le voyage, l’accueil et l’hébergement de nos invités.

Aujourd’hui, toute personnalité invitée au FESPACO, surtout dans le contexte sécuritaire que nous vivons, peut être considérée comme une forme de soutien.

Le fait de quitter son pays, son lieu d’habitation, sa famille pour venir à Ouagadougou y compris ses activités, est un témoignage de soutien aux Burkinabè.

Nous aurions pu, mettre à la disposition de nos invités plus de moyens de transport pour faciliter leur déplacement.

Nous avons failli en ne mobilisant pas assez de bus et de véhicules au niveau de chaque hôtel, et de chaque grosse activité.

Cela aurait facilité la mobilité d’un point A à un point B. Nous espérons mieux faire la prochaine fois.

S : Lors de la 27e édition du Festival le coût de la cérémonie d’ouverture et de clôture avait fait couler beaucoup d’encre et de salive. Cette année qu’est-ce qui a été fait pour ne pas retomber dans la polémique ?

Moussa Alex Sawadogo
Moussa Alex Sawadogo

M.A.S. : Je vois que les journalistes sont « friands » de polémique et de tout ce qui est difficulté. (Rires) C’est vrai que nous avons œuvré à éviter tout ce qui est polémique.

Nous voulions réussir et avancer sereinement dans l’organisation de ce Festival. Certes, de par le passé, nous avons eu pas mal de couacs, mais moi, je n’aime pas m’attarder sur ce qui est passé.

Je préfère beaucoup plus m’inspirer de l’expérience du passé pour avancer d’une manière positive. En réalité, il ne devrait pas avoir de soucis.

Il y a deux ans c’était juste une question de manque de symbiose entre mon ministère de tutelle et moi.

Je sais d’où je viens, je sais ce que je fais. J’aime bien à le dire, cela fait plus de 20 ans que je suis dans ce métier.

J’ai participé à l’organisation de festivals aussi énormes que le FESPACO dans ma carrière.

J’ai mon ambition artistique, j’ai ma vision artistique. Lorsqu’on me confie les rênes d’un événement comme le FESPACO soit, on me fait confiance, soit, on ne me fait pas confiance.

Cette année, il n’y a pas eu de soucis parce que tout simplement, il y a eu une vraie symbiose entre mon ministère de tutelle et moi.

Le projet artistique que je lui ai proposé pour cette 28e édition a été accepté. Mon ministère de tutelle a rapidement compris ce que je voulais, c’est-à-dire les objectifs que je souhaitais atteindre, le caractère professionnel que je voulais donner au Festival et l’impact que je recherchais autour.

Donc la bonne collaboration, la bonne symbiose pour ne pas dire l’interaction qui a existé entre mon ministère et moi a fait qu’on n’a pas eu ce que vous appelez difficultés.

C’est comme cela que l’on devrait travailler. A partir du moment où des hommes et des femmes pour ne pas dire la délégation générale du FESPACO, durant 2 ans, disons un an et demi, a travaillé sur la vision du FESPACO 2023, proposé un projet artistique et commencé à y travailler.

En aucun cas, des hommes et des femmes ne viendraient à moins d’un mois ou à deux semaines de l’ouverture du festival pour remettre en cause votre projet. Mais il n’y a pas eu de soucis majeurs.

Le projet artistique a été accepté par mon ministère de tutelle. Pour ce qui est du chorégraphe Serge Aimé Coulibaly, il a postulé à notre appel d’offre et il a été retenu.

Ce qui lui a permis de parachever ce qu’il a commencé il y a deux ans. Il était question qu’au-delà du FESPACO, le monde regarde le Burkina comme un pays qui ne lâche pas, un pays créatif et qui continue à influencer positivement le monde du cinéma.

S : Aviez-vous reçu les félicitations de votre ministre de tutelle ?

M.A.S. : Comme vous le savez je suis engagé sur un champ de bataille, si je peux l’appeler ainsi, sur un évènement comme le FESPACO.

Lorsqu’on me donne les responsabilités, je n’attends pas des félicitations. Est-ce que j’ai atteint mes objectifs ?

Voilà ma principale préoccupation. Lorsque je fais une autocritique, et que je réalise que j’ai atteint plus de 90%, je suis satisfait. Les félicitations je n’en ai vraiment pas besoin pour pouvoir rebondir.

S : Cette année, l’Etalon d’or de Yennenga a encore échappé au Burkina. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

M.A.S.: Cela ne relève pas de la délégation générale du FESPACO. Au FESPACO, nous avons pour mission d’organiser, de promouvoir le cinéma du continent africain mais pas celui du Burkina exclusivement.

Nous avons pour objectif aussi de faire de telle sorte que cette messe du cinéma africain soit une réussite.

Qu’est ce qui n’a pas marché pour le Burkina ? Je ne sais pas. Mais vous savez, tous les films que nous proposons et qui sont en compétition sont compétitifs.

Nous partons avec pour principe que tous ces films ont la capacité de remporter « l’Etalon ».

A la fin, il faut un gagnant. En fin de compte, c’est  AshKal  de la Tunisie qui a gagné. C’est comme si on posait la question aussi au directeur du Tour du Faso pourquoi à chaque Tour du Faso ce n’est pas un Burkinabè qui gagne ?

S : L’Etalon d’or du Yennenga est revenu à un Tunisien à un moment où les noirs sont victimes de racisme. D’aucuns n’ont donc pas apprécié que le prix soit revenu à un tunisien. Qu’en pensez-vous ?

M.A.S. : Nous fonctionnons dans le domaine du cinéma qui relève de l’art, de la culture. Nous nous mettons au-delà de ces aspects.

Nous avons la passion pour ce cinéma et nous adorons le brassage au cinéma. Le cinéma est un territoire. Un territoire en ce sens que c’est la fusion de plusieurs pays.

C’est la puissance de plusieurs nationalités qui crée un film. Quand vous prenez par exemple  Sira , d’Apolline Traoré, notamment la composition de ceux qui y ont travaillé, il y a plus de cinq ou six voix, dix nationalités.

Donc le cinéma est un territoire et ceux qui organisent ce festival doivent être au-dessus de ce territoire. Quand j’ai vu les résultats je me suis dit que voici un jury qui a également fait son travail.

Un jury composé de créateurs, cinéastes et d’artistes qui ne se sont pas laissés emporter par cette vague de délibération populaire. Il s’est mis au-dessus du politique et de la mêlée.

Et c’est une bonne leçon pour la Tunisie. Elle reconnaitra désormais que le Burkina Faso est un pays attaché à la qualité, aux valeurs humaines, morales, etc. C’est cela aussi la force des créateurs, celle de toujours anticiper.

Une belle leçon pour la Tunisie. Nous avons montré qu’au Burkina, en Afrique subsaharienne, nous sommes au-delà de tout cela. Mais, je crois qu’artistiquement aussi, le film Ashkal, je prends la position du jury, a mérité son prix.

S : Au FESPACO, les résultats après la délibération sont rarement contestés. Comment se fait la composition du jury ?

M.A.S.: C‘est comme lorsque vous écrivez un mémoire de maîtrise ou master ou un doctorat. Ce n’est pas toujours évident. Il y a au moins trois étapes.

D’abord, nous avons une pré-liste que nous composons en ne sachant pas le nombre de films à recevoir et les films qui seront proposés dans les différents jurys.

Et lorsque nous passons en présélection, nous décidons de revoir encore un peu notre liste en tenant compte des films que nous sommes en train de présélectionner dans les différentes catégories.

Et à la troisième phase lorsque nous avons la sélection officielle, nous maintenons ladite liste ou nous la changeons en fonction de la disponibilité des uns et des autres.

En effet, les femmes et les hommes qui composent les jurys sont aussi des personnalités beaucoup recherchées dans les jurys des différents festivals. Nous prenons en compte aussi la personnalité de la personne, son expérience dans le cinéma et son milieu de culture.

Et au-delà de cela aussi, nous essayons de tenir compte aussi des régions géographiques. Nous faisons de telle sorte que la plupart des quatre ou cinq régions du continent africain soient représentées.

Ce qui est transversale dans ce domaine aussi, c’est le côté linguistique. Il faut faire de telle sorte que tous les membres qui vont composer ce grand jury puissent parler le même langage.

C’est cela qui est le gros travail, parce qu’en aucun cas la traduction ne peut être fidèle dans le domaine artistique.

Comment amener sept personnalités de cinq régions géographiques, être disponible et avoir un bagage intellectuel artistique et voire culturel ?

C’est le défi à relever. Cela veut dire que dès que je commence à préparer le FESPACO, par exemple de 2025, je dois commencer déjà à penser à la composition du jury.

S : Pour l’organisation de ce FESPACO, le budget était estimé à près de deux milliards de francs CFA. Toutes les activités prévues ont-elles été réalisées?

M.A.S.: Je l’ai dit à une conférence de presse, ce n’est pas l’argent qui fait le Festival. Je préfère commencer par là. Pour le commun des Burkinabè, une telle somme est énorme.

J’ai des collègues qui dirigent des festivals et lorsque je parle de mon budget, ils me regardent, et demandent si, je suis au sérieux. Ils me posent la question à savoir si je parle en terme est d’euros ou de francs CFA.

En aucun cas, un festival ne peut rentrer entièrement dans son budget. Nous l’avons peut-être dépassé parce qu’il y a des collaborations qu’on arrive à faire avec des partenaires, il y a du matériel technique et des ressources humaines qui rentrent en compte.

Ce qui fait qu’on ne pourra jamais estimer la valeur réelle d’un festival. Mais pour revenir à votre question, non ! Je ne suis pas rentré dans mon budget de 2 milliards.

Comme je le disais, le plus important est la force créative de la délégation générale du FESPACO, la force des réseaux, ce qu’on appelle le networking, qui ont permis la tenue de cette édition.

Mais, je tiens à souligner qu’il faut aussi remercier nos autorités. Ce n’est pas chose aisée avec tous ces soucis que nous vivons surtout la question sécuritaire et la pression financière que nous avons un peu partout dans notre pays.

Il faut reconnaître que l’Etat a joué un grand rôle pour que nous puissions arriver à organiser de façon décente et professionnelle cette édition.

Il fallait être créatif pour trouver des voies et moyens et non pleurnicher à cause de notre projet artistique pour cette édition 2023.

C’est ce qui fait la force et l’intelligence du management du FESPACO et nous sommes arrivés à organiser cette édition.

S : Est-ce qu’à l’issue de cette édition, le FESPACO traine toujours des dettes ?

M.A.S. : Nous sommes dans la phase de ce que nous appelons le post-festival. Nous sommes en train de payer nos prestataires et on verra à la fin. Mais, je crois qu’on a déjà une idée de notre budget.

Dans la planification, nous tenons compte de tout cela parce que, nous sommes dans un pays qui traverse des moments très difficiles de son histoire et il faut faire beaucoup attention à cela.

En 2021, nous avons pu maitriser notre budget et réussir à honorer tous nos engagements vis-à-vis de nos prestataires.

S : Est-ce qu’il vous arrive de faire certaines dépenses de vos poches dans le souci de réussir l’organisation ?

M.A.S.: Elle est importante cette question ? Je dirai que cela arrive souvent lorsque nous sommes en voyage ou en contact avec un partenaire. Si on veut accélérer les choses, il faut faire des dépenses.

C’est cela aussi la responsabilité. Je crois que si les autorités m’ont confié cette responsabilité, c’est que quelque part je peux faire un effort pour pouvoir faciliter les choses.

Honnêtement, quand je le fais, c’est pour la bonne marche de la maison, du Festival et le bonheur du pays.

Si l’autorité nous a confié ces responsabilités, c’est parce qu’elle sait que nous avons les capacités humaines, le réseau et ce reflexe pour surmonter les difficultés. Je le dis et le répète, un festival ce n’est pas que l’argent, c’est de la stratégie.

S : Il y a des Burkinabè qui estiment que le FESPACO n’apporte rien aux Burkinabè à part dépenser deux milliards chaque deux ans. Quel est votre commentaire ?

Moussa Alex Sawadogo
Moussa Alex Sawadogo

M.A.S.: Je ne sais pas ce que ces Burkinabè veulent dire par là. Je vais donner un exemple très simple. Il y a deux ans lorsque nous avons fini le FESPACO, 3 semaines après, avec quelques collaborateurs, nous sommes allés rencontrer l’association des restaurateurs, et la fédération des hôteliers de Ouagadougou.

Je venais juste de les payer. Ce sont ces hôteliers et restaurateurs qui ont demandé si c’est possible d’organiser le FESPACO chaque année ?

Cela montre à souhait l’apport du festival dans notre économie. Depuis la crise que nous traversons, beaucoup d’hôtels, de restaurants, d’artisans et même de vendeurs ambulants ont vu leurs chiffres d’affaire baissé. Mais grâce à la tenue du FESPACO, les choses se sont améliorées.

Cependant, l’esprit d’un festival, ce n’est pas le retour direct de ce que l’on peut avoir. C’est l’engagement que l’Etat prend pour pouvoir le faire tout en sachant que derrière les activités extra qui seront engagées, c’est l’image positive de notre pays que nous projetons à l’extérieur et cela n’a pas de prix.

Depuis les crises que nous traversons, quel est l’évènement qui montre l’image positive du Burkina à l’extérieur ?

Nous avons montré en 2021 que le Burkina Faso résiste, il est créatif, qu’on est capable de rassembler 51 nationalités et plus de 20. 000 personnes en une semaine au Burkina Faso.

Il n’y a pas de prix pour cela. Et ce que nous vendons à l’extérieur est plus que deux milliards FCFA. Je crois que c’est ce qu’il faut voir.

S : D’aucuns affirment que le Togo était initialement pays invité d’honneur mais a été délaissé en dernière minute au profit du Mali. Que s’est-il passé ?

M.A.S. : On n’a jamais dit officiellement que le Togo était le pays invité d’honneur ni à la délégation générale du FESPACO, ni à mon ministère de tutelle.

A chaque édition du FESPACO, nous envoyons des lettres aux pays que nous avons ciblés pour être l’invité d’honneur.

A partir du moment où un pays donne son accord, les techniciens se concertent, c’est-à-dire, la direction générale du cinéma du pays ciblé et la délégation générale du FESPACO réfléchissent ensemble pour harmoniser leurs projets.

Dans la short list, il y avait le Togo, le Mali et le Niger. Le pays qui a confirmé rapidement et qui a pris la décision d’être l’invité d’honneur était le Mali.

Et, en plus de cela, nous avons reçu une réponse défavorable du Togo, disant ne pas être prêt pour cette édition.

Nous ne regrettons pas que le Mali fût le pays invité d’honneur. Au-delà de la frontière que nous partageons avec le Mali, c’est un lien historique qui existe entre nos deux pays.

En plus de cela quand on parle du cinéma africain, au-delà du Burkina, il y a le Mali avec de fortes personnalités comme Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko, Gaston Kaboré,…,qui sont de l’ancienne génération.

En ce qui concerne la nouvelle génération, nous avons André Diarra, Fousseni Maïga, Appoline Traoré et Michel Zongo, etc. Justement, il y a une co-production entre ces pays.

Nombreux sont des techniciens burkinabè qui partent au Mali pour pouvoir monnayer leur production cinématographique et vice-versa. La production au Mali est quasiment la même qu’au Burkina.

Du coup, nous étions très fiers d’avoir le Mali comme pays invité d’honneur.

Que ce soit à la cérémonie d’ouverture tout comme à celle de la clôture, la scène et la lumière que vous avez vues ont été offertes gratuitement par le Mali.

Vous avez vu également, la mobilisation du Mali et la place que nous leur avons réservée au niveau du Marché international du cinéma et de l’audiovisuel africains (MICA) et de la programmation.

Je profite au passage pour saluer toute la population malienne, les autorités du Mali qui n’ont ménagé aucun effort pour être au Burkina. Et je salue personnellement le directeur du cinéma du Mali.

S : Que pensez-vous de la qualité de la production cinématographique au Burkina Faso ?

M.A.S. : Pour ce qui est du Burkina, nous avons reçu plus de 80 films. Nous en avons sélectionné plus de 31. Sans être chauvin, sur les 51 nations, y compris la diaspora qui étaient présentes à cette édition, je pense que le pays le plus représenté en matière de productions cinématographiques était le Burkina Faso.

Ce n’est pas parce que c’est le Burkina, c’est par rapport à la qualité ; même, si à l’arrivée, le maillot jaune n’est pas revenu au Burkina.

Mais, il faut aller au-delà. Nous regardons la qualité, la force, la dynamique du cinéma burkinabè.

Aujourd’hui, quand nous essayons de regarder sur le plan international, nous voyons la présence du cinéma burkinabè dans presque tous les grands festivals de catégorie A.

Par exemple, nous avons eu récemment au festival de Rotterdam, un des grands festivals du cinéma de catégorie A, le film de Salam Zampaligré :  Le taxi, le cinéma et moi.

Avec le même film, il a remporté le prix du meilleur film documentaire au festival de Louxor, en Egypte. Nous avons également le film de Apolline Traoré, Sira qui a remporté le prix du public à la Berlinale en Allemagne qui est le deuxième ou troisième plus grand festival du monde.

C’est le premier film africain à l’avoir remporté. Si on regarde au niveau de la dynamique, de la présence, les films burkinabè sont présents aux grands rendez-vous et y honorent le cinéma africain.

Je pense qu’il faut voir la présence du cinéma d’Afrique au lieu de se cantonner au niveau du Burkina. Le seul souci est qu’on ne juge le cinéma burkinabè qu’à travers le FESPACO et cela est dangereux.

Je pense qu’on doit aller au-delà de cela. C’est vrai que le FESPACO est le miroir, la vitrine. C’est là où on veut être, mais essayons d’aller plus loin que le FESPACO pour pouvoir jauger la présence, la dynamique et la force de créativité des Burkinabè.

Au-delà de cela, cette dynamique pourra se renforcer si on essaie de revoir la structuration, parce que l’Etalon d’or de Yennenga s’acquiert, c’est une lutte.

C’est une cinquantaine d’Etats qui luttent pour un Etalon et pour pouvoir y arriver aussi, on doit se donne les voies et les moyens. En prenant l’exemple du Sénégal, bien que Sembène Ousmane soit Sénégalais et cofondateur du FESPACO, le pays de la Téranga n’a commencé à remporter l’Etalon d’or de Yennenga qu’aux dernières années et encore la même personne, Alain Gomis.

Vous voyez qu’ils se sont donné les moyens pour y arriver. Mais comment sont-ils arrivés ? C’est la structuration, le rapport entre le ministère de tutelle et les professionnels pour pouvoir trouver une forme de financement de films, d’organisation du secteur pour y parvenir.

Les professionnels ne doivent pas attendre l’approche du FESPACO pour mettre la pression sur le ministère afin d’obtenir un fonds d’un milliard ou un milliard 500 millions F CFA du chef de l’Etat. Je ne crois pas que c’est comme cela qu’on va y arriver. Je pense que si on veut avoir l’Etalon de Yennenga en février ou mars 2025, c’est maintenant qu’il faut commencer à se préparer.

S : Apolline Traoré a obtenu l’Etalon d’argent avec son film Sira . Est-ce que vous vous y attendiez ?

M.A.S.: Oui, en ce sens que son film faisait partie des 15 films que nous avons sélectionnés et qui méritaient d’avoir l’Etalon d’or.

Elle a eu l’argent, c’est mérité.  Sira  est un film de qualité. Apolline Traoré est une réalisatrice très dynamique, très créative, qui arrive à travailler en parfaite symbiose avec ses acteurs, ses techniciens.

Elle s’est donné les moyens, bien vrai que ses moyens étaient limités. Aller jusqu’en Mauritanie pour tourner a probablement doublé son budget… Elle mérite amplement son prix.

S. : Les comédiens burkinabè sont souvent qualifiés de piètres comédiens. Partagez-vous cet avis ?

M.A.S. : Comme disait mon cher grand frère Idrissa Ouédraogo, il n’y a pas de mauvais comédien. C’est la direction d’acteurs qui est mauvaise.

Ce qui revient à dire que tous les acteurs sont capables de faire un film.

Maintenant, si la direction d’acteurs n’a pas marché, le réalisateur et son directeur en sont responsables et c’est sûr que cela aura une répercussion négative sur le film.

Personnellement, je ne suis pas d’accord qu’on nous dise que nous avons de mauvais comédiens au Burkina. Nous avons de très bons comédiens qui monnaient leurs talents en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Mali… et qui font de très beaux films, des films à succès.

Au-delà de cela, nous avons déjà eu, dans l’histoire de notre cinéma, des comédiens qui n’étaient même pas professionnels et qui avaient joué dans le film Buud-yam de Gaston Kaboré qui a eu l’Etalon d’or de Yennenga.

Mais pourquoi, a- t-il reçu l’Etalon d’or de Yennenga ? Non, je crois qu’il y a de très bons acteurs qui font notre fierté partout et qui arrivent à tourner des films au-delà même du Burkina, qui ont reçu des prix un peu partout, hors du Burkina, même de la diaspora.

Je crois que ce n’est pas la raison. C’est toujours facile lorsqu’il y a un échec quelque part de toujours viser une personne. Je dis non. Lorsqu’il y a un échec dans un film, lorsqu’un film ne marche pas, il faut remettre en cause tout le film en partant de l’idée du projet jusqu’à la fin du film.

S : On a l’impression que les acteurs burkinabè sont incapables de jouer dans d’autres registres. C’est toujours la même manière de jouer…

M.A.S. : Nos comédiens sont ce que le réalisateur leur demande. Pourquoi vous en voulez aux comédiens et non aux réalisateurs ? Lorsqu’on fait un casting, on sait déjà qu’on a besoin de telle ou telle personne.

Lorsqu’on écrit le scenario, son projet de film, on a déjà une idée de qui pourrait jouer. Et souvent, l’on fait le casting d’un acteur par rapport au rôle qu’on veut lui donner.

Lorsqu’on amène l’acteur aussi, on lui dit, « voici ce que je veux, joue ce rôle ». Donc n’en voulez pas trop aux acteurs, « attaquez » aussi les réalisateurs.

Si le réalisateur propose un rôle qui est au-delà de la capacité de l’acteur pour qu’il puisse se donner à fond pour y arriver, il y aura une difficulté.

C’est le réalisateur qui est avant tout le propriétaire du film et c’est lui qui donne le ton, l’idée. Mais, s’il veut caser l’acteur dans cela, il va y rester.

Je pense que tout réalisateur, tout acteur peut aller au-delà de ses capacités. Mais cela dépend de ses ambitions. Est-ce qu’il y a un réalisateur qui a déjà proposé le rôle principal dans un grand film à ces personnes et elles n’ont pas pu réussir ?

Non. Je prends le film  Sira d’ Apolline Traoré, l’actrice principale n’est pas une professionnelle, mais c’est un grand rôle qu’elle a joué. Poser la question à Apolline pour savoir pourquoi elle n’a pas pris telle actrice ou telle autre et a plutôt préféré prendre une autre pour pouvoir atteindre ses objectifs. Je pense que c’est comme cela qu’il faut essayer de voir les choses.

S : Comment améliorer leurs prestations ?

Moussa Alex Sawadogo
Moussa Alex Sawadogo

M.A.S. : Malheureusement, lorsqu’il y a des actions, elles sont toujours à caractère social. Il faut cotiser de l’argent pour tel ou tel comédien. Il faut cotiser de l’argent parce qu’il y a eu décès d’un tel comédien. Je pense que tout cela, c’est la mauvaise organisation même de la société des professionnels qui amène souvent à cela.

J’ai toujours dis et j’insiste là-dessus, les réactions de nos autorités sont dues à la pression que mettent les professionnels. Les politiques ne font que diriger, encadrer.

Mais si, le syndicat des professionnels ne met pas la pression à travers leur organisation, comment allons-nous-y arriver ? A partir du moment où, on peut se lever individuellement pour aller présenter ses projets personnels, au ministre, en lieu et place de ceux en commun, on ne va jamais s’en sortir.

Lorsque vous parlez des questions de financement des films, je trouve que c’est dangereux qu’un réalisateur se lève lui-même pour aller voir un ministre pour son propre projet.

On n’arrivera à rien en agissant de la sorte. Il est important de proposer ensemble des projets concrets, des idées concrètes que de mettre individuellement la pression sur les ministères de tutelle.

C’est la même chose pour les comédiens. Il faut qu’ils s’organisent. Mais ils vont toujours en rangs dispersés. Où est l’association des comédiens ? Que fait la fédération des hommes de cinéma pour y remédier ?

J’ai eu la chance dans ma carrière de pouvoir vivre dans d’autres pays où j’ai milité dans des associations et j’ai vu comment cela se passait. J’ai vu l’action de ces organisations, ces syndicats qui ont fait pencher des gouvernements par rapport à beaucoup de choses. Je vous donne un cas très simple.

Le Sénégal aujourd’hui a 2 milliards F CFA pour un fonds, ce qu’ils appellent le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA). Comment sont-ils arrivés ?

Je ne crois pas que c’est le gouvernement sénégalais qui a pris en solo cette initiative. C’est la symbiose entre les professionnels, leur syndicat et les ministères de tutelle qui a amené justement l’Etat sénégalais, à travers les prix qu’ils ont remportés, pour pouvoir créer ce fonds.

Aujourd’hui, le Sénégal est en avance sur nous. Aujourd’hui, nous avons un Etalon d’argent. Pourquoi ne pas prendre cette dynamique pour voir ensemble comment on peut passer à l’autre étape de « l’Etalon » dont on n’est pas loin.

C’est juste une marge. Allons sur cette dynamique, proposons quelque chose de concret. On a la chance d’avoir actuellement un ministère qui, selon moi, écoute, est sensible à la chose et est prêt aussi pour qu’on puisse peut-être avant 2025 avoir un fonds dynamique qui pourrait prendre en compte les étapes de la fabrication d’un film.

S : Quelle politique peut-on mettre en place pour faire fonctionner les salles ?

M.A.S. : Une fois de plus ce sont les difficultés. Posez la question à savoir comment le FESPACO est arrivé à faire 363 projections sans l’existence de véritables salles de cinéma ? J’aurais aimé cette question dans ce sens.

C’est vrai, ce n’est pas un problème typiquement burkinabè, c’est tout le continent africain, l’Afrique subsaharienne qui est concernée par ce problème. C’est vrai que de plus en plus, à chaque édition du FESPACO, la délégation générale du FESPACO a toujours des soucis avec les espaces de projection.

Comment a-t-on réussi à projeter 363 projections dans un pays qui n’a véritablement pas plus de 5 salles de cinéma dans sa capitale ? Il fallait donc être créatif, inventif. Et cela a nécessité des stratégies.

A chaque édition du FESPACO, nous sommes amenés à financer, équiper certains espaces.

Ce qui nous coûte beaucoup d’argent pour pouvoir projeter dans la ville de Ouagadougou et aussi faire de telle sorte que ce soit de très belles projections.

Nous avons des créateurs, réalisateurs et producteurs qui sont très exigeants et lorsque vous projetez des films en compétition, il faut faire de telle sorte que la qualité des projections soit identique.

Sinon, cela peut amener toujours des débats du genre « mon film a été mal projeté », « la projection n’a pas été bonne », etc.

Donc, le FESPACO dépense beaucoup d’argent pour équiper ces espaces. Aujourd’hui, c’est vrai qu’un film est facile à produire, mais il coûte cher à projeter. Voilà pourquoi nous parlons de numérique.

Le numérique, il est facile mais en qualité de projection cela demande beaucoup de choses.

Aujourd’hui, les spectateurs connaissent la qualité du son, de la projection, de la lumière, de l’image et autres. Nous sommes vraiment en face d’un public, de cinéphiles très avertis.

Aujourd’hui, l’Etat ne peut pas tout faire parce que le cinéma est déjà un gros travail pour lui. Je me pose la question de savoir pourquoi les hommes d’affaires ne s’y intéressent pas ?

Une salle de cinéma, c’est un espace, ce sont des matériels de projection, des salles multifonctionnelles, etc. Pourquoi les hommes d’affaires ne veulent-ils pas investir dans nos salles de cinéma ?

Vous n’allez pas me dire qu’au Burkina, nous n’avons pas d’hommes et femmes d’affaires capables d’investir dans ces espaces ? Nous, Burkinabè, préférons au contraire investir dans le logement.

Il faut à un certain moment essayer d’investir dans les salles de cinéma pour voir les résultats dans 2 à 5 ans. Il y aura un impact positif. Aujourd’hui, on a une population qui veut voir des films.

Par exemple, elle veut voir les images, être en symbiose avec d’autres personnes pour passer de beaux moments dans une salle de cinéma. Nous devons donc revoir la politique des salles de cinéma. Je profite de votre canal pour lancer un appel aux hommes d’affaires pour leur dire que l’industrie du cinéma est bénéfique. Ils doivent prendre le risque d’investir en collaboration avec les exploitants des salles de cinéma ou avec l’Etat pour construire des salles de cinéma, des espaces qui peuvent être multifonctionnels. Pas seulement projeter des films, mais des salles de spectacles et autres et ils verront qu’ils vont rentabiliser.

S : Expliquez-vous aux hommes d’affaires le bien fondé et l’intérêt économique pour eux de construire ces salles de cinéma ?

M.A.S. : Personnellement, non, pour ne pas dire que la délégation générale du FESPACO ne fait pas cela. Ce n’est pas notre mission. Notre mission est d’apporter des films et de trouver des espaces pour les présenter. Il appartient à l’association des exploitants des salles de cinéma ou du ministère d’en parler. Nous n’avons pas le droit de plaider pour une salle de cinéma. Pour preuve, nous n’arrivons pas à achever notre salle de cinéma qui est juste au FESPACO. Nous comptons entreprendre des démarches pour voir comment approcher des hommes d’affaires pour y arriver. Je crois fort bien qu’on y arrivera !

S : A part le problème des génies, quel autre problème constitue un obstacle pour achever la construction de la médiathèque ?

Moussa Alex Sawadogo
Moussa Alex Sawadogo

M.A.S. : Le problème est une question d’engagement. C’est déjà énorme pour nous d’organiser le FESPACO avec le peu de budget.

Nous mettons tellement d’énergie à la recherche de partenaires dans la planification. Je crois fort bien que lorsque les choses se normaliseront au fur et à mesure, il y a des investisseurs qui vont revenir et on prendra le bâton du pèlerin pour aller trouver des partenaires.

Je crois qu’il y a des partenaires qui sont prêts à investir dans ces salles de cinéma. La preuve est que nous avons reçu un partenaire privé qui a construit un espace de distraction, de salle de réunion au sein du FESPACO.

Aussi, nous avons construit deux bureaux. Et ces bâtiments sont terminés dans de très bonnes conditions et nous les avons déjà exploités dans le cadre du dernier FESPACO.

S : Particulièrement, croyez-vous qu’il y a des génies au siège du FESPACO?

M.A.S. : S’il y a des génies, ils doivent être de très bons génies car, à l’approche du FESPACO, nous travail… suite quotidien du 07-04-2023

Source: Sidwaya.info

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