Ce matin, aux premières lueurs de l'aube, Ouagadougou s'est réveillée sous une tension palpable. Une manifestation non autorisée, orchestrée par la Coordination de Veille Citoyenne (CVC), a été promptement dispersée par les forces de la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) devant l’ambassade française, un édifice qui, selon les manifestants, symbolise une menace pour la souveraineté nationale burkinabé.
La genèse de la manifestation
L'appel à la mobilisation, lancé par la Coordination de Veille Citoyenne, a rassemblé plusieurs centaines de personnes. Ce regroupement hétéroclite de citoyens, de militants associatifs et de membres de la société civile s’est donné rendez-vous dès les premières heures de la matinée pour exprimer leur mécontentement face à l’emplacement stratégique de l'ambassade de France, jouxtant la présidence burkinabé.
Les manifestants estiment que cette proximité géographique confère à la France une influence indue et inacceptable sur les affaires internes du Burkina Faso. "Nous ne pouvons tolérer que le siège de notre souveraineté nationale soit placé sous l'œil vigilant d'une puissance étrangère," déclarait un manifestant brandissant une pancarte dénonçant ce qu'il qualifiait de "néocolonialisme insidieux".
L'intervention musclée de la CRS
À peine les manifestants avaient-ils commencé à se rassembler que la Compagnie Républicaine de Sécurité est intervenue pour disperser la foule. Équipés de boucliers, de casques et de matraques, les agents de la CRS ont rapidement encerclé les protestataires. Des gaz lacrymogènes ont été utilisés pour disperser les manifestants, créant une atmosphère irrespirable et une panique générale. Plusieurs personnes ont été interpellées et conduites vers des destinations inconnues.
Un témoin, qui a souhaité garder l’anonymat, a décrit la scène : "C’était un chaos total. Les manifestants couraient dans tous les sens pour échapper aux gaz lacrymogènes, et certains ont été brutalisés par les forces de l’ordre."
Les réactions officielles
La réaction des autorités burkinabé ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué publié peu après la dispersion de la manifestation, le ministère de l'Intérieur a justifié l’intervention de la CRS par le caractère non autorisé de la mobilisation, soulignant que "l’ordre public doit être maintenu pour garantir la sécurité de tous les citoyens."
Cependant, cette justification n’a guère convaincu les membres de la Coordination de Veille Citoyenne. Dans une déclaration officielle, la CVC a condamné "l’usage disproportionné de la force" par la CRS et a réaffirmé son engagement à lutter pour la souveraineté nationale. "Nous ne nous laisserons pas intimider par les actions répressives du gouvernement," a martelé le porte-parole de la coordination.
Le contexte historique et politique
L’incident de ce matin s’inscrit dans un contexte historique et politique complexe. Les relations entre le Burkina Faso et la France, ancienne puissance coloniale, ont toujours été empreintes de tensions. Si la France a longtemps été perçue comme un partenaire stratégique et un soutien indéfectible, la montée des mouvements souverainistes et panafricanistes a radicalement changé la donne.
Nombreux sont ceux qui critiquent l’ingérence supposée de la France dans les affaires internes burkinabées, notamment à travers des accords de coopération jugés léonins et des bases militaires présentes sur le territoire. "L’indépendance ne peut être qu’un mot vide de sens si nous continuons à être subordonnés aux intérêts d’une puissance étrangère," affirmait un leader d'opinion dans une récente tribune publiée dans un quotidien national.
Les répercussions et perspectives
La dispersion violente de la manifestation d’aujourd’hui ne manquera pas de laisser des traces dans l’opinion publique. Déjà, les réseaux sociaux s’enflamment, dénonçant la répression et appelant à de nouvelles mobilisations. Le hashtag #SouverainetéBurkinabé a rapidement gagné en popularité, rassemblant des milliers de soutiens en quelques heures.
Les observateurs politiques s’interrogent sur les suites de cet événement. La tension croissante entre le gouvernement et les mouvements citoyens pourrait déboucher sur une crise politique majeure, si aucune issue pacifique et consensuelle n'est trouvée. "Il est impératif que les autorités ouvrent un dialogue constructif avec la société civile pour apaiser les tensions et trouver des solutions durables," préconise un analyste politique.
Conclusion
L'épisode tumultueux de ce matin devant l'ambassade de France à Ouagadougou marque un tournant dans la lutte pour la souveraineté nationale au Burkina Faso. Si la réponse musclée des forces de l'ordre a permis de rétablir momentanément le calme, elle n'a fait qu'exacerber le sentiment d'injustice et de révolte parmi une partie croissante de la population. Seul un dialogue sincère et respectueux des aspirations citoyennes permettra d’éviter que la situation ne dégénère davantage, dans un pays qui aspire à une véritable indépendance et à une pleine souveraineté.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon