
Assistons-nous à une passe d’armes entre le Premier ministre congolais et son vice-Premier ministre sur la responsabilité de la Monusco dans les attaques en cours à Beni ? Il semblerait que oui, si l’on se réfère à leurs dernières réactions sur leurs comptes Twitter respectifs.
« On ne peut pas réussir à protéger la population si on devient nous même une cible ». Ces propos de Leïla Zerrougui la représentante en RDC du secrétaire général de l’ONU sont repris dans un article de Radio Okapi, la station de la mission onusienne en RDC, sur le compte Twitter du média en début de matinée du mardi 26 novembre.
Parmi les dizaines de réactions, figure une et non des moindres. Celle du Premier ministre de la République démocratique du Congo, Ilunkamba Ilunga Sylvestre. « Non madame @SRSG_Monusco, vous avez réussi à devenir une cible parce que vous ne protégez pas la population », écrit le chef du gouvernement congolais sur son compte.
Dans cette pique à peine voilée, M. Ilunga tient en effet pour responsable la Monusco dans les attaques subies par les populations de Beni, dans l’Est du pays, depuis des mois, voire des années. Lundi, ces attaques ont donné lieu à des scènes de révolte des populations qui s’en sont prises à des installations de la Monusco dans la ville. Bilan des manifestations, au moins 6 morts dont la responsabilité n’est pas encore clairement établie.
Lundi, déjà, le Premier ministre congolais s’en prenait vertement à la mission onusienne, accusée de s’en prendre aux populations. « Il est inadmissible que la MONUSCO qui est chèrement payée pour le maintien de la paix et la stabilité, tire à balles réelles sur les populations civiles de la #RDC! Mais quand, les #ADF opèrent dans Beni, on ne les voit, ni les entend ! C’est inacceptable !
SRSG_MONUSCO MONUSCO ».
Ilunkamba Ilunga Sylvestre
Il est inadmissible que la MONUSCO qui est chèrement payé pour le maintient de la paix et la stabilité, tire à balles réelles sur les populations civiles de la #RDC! Mais quand, les #ADF opèrent
Des accusations démenties par posts interposés par Kankonde Nkashama Malamba Gilbert, qui n’est autre que le vice-Premier ministre de la RDC. « Évitons de faire de l’amalgame & ne suivons pas les messages de manipulation qui voudraient faire croire que la @MONUSCO ferait partie du problème alors qu’il s’agit d’un soutien international », écrit le ministre. « (…) Le maintien de l’ordre et la sécurité de la population, c’est d’abord une des responsabilités régaliennes de l‘État et là nous nous assumons entièrement », a-t-il ajouté.
Kankonde Nkashama Malamba Gilbert (Officiel)
La MONUSCO est ici, et souvent elle intervient en terme de logistique. Mais pour le maintient de l'ordre et la sécurité de la population, c'est d'abord une des responsabilités régaliennes de l'État et là nous nous assumons entièrement.
Si M. Malamba évite d’affronter son responsable en le nommant, les internautes n’ont pas mis de temps à comprendre la passe d’armes entre les deux responsables du gouvernement congolais. Et ce d’autant que ces personnalités ont des vues diamétralement opposées sur la question du maintien ou non de la Monusco en RDC. Fervent allié de Joseph Kabila, Sylvestre Ilunga est farouchement opposé, comme l’ancien président congolais, au renouvellement du mandat de la Monusco qui doit d’ailleurs être décidé en fin d’année par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Position mesurée pour le vice-Premier ministre Kankonde Nkashama Malamba Gilbert, un fidèle du président Félix Tshisekedi. Ce dernier estime en effet que le retrait de la mission onusienne doit se faire progressivement de manière à aider à nettoyer les dernières poches d’insécurité dans le pays.
L‘étalage des points de vue de MM. Ilunga et Malamba sur les réseaux sociaux, est toutefois, surtout révélateur des dissensions et tensions qui giclent de la coalition au pouvoir, formée par Joseph Kabila et son successeur Félix Tshisekedi.
Carole KOUASSI