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RADIO TANKONNON

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Au Burkina Faso, la scolarisation des filles, enjeu du développement

Publié par RADIO TAN KONNON sur 31 Décembre 2019, 17:10pm

Catégories : #ACTUALITE

Une meilleure école pour moins de pauvreté en Afrique (4). Dans ce pays parmi les plus pauvres de la planète, une ONG lutte pour la parité dans les écoles.

Lorsque Fadiratou évoque ses rêves, ses yeux noirs s’illuminent. « Docteure. C’est ce que j’aimerais devenir », murmure-t-elle, avant de baisser le regard. Comme gênée de cette ambition qu’elle cultive dans son internat pour jeunes filles, à Nanoro, commune de la région Centre-Ouest, au Burkina Faso.
 

Présentation de notre série Une meilleure école pour moins de pauvreté en Afrique

Il y a quelques années, Fadiratou ne pouvait même pas s’imaginer d’avenir professionnel, car son aventure scolaire devait se terminer en fin de primaire. Ses parents, cultivateurs, la destinaient au travail des champs et à un mariage arrangé pour lui « assurer une sécurité ». Jusqu’au jour où elle s’est rebellée. « J’ai dit non », raconte la jeune fille du haut de ses 18 ans, un voile vert encadrant son visage aux traits encore enfantins. Je préférais aller à l’école pour réussir ma vie et ne pas dépendre d’un mari, comme ma mère. »

« Un chemin pavé d’obstacles »

Le Burkina affiche le cinquième taux le plus élevé au monde pour les mariages d’enfants, avec une fillette sur deux mariée avant ses 18 ans et une sur dix avant ses 15 ans. « Les parents préfèrent investir dans l’éducation des garçons, car la fille est considérée comme une “étrangère” qui devra partir vivre dans une autre famille et s’occuper des tâches ménagères », explique Naaba Karfo, roi et chef coutumier de Nanoro. « Chaque année, on perd des écolières, mariées de force puis rapidement enceintes », regrette l’inspecteur de l’enseignement de la commune, Seydou Yameogo, qui a ensuite bien du mal à les réintégrer dans le système scolaire.

Pauvreté, isolement géographique, pesanteurs sociales, mariages et grossesses précoces : au Burkina, où plus de 60 % de la population est analphabète et 40 % vit sous le seuil de pauvreté, le chemin vers l’école reste pavé de trop d’obstacles pour bien des jeunes filles.

Episode 1 Au Kenya, une pilule « miracle » contre l’absentéisme à l’école

Si Fadiratou a réussi à les franchir, c’est parce que son ambition est arrivée aux oreilles de Yaya Ouedraogo. « J’ai regardé ses notes, qui étaient très bonnes. Cette jeune fille avait aussi une envie. Alors nous avons décidé de la soutenir pour qu’elle puisse aller au collège et au lycée », explique cet animateur de Res Publica, une association française qui a mis en place un plan de scolarisation des filles.

En une vingtaine d’années, l’ONG a réussi le pari de multiplier par cinq l’effectif des filles dans la centaine de structures construites, dans trois provinces du pays.

Ses fondateurs, les Lyonnais Françoise et Jean-Claude Perrin, ont débarqué en 2001 au milieu des champs de sorgho et de mil de la région de Nanoro, dans le sillage d’un médecin français dont ils ont financé les missions.

Le couple, qui observe alors les avancées sanitaires sur la zone, découvre la réticence des parents à envoyer leurs filles en classe. « Les familles, modestes préféraient garder leurs enfants pour être aidées dans les tâches ménagères et les travaux champêtres », se rappelle André Kaboré, coordinateur local de Nanoro. Les deux Français décident, avec leur argent personnel, d’octroyer des bourses aux filles.

« Ventre vide »

La localité qui regroupe 14 villages ne compte alors qu’une dizaine d’écoles primaires et un seul collège public, ce qui oblige les élèves à parcourir plusieurs kilomètres à pied, expose les fillettes aux agressions ou aux viols. Au Burkina, si l’école est gratuite et obligatoire jusqu’à 16 ans, les familles doivent contribuer aux frais de fonctionnement des établissements, prendre en charge les déplacements et encore acheter des fournitures scolaires.

Res Publica décide alors de construire 16 nouveaux établissements – de la maternelle au lycée – avec trois internats féminins et met ces infrastructures à la disposition du ministère de l’éducation burkinabé, qui y nomme des enseignants. L’association, elle, prend en charge les frais de scolarité des enfants des familles les plus démunies et met en place des cantines avec des repas préparés par les familles du village. « Avant, les élèves restaient le ventre vide toute la journée, perdant en concentration », rapporte André Kaboré, bien conscient que ce repas quotidien, parfois le seul, est un argument de plus pour envoyer les enfants étudier.
 

Episode 2 Au Sénégal, quand faire venir l’eau au village ramène les fillettes à l’école

Vingt ans plus tard, deux choses ont changé. « La parité est assurée entre filles et garçons », rappelle Jean-Claude Perrin. Ensuite, selon les données de l’association, les résultats scolaires de la zone ont progressé de 30 % depuis son intervention. « L’idée était de montrer que nous pouvions réussir à développer une région en injectant des deniers privés dans le “pot commun” », résume Fabien Pagès, directeur adjoint de Res Publica.

A Nanoro C, l’un des établissements primaires construit en 2004 par l’association, les enseignants continuent le combat pour changer les mentalités « dès l’école ! », insiste Habibata Zela Sanogo. Au sein de sa classe, l’institutrice veille à l’équilibre des travaux de groupes et combat pied à pied les préjugés. Elle invite régulièrement d’anciennes élèves devenues pompier ou médecin pour montrer aux filles que « c’est possible ! ». L’équipe enseignante se déplace aussi dans les villages pour convaincre les derniers parents « récalcitrants ».

« C’est moi qui l’aide ! »

L’enjeu de la scolarisation des filles reste énorme en Afrique subsaharienne, où vivent plus de la moitié des 61 millions d’enfants non scolarisés de la planète. Ces dernières années, le Burkina Faso a réalisé des progrès significatifs en matière éducative grâce à un plan décennal. Le nombre de filles scolarisées dans le primaire est passé de 72 % en 2008 à 95 % en 2018.

Mais la difficulté vient après. Seulement 40 % d’entre elles poursuivent dans le secondaire et 4 % dans le supérieur. « Les familles pensent encore qu’il suffit que leur fille apprenne à lire et à écrire. Ensuite, elle doit travailler pour ne pas devenir une charge », observe Rasmata Ouedraogo, directrice de la promotion de l’éducation inclusive des filles au ministère de l’éducation nationale.
Episode 3 En Côte d’Ivoire, enseigner à hauteur d’élève dans les communautés du cacao

« Si tous les adultes achevaient le secondaire, le taux de pauvreté dans le monde diminuerait de moitié », estime pourtant l’Unesco. Accès à l’emploi, meilleurs revenus, autonomisation des femmes : l’éducation contribue au développement de la croissance économique et à la baisse des inégalités, pointe l’agence onusienne.

Peu à peu, en terre burkinabée, la prise de conscience se fait. « Ma mère et ma grand-mère dépendaient de leur mari, moi-même j’ai dû arrêter l’école en CM2 et me marier à 18 ans. Alors je ne veux pas le même destin pour mes filles ! », insiste Marie-Jeanne Kafando, une cultivatrice qui complète ses revenus en donnant des cours d’alphabétisation à un groupement de femmes de Nanoro.

« Beaucoup de mères sont analphabètes. Ces cours les aident à développer leur activité et à s’impliquer dans le suivi des devoirs de leurs enfants », raconte Mme Kafando, qui a pu elle-même payer ainsi les études de ses deux filles : « Maintenant, je gagne plus que mon mari. C’est moi qui l’aide ! »

Par Sophie Douce

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