
REPORTAGE. La photographie comme antidote contre l'embrigadement idéologique, voilà la trajectoire que s'est choisie la Biennale de Bamako cette année..
Le contexte de la Biennale de cette année n'a pas été des plus simples. Intervenue juste près l'accident au combat de deux hélicoptères mobilisés contre les terroristes djihadistes, la Biennale a reçu l'onction des plus hautes autorités maliennes, en l'occurrence le président Ibrahima Boubacar Keïta qui a inauguré l'édition de cette année et la ministre de la Culture du Mali, N'Diaye Ramatoulaye Diallo. Cela l'a mise sur des rails qu'il convient d'apprécier autant dans les galeries, les divers sites d'exposition que les cours des maisons bamakoises.

Une passerelle entre l'Afrique et ses diasporas
Placée sous le signe de « Courants de conscience » d'après l'enregistrement éponyme de 1977 par Abdullah Ibrahim et Max Roach, cette édition de 2019 a mis en exergue les multiples interprétations sur la manière dont ces courants peuvent être utilisés comme outils photographiques. Des outils qui créent un pont entre le continent africain et ses différentes diasporas, en plus de transmettre des cultures et des savoirs.

"En effet, l'Afrique a cessé d'être un concept limité à son espace territorial. Elle évoque aussi les peuples qui en sont partis et qui sont répartis dans le monde entier, en Asie, en Océanie, en Europe, aux Amériques et dans de nombreuses îles sur divers océans. La présence de Léonard Pongo, jeune photographe belgo-congolais démontre l'intérêt que lui portent ces diasporas. L'artiste a choisi d'exposer un projet lié à la terre, la nature et l'environnement non urbain de RDC tout en s'adaptant aux contraintes techniques du lieu d'exposition. Ainsi, de cette initiative par laquelle une photographie a été pliée dans l'angle d'une salle au Mémorial Modibo Keïta.

Un lieu d'inspiration pour les jeunes dans le sillon des anciens
Pour rappel, il faut savoir que, au fil de leurs éditions, les Rencontres photographiques de Bamako se sont imposées comme le premier et principal événement international consacré à la photographie et à la vidéo sur le continent. Elles sont aujourd'hui un événement essentiel pour l'art contemporain. Véritable plateforme de visibilité pour les artistes photographes et vidéastes d'Afrique et de ses diasporas, la Biennale a contribué à développer la carrière de nombre de professionnels, dont certains ont désormais une stature internationale. Ils participent ainsi à la reconnaissance et à la consécration de la photographie africaine dont les anciens sont encore présents par leurs œuvres. Ainsi de Diango Cissé qui aura propulsé l'imagerie du Mali à travers le monde. Après avoir utilisé ses élèves comme modèles, il s'est rapidement spécialisé dans la photographie de paysage, de monuments et de sites touristiques maliens devenant ainsi le roi de la carte postale au Mali. Ce que les touristes ont désormais tout le loisir d'apprécier.

La ville offre un cadre remarquable aux expositions
Comment tout cela est-il organisé ? Les expositions se sont inscrits dans un dispositif urbain comprenant le musée national du Mali, épicentre de l'événement, le palais de la Culture, le mémorial Modibo Keita, le musée du District, la galerie Médina ou encore l'Institut français de Bamako. De nombreuses expositions « off » ont enrichi ce parcours officiel à l'instar des cours des maisons des familles Cissé, Fall ou Sissoko ouvertes aux visiteurs. L'occasion d'un fabuleux plongeon dans les archives nationales, mais aussi dans l'exposition rétrospective de l'Indépendance de la Guinée également mise à disposition au consulat de la Guinée à Bamako, chose dont s'est félicité Sansy Kaba, fondateur des 72 heures du livre de Conakry.

Passage de témoin assumé

Pour rappel, lancées en 1994, les Rencontres de Bamako sont organisées par le ministère de la Culture du Mali avec le soutien de l'Institut français qui accompagne désormais la Biennale de la photographie en tant que partenaire et coproducteur. À 25 ans, la Biennale de la photographie a atteint l'âge de la maturité. Elle marque un tournant dans son histoire, comme se plaît à le dire avec assurance son délégué général, Igo Diarra. « Toute la production, les tirages, les cadres et la scénographie ont été faits au Mali. C'est du made in Africa ! » dit-il. Une bonne raison de profiter encore des sublimes expositions que Bamako va continuer à offrir jusqu'au 31 janvier 2020.
Par notre envoyée spéciale à Bamako, Cathy Crussy du Plessis
SOURCE. LE POINT.FR