
La top-model Irina Shayk, égérie d’Intimissimi et de Jean-Paul Gaultier, a dû effacer l’Islam de son nom pour faire carrière aux Etats-Unis.
Il était difficile d’échapper ces derniers mois à l’image d’Irina Shayk, choisie par Jean-Paul Gaultier pour la campagne de promotion de son parfum « Scandale ». Sans compter les publicités récurrentes pour, entre autres, la lingerie Intimissimi ou les marques Max Mara, Burberry et Hugo Boss. Avec des centaines de couvertures de magazines de mode à son actif (dont plus d’une trentaine de « Vogue »), la top-model russe a aussi défrayé la chronique people pour ses liaisons avec le footballeur Cristiano Ronaldo, puis l’acteur Bradley Cooper. Malgré cette surexposition médiatique, Irina est peu connue sous son véritable patronyme de Shaykholislamova, version russifiée de « Cheikh/Chef de l’Islam ».
UN PERE TATAR DANS L’OURAL SOVIETIQUE
Elle est née en 1986, durant les dernières années de l’URSS, dans la bourgade de Yemanzhelinsk, à l’extrême-sud de la chaîne de l’Oural et à proximité du Kazakhstan. Son père Valery Shaykholislamov est un Tatar de la Volga, une minorité musulmane et turcophone, soumise par Ivan le Terrible au XVIème siècle et favorisée par Catherine II au XVIIIème. Un tel loyalisme pro-russe a évité à cette population tatare les persécutions infligées aux Tatars de Crimée, dont Staline avait ordonné la déportation collective vers l’Asie centrale durant la Deuxième guerre mondiale. Le père d’Irina est à l’évidence, du fait de son nom, le descendant d’une famille de dignitaires religieux, de « cheikhs de l’Islam ». Mais c’est en tant que mineur qu’il rejoint lui-même Yemanzhelinsk, important site charbonnier. Il épouse Olga, une enseignante russe de musique. Le couple a deux enfants, Tatiana et Irina, sa soeur cadette.
La top-model voue jusqu’à aujourd’hui une admiration sans borne à sa grand-mère paternelle, Galina, constellée de médailles pour ses faits d’armes lors de la « guerre de libération » anti-hitlérienne. Elle ne manque pas de poster sur son compte Instagram les photos de cette aïeule, décédée en 2013, célébrant ainsi, en russe dans le texte, le « Jour de la Victoire », soit le 9 mai 1945. Quant à Valery Shaykholislamov, dont la mine a ruiné les poumons, il meurt en 2000, avant d’avoir atteint la cinquantaine. Irina n’a que 14 ans et cette disparition la plonge, avec sa mère et sa soeur, dans une situation proche de la pauvreté. Les trois femmes cultivent tomates, concombres et pommes de terre dans le jardin familial pour améliorer l’ordinaire. La Russie a succédé à l’URSS et Yemanzhelinsk, déjà frappée par la crise du charbon, se retrouve exilée aux confins du nouvel Etat. La top-model évoque désormais avec un humour grinçant sa ville natale: « C’est un bel endroit… si vous portez un masque ».

SHAYKHOLISLAMOVA INTERDITE D’ETATS-UNIS
L’égérie d’Intimissimi attribue l’exotisme de son charme à ses origines tatares: « Mon père avait la peau foncée, parce qu’il était tatar. Les Tatars ont parfois l’air brésilien. Mais je tiens mes yeux clairs de ma mère ». La jeune fille travaille une vingtaine de jours dans l’hôpital local pour pouvoir s’offrir sa première paire de chaussures à talons. Elue en 2004 Miss Chelyabinsk, la capitale provinciale, elle est repérée par une agence de mannequins qui l’invite à Moscou, à 1700 kilomètres de là. A 18 ans, elle est envoyée parfaire son anglais à Londres, mais s’installe finalement à Paris, dans un appartement partagé avec d’autres mannequins de son âge. Elle tente en vain, durant un an, d’obtenir un visa pour les Etats-Unis, avant de comprendre que son patronyme, « Chef de l’Islam », en est la cause. C’est le temps de la « guerre globale contre la terreur », qui vire souvent à la paranoïa anti-musulmane.
La jeune exilée décide alors d’effacer l’Islam de son nom et de ne plus s’appeler que Shayk. Enfin admise aux Etats-Unis, elle y lance sa carrière en 2007, avec une série de clichés publiés dans le très populaire « Sports Illustrated Swimsuit » (elle pose en tenue légère, jouant la cow-girl dans un ranch de l’Arizona). Quatre années plus tard, elle fait la couverture de ce magazine américain, alors qu’elle enchaîne les contrats et passe avec éclat au mannequinat de mode. A l’heure de tous ces succès, Irina devenue Shayk n’oublie pourtant pas sa ville natale où sa soeur et elle ont contribué à la réhabilitation de la maternité locale. Elle est aussi « l’ambassadrice » aux Etats-Unis de la fondation russe Pomogi (Aide), dont elle accompagne les levées de fonds.
Bradley Cooper et elle, aujourd’hui séparés, ont eu en 2017 une fille à Los Angeles. Elle s’appelle Léa De Seine Cooper. Léa comme Léa. De Seine comme Paris, où ses deux parents ont l’un et l’autre vécu. Et Cooper comme son papa. Tant pis pour Shaykholislamova!