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Al-Sissi reçu à l'Elysée : l'écrivain italien Corrado Augias rend sa Légion d'honneur à la France

Publié par RADIO TAN KONNON sur 14 Décembre 2020, 17:14pm

Catégories : #ACTUALITE

© Mondadori Portfolio Corrado Augias, en juillet 2016, lors de son discours au Collisioni Festival, à Barolo (Italie).
© Mondadori Portfolio Corrado Augias, en juillet 2016, lors de son discours au Collisioni Festival, à Barolo (Italie).

Le journaliste de 85 ans refuse de «partager cet honneur» avec le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont les services sont fortement soupçonnés d'être responsables de l'enlèvement et de l'assassinat au Caire, en 2016, de l'étudiant italien Giulio Regeni.
Il ira personnellement restituer lundi sa légion d’honneur au Palais Farnèse, siège de l’ambassade de France en Italie. A 85 ans, l’écrivain et journaliste Corrado Augias refuse de «partager cet honneur» avec le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, décoré lundi de la grand-croix, à l’occasion de sa visite d’Etat en France. «A mon avis, le président Macron n’aurait pas dû concéder la Légion d’honneur à un chef d’Etat qui s’est objectivement rendu complice d’atroces criminels», détaille Corrado Augias, sorte de Bernard Pivot transalpin, dans une lettre publiée par le quotidien la Repubblica.

Le geste symbolique témoigne de l’indignation d’une grande partie de la presse et de l’opinion publique italiennes devant le tapis rouge déployé à Paris sous les pieds de l’ancien général, qui a jeté en prison près de 60 000 opposants politiques, et dont les services sont fortement soupçonnés d’être les responsables de l’enlèvement et de l’assassinat au Caire, en 2016, de Giulio Regeni. Le corps de cet étudiant italien de 28 ans avait été retrouvé sur une autoroute avec des signes évidents de torture : les os des pieds et des mains broyés, cinq dents disparues, les côtes, les bras et les jambes fracturées. Sa mère dira n’avoir reconnu son fils que grâce à la pointe de son nez.

«La mesure du juste a été outragée»
Malgré les tentatives pour brouiller les pistes et le manque de collaboration des autorités du Caire, le parquet de Rome a demandé jeudi le renvoi devant les tribunaux de quatre officiers égyptiens dont un général. Le jour même où la presse italienne reprenait l’information de la «cérémonie cachée par l’Elysée» pour remettre la légion d’honneur à Al-Sissi, révélée la veille par le Quotidien.

«La mesure du juste a été dépassée voire outragée, dénonce Corrado Augias. L’assassinat de Giulio Regeni représente pour nous, les Italiens, une blessure sanglante, un affront, et j’aurais attendu de la part du président Macron un geste de compréhension sinon de fraternité, au nom de l’Europe qu’ensemble nous essayons si durement de construire.»

«Noble geste»
En 2016, après la découverte du corps de Giulio Regeni, l’Italie avait rappelé temporairement son ambassadeur en Egypte. Mais elle était restée isolée et, depuis, Rome a progressivement rétabli ses rapports avec Le Caire malgré les protestations de la famille de l’étudiant.

«La décision de Corrado Augias de rendre la Légion d’honneur est appréciable et significative», a commenté hier le président (Mouvement 5 étoiles) de la Chambre des députés, Roberto Fico, qui a ajouté : «L’Europe doit être unie et solidaire […] surtout lorsque sont en jeu les droits fondamentaux.» «La liste des personnalités italiennes décorées de la Légion d'honneur est longue. […] J’espère qu’à partir de demain, une longue queue se formera à l’extérieur de l’ambassade de France pour imiter le noble geste de Corrado Augias», a de son côté twitté Riccardo Noury, le porte-parole d’Amnesty International en Italie. L’ONG est très active pour demander en particulier la vérité pour Giulio Regeni et la libération de Patrick Zaky, un étudiant égyptien de l’université de Bologne emprisonné au Caire depuis février.

• Voici le verbatim de la lettre que remettra Corrado Augias à l’ambassade de France le 14 décembre :

«Monsieur l’Ambassadeur, je vous rends les insignes de la Légion d’honneur. Quand elle me fut accordée, le geste m’émut profondément. Ça donnait une sorte de consécration à mon amour pour la France, pour sa culture. J’ai toujours considéré votre pays comme une sœur aînée de l’Italie et comme ma seconde patrie, j’y ai vécu longtemps, je compte bien continuer à le faire. En juin 1940, mon père souffrit jusqu’aux larmes de l’agression de l’Italie fasciste contre une France déjà presque vaincue.

«Je vous remets donc ces enseignes avec douleur, j’étais fier de montrer le ruban rouge à la boutonnière de ma veste. Mais je ne partage pas cet honneur avec un chef d’Etat qui s’est fait objectivement complice de criminels.

«L’assassinat de Giulio Regeni représente pour nous, les Italiens, une blessure sanglante, un affront, et j’aurais attendu de la part du président Macron un geste de compréhension sinon de fraternité, au nom de l’Europe que – ensemble – nous essayons si durement de construire.

«Je ne veux pas vous paraître trop naïf. Je connais bien les mécanismes des affaires et de la diplomatie – mais je sais aussi qu’il y a une mesure et que, comme l’écrit le poète latin Horatio : "Sunt certi denique fines, quos ultra citraque nequit consistere rectum." Je crois que dans ce cas, la mesure du juste a été bien dépassée, voire outragée.

«Avec mes regrets les plus profonds.»

Eric Jozsef

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