En pleine crise socio-économique et politique, il a été chargé de former un nouveau gouvernement pour la troisième fois de sa carrière.
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Il est l'homme le plus fortuné du Liban : selon le magazine Forbes, sa fortune est estimée à 2,7 milliards de dollars. L'ex-Premier ministre Najib Mikati a été chargé lundi de former un nouveau gouvernement après l'échec de ses deux prédécesseurs à mettre en place un cabinet censé mener des réformes indispensables pour sortir le Liban de la pire crise socio-économique la pire de son histoire.
Najib Mikati a promis un cabinet conforme aux "attentes du peuple" avec pour principale tâche de "mettre en œuvre l'initiative française" d'Emmanuel Macron, comme ses deux prédécesseurs. Le président français avait proposé en septembre 2020, lors d'une visite au Liban, une feuille de route comportant des réformes économiques en contrepartie d'une aide internationale cruciale.
Le nouveau Premier ministre libanais fait partie d'une classe politique inamovible depuis plusieurs décennies, accusée par la rue d'être corrompue et d'avoir laissé couler le pays. L'homme d'affaires sunnite de 65 ans est originaire de Tripoli, l'une des villes les plus pauvres du Liban, dont la population estime souvent être oubliée par l'Etat. Pour une partie de l'opinion publique, Najib Mikati - dont le frère Taha est également milliardaire - est l'incarnation de ce système politique libanais gangréné par le clientélisme, l'affairisme, la corruption et les conflits d'intérêts.
Dans un Liban multiconfessionnel, régi par un laborieux système de partage du pouvoir entre communautés religieuses, il reste l'un des chefs de file de la communauté sunnite. Ami personnel du président syrien Bachar al-Assad, il a souvent été accusé de proximité avec le Hezbollah, une étiquette dont il a toujours cherché à s'affranchir.
Engagé en politique depuis plus de deux décennies, ce parlementaire a déjà occupé le poste de Premier ministre à deux reprises. Il a été nommé une première fois chef de gouvernement pendant trois mois dans la foulée de l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri en 2005. En 2011, il a dirigé une équipe ministérielle dominée par le Hezbollah chiite et ses alliés jusqu'à sa démission en mars 2013, sur fond de profondes divergences internes exacerbées par le conflit en Syrie voisine. Auparavant, il avait occupé le portefeuille des Travaux publics entre 1998 et 2004, qu'il avait réussi à moderniser.
Télécoms, immobilier... Un petit empire international
Marié et père de trois enfants, l'homme d'affaires est à la tête d'un petit empire international, avec des investissements dans les télécoms mais aussi dans l'immobilier, notamment à Londres, New York et Monaco. Son groupe M1, une holding familiale qu'il a cofondée, est l'un des principaux actionnaires de l'opérateur sud-africain de télécommunications MTN, propriétaire de la marque de prêt-à-porter haut de gamme "Façonnable", et investisseur dans le transport, le gaz et le pétrole. En juillet, M1 a repris l'un des plus gros opérateurs téléphoniques de Birmanie, les détracteurs dénonçant alors des proximités avec la junte birmane.
Najib et son frère Taha s'étaient lancés dans le monde des affaires dans les années 1980 en vendant des téléphones satellites pendant la guerre civile au Liban (1975-1990), indique Forbes. Ils ont ensuite étendu leurs activités au continent africain avec la construction de tours de téléphonie mobile, notamment au Ghana, au Liberia et au Bénin. Diplômé en gestion des entreprises de l'Université américaine de Beyrouth (AUB), Najib Mikati a étudié à l'institut d'administration des affaires Insead à Fontainebleau (Seine-et-Marne) puis à l'université de Harvard aux Etats-Unis.
En octobre 2019, alors qu'un mouvement de contestation inédit réclamait le départ de l'ensemble de la classe dirigeante, la colère des manifestants à Tripoli s'est aussi dirigée contre Najib Mikati. Ses portraits dans la ville ont alors été arrachés et des manifestants ont tenté d'attaquer sa résidence.
Plusieurs enquêtes étaient alors en cours pour des faits de corruption : Najib Mikati faisait partie des responsables visés par des soupçons "d'enrichissement illicite". Mais depuis, les enquêtes piétinent et la contestation populaire s'est essoufflée.
"Seul, je ne pourrai pas faire de miracles"
Le 15 juillet, l'ex-Premier ministre Saad Hariri avait jeté l'éponge après neuf mois d'un bras de fer avec Michel Aoun sur la formation du gouvernement. Avant lui, Moustapha Adib, nommé après l'explosion au port de Beyrouth en août 2020, qui a fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et dévasté des quartiers, avait aussi échoué à former une équipe ministérielle en raison des marchandages et en dépit des pressions internationales.
Après sa désignation, Najib Mikati a dit avoir conscience de la tâche "difficile" qui lui incombe dans ce contexte de paralysie politique. "Mais si je n'avais pas eu les garanties externes nécessaires (...), je n'aurais pas assumé" cette responsabilité, a-t-il déclaré en allusion aux puissances étrangères impliquées dans le dossier libanais. En revanche, "j'ai besoin de la confiance du peuple (...) Seul, je ne pourrai pas faire de miracles", a-t-il poursuivi, appelant à la collaboration de tous les partis, loin des tiraillements et marchandages habituels.
La France a de son côté appelé lundi à la formation sans plus tarder d'un gouvernement "compétent et capable de mettre en oeuvre des réformes". "La France prend note de la désignation de M. Najib Mikati par le Parlement libanais au poste de Premier ministre", a déclaré la porte-parole de la diplomatie française, Agnès von der Mühll. "L'urgence est désormais de former un gouvernement compétent et capable de mettre en oeuvre les réformes indispensables au relèvement du pays, que tous les Libanais attendent".
"La France appelle l'ensemble des dirigeants libanais à agir en ce sens le plus rapidement possible. Leur responsabilité est engagée", a souligné Agnès von der Mühll. En attendant le prochain cabinet, celui du Premier ministre sortant Hassan Diab continuera de gérer les affaires courantes, comme il le fait depuis sa démission en août 2020.
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