/image%2F2577874%2F20220427%2Fob_8ff96c_les-cryptomonnaies.jpg)
Inconnues du grand public il y a une dizaine d’années, les cryptomonnaies gagnent du terrain dans le monde. Il en existe aujourd’hui quelque 15 000 qui représentent une valeur globale record de plus de 3 000 milliards de dollars en 2021, contre 500 milliards en 2020. La pionnière, le bitcoin, est la plus importante, avec une capitalisation boursière de près de 800 milliards de dollars au 1er janvier 2022. Mais ces actifs numériques comportent de nombreux risques et leur fonctionnement reste déroutant pour les non-initiés. Voici donc quelques réponses aux questions que beaucoup se posent.
Les cryptomonnaies qu’est-ce que c’est ?
Contrairement à la monnaie traditionnelle, comme le dollar, l’euro ou le franc CFA, qui existe sous forme réelle, avec des billets de banque, des pièces de monnaie, des cartes de crédit, une cryptomonnaie est de l’argent numérique, une simple ligne de code informatique, accessible sur ordinateur ou smartphone. Les cryptomonnaies, sont dites « décentralisées », parce qu’elles s’échangent directement entre chaque détenteur, de pair-à-pair, sans passer par le contrôle d’une banque. Les transactions sont anonymes, mais sont toutes répertoriées dans une base de données publique sécurisée : la blockchain, ou chaîne de blocs. Nous en parlerons un peu plus loin.
Qui est Satoshi Nakamoto, le mystérieux créateur du bitcoin ?
Personne ne connait le père du bitcoin. On ne sait pas s’il s’agit d’une personne ou d’un groupe de personnes, ou même s’il existe vraiment. En 2008, « il » annonce la naissance du bitcoin et, en 2009, la première transaction en bitcoin a lieu entre Satoshi Nakamoto et feu Hal Finney, un développeur de consoles de jeux vidéo. Certains observateurs pensent qu’il est peut-être l’inventeur du bitcoin.
Sur le forum Bitcointalk.org qu’il a lancé, Satoshi Nakamoto dit être né au Japon le 5 avril 1975 et avoir commencé à développer son logiciel dès 2007 pour offrir une alternative aux abus du monde de la finance, en pleine crise financière.
Il serait à la tête d’une fortune colossale, treize ans après la création du premier jeton. À l’époque, le bitcoin ne valait rien, aujourd’hui il tourne autour des 40 000 dollars l’unité, après un pic l’année dernière de près de 70 000 dollars. Satoshi possèderait près d’un milliard de bitcoins. Soit une fortune d’environ 4 000 milliards de dollars en bitcoins, s’il venait à vendre ses supposées réserves !
En 2010, le mystérieux Satoshi annonce sa retraite du projet et nomme à sa succession Gavin Andresen, un développeur américain, diplômé de la prestigieuse université de Princeton, située dans l’État du New-Jersey aux États-Unis. Ce dernier était en contact avec Satoshi Nakamoto dès le début et est lui aussi considéré comme l’inventeur potentiel du bitcoin. Au fil des ans, d’autres personnes ont été soupçonnées d’être le fameux Satoshi ou se sont présentées comme tel, mais le mystère reste entier.
Quelles sont les différentes cryptomonnaies ?
Le bitcoin (BTC) est donc la plus connue avec cette particularité : il existe en nombre limité. 21 millions de bitcoins, pas plus, pourront être mis en circulation. Cette limite devrait être atteinte d’ici 2140. Actuellement, 19 millions de BTC sont en circulation.
La deuxième monnaie virtuelle est l’Ethereum qui est en très forte progression, puis le Litecoin. Ces trois actifs, le Bitcoin l’Ethéreum et le Litecoin dominent le marché et sont très populaires auprès des investisseurs et des courtiers (traders). Viennent ensuite le Binance coin, le Ripple, le Cardano, le Bitcoin cash… La liste est longue puisqu’il en existe quelque 15 000. Certaines apparaissent, d’autres disparaissent. Les cryptos sont extrêmement volatiles. Cela veut dire que leur valeur change parfois d’un jour à l’autre. Il faut donc être très prudent, lorsqu’on investit, car on peut perdre sa mise.
À quoi servent les monnaies numériques ?
Elles peuvent être utilisées comme moyen de paiement par des particuliers ou des entreprises pour régler des achats dans les commerces en ligne ou physiques qui les acceptent. Ces marques acceptent les paiements dans certains crytpos principalement le bitcoin : c’est le cas de Tesla (qui un coup dit oui, un coup dit non !), Lamborghini, Microsoft, Starbuck, Overstock, Domino’s pizza, Kentuky Fried Chiken, UberEat, Paypal. Le monde des jeux vidéo, les sites de voyages, les associations les acceptent.
Les cryptomonnaies peuvent aussi s’échanger à partir du moment où chaque partie détient un portefeuille dans un actif donné.
Dans les pays occidentaux, ces jetons sont plutôt un placement. Avec le Covid et la baisse des activités, les gens ont dépensé moins et économisé plus. Ils en ont profité pour investir dans ces actifs. C’est le cas aux États-Unis tout particulièrement qui ont un certain goût du risque. Le rôle des « influenceurs » est aussi pour quelque chose dans cet engouement pour les devises numériques, toujours dans le collimateur des banques centrales et des autorités financières pour les risques de fraudes qu’elles comportent. Il suffit d’un tweet, en faveur du bitcoin, d’Elon Musk, le fantasque patron de Tesla, par exemple, pour inciter les gens à en acheter, et faire grimper sa valeur, comme il suffit d’un tweet négatif pour les dissuader.
Dans un certain nombre de pays émergents ces crypto-devises sont plutôt un moyen de paiement. Au Nigéria, en Argentine ou au Vietnam par exemple, où la monnaie n’est pas stable, le bitcoin est utilisé pour acheter et vendre des biens ou encore transférer ou recevoir des fonds à l’internationale. Dans ces pays, beaucoup de gens n’ont pas de comptes bancaires. Ils ont en revanche presque tous un smartphone et peuvent créer un porte-monnaie virtuel, pour effectuer des transactions en cryptomonnaies, se bancariser en quelque sorte.
On peut aussi spéculer avec les cryptos, comme on peut le faire avec des devises traditionnelles. Acheter quand le cours est bas et revendre quand le cours est haut, et empocher la différence. Il faut pour cela être un investisseur avisé, sinon on peut perdre tous ses deniers.
Il existe aussi des cryptomonnaies stables qui prennent de l’ampleur : les stablecoins. Leurs cours ne varient pas car ils sont indexés à celui d’une devise officielle, le dollar, la plupart du temps. Une unité stablecoin = un dollar. Le plus utilisé est le Tether, le USD Coin, le True USD, le Paxos Standard… Ces stablecoins intéressent les banques, malgré leur hostilité envers les cryptomonnaies.
Où s’achètent et se vendent les cryptomonnaies ?
Elles s’achètent ou se vendent via des plateformes d’échanges, la plupart, en ligne. Il en existe à profusion sur le net, plus ou moins fiables… Certaines, en revanche, sont sécurisées et régulées afin de mieux protéger les investisseurs et de limiter les fraudes : blanchiment d’argent sale, financement de la drogue, du terrorisme. Les plus connues sont : Binance (Hong-Kong) qui propose d’acheter ou d’échanger plus de 600 cryptomonnaies, Etoro (Israël), Coinhouse (France), Bitpanda (Autriche), Kraken ou Coinbase (États-Unis), Cex.io (Royaume-Uni), HitBTC (Chili)… Ces plateformes sont accessibles depuis un ordinateur ou un smartphone. En France, l’AMF, l’Autorité des marchés financiers en France, qui traque les fraudes, a mis à disposition un comparatif des plateformes qu’elle considère sûre, ce qui n’a pas empêché certaines de se faire pirater, et aux utilisateurs de perdre leur argent.
Les cryptomonnaies peuvent aussi s’acheter aux enchères. C’était le cas en mars l’année dernière pour la première fois en France. Une vente judiciaire en ligne de plus de 600 bitcoins a rapporté à l’État 24 millions d’euros. Les autorités les avaient saisis dans le cadre d’une affaire de cybercriminalité.
Lorsqu’on achète des cryptomonnaies pour la première fois, deux « clés » vous sont remises. Une clé publique qui fonctionne comme une adresse mail et qui peut être communiquée à d’autres personnes pour envoyer ou recevoir des fonds, et une clé privée, composée d’une cinquantaine de caractères qui ne doit pas être partagée. C’est en quelque sorte le code d’un coffre-fort virtuel qui contient votre argent. Étant donné que les cryptomonnaies ne reposent sur aucune banque, il ne faut pas perdre ce mot de passe, sinon vous ne pourrez plus accéder à votre argent.
Le stockage des devises électroniques que l’on acquiert est aussi essentiel pour les sécuriser, car en cas de piratage, il n’y a pas de recours.
Il existe deux moyens principaux : les stokers en ligne dans un portefeuille crypté, dit « à chaud », comme celui proposé sur certaines plateformes. Il est possible par ce biais d’acheter, de vendre ou d’utiliser votre argent numérique avec la même facilité qu’une avec une carte de crédit traditionnelle.
Certains investisseurs préfèrent noter leur clé privée, s’il y en a plusieurs, sur un ordinateur non connecté à Internet, sur une feuille de papier ou de les mémoriser. Cela s’appelle le « stockage à froid ».
À partir d’une certaine somme, il est recommandé de se procurer un portefeuille électronique hors ligne physique, un « wallet », type Ledger Nano X, Zengo, Trezor T. Il ressemble à une clé USB, et qu’il ne faut pas égarer.
Quels pays ont adopté les cryptomonnaies ?
D’après l’Indice mondial d’adoption des cryptomonnaies (Global Cryptocurrency Adoption Index), le Vietnam est largement en tête de liste des pays qui ont adopté les cryptomonnaies, suivi de l’Inde, du Brésil, du Pakistan, du Kenya, du Nigeria, du Venezuela, des États-Unis, du Togo, de l’Ukraine et bien d’autres. Le gouvernement du Salvador a lui carrément légalisé le bitcoin.
Longtemps sceptiques, les banques centrales à travers le monde s’intéressent désormais de très près aux cryptos, surtout depuis que la Chine a lancé son e.yuan lors des JO de Pékin en février 2022. Son usage est encore limité sur le plan territorial mais quelque 140 millions de Chinois disposent déjà d’un compte en e.yuan (e-CNY).
L’Inde va tester en avril sa roupie numérique. Le gouvernement indien veut aussi taxer les cryptomonnaies qui circulent dans son pays, bien que leur utilisation ne soit toujours pas légale. Les États-Unis ont eux aussi lancé le chantier officiel du dollar numérique.
Selon la Banque des règlements internationaux, 86% des banques centrales projettent de créer une monnaie numérique en 2021, contre 64% en 2017. Mais seulement 14% ont lancé des projets pilotes. Et les pays les plus avancés en ce domaine, comme la Suède ou l’Estonie, n’en finissent pas de prolonger leurs phases de test. La Bank of England, quant à elle, n’envisage rien avant 2025.
Le Nigeria est la première puissance africaine à lancer sa monnaie numérique : le eNaira. C’est une version numérique de la monnaie d’État. Les 200 millions d’habitants de ce pays utilisent ce moyen de paiement pour faire des transactions.
Depuis l’invasion russe en Ukraine en février, l’usage des cryptomonnaies s’est multiplié dans ce pays. Des plateformes d’échange collaborent même avec le gouvernement de Kiev pour lever des fonds pour financer l’aide humanitaire aux réfugiés et acheter des armes. L’Ukraine a récolté ainsi plus de 60 millions de dollars américains en monnaie numérique. Les Russes aussi se sont tournés vers les cryptomonnaies.
Les cryptomonnaies permettent-elles de contourner les sanctions financières internationales ?
Depuis leur offensive en Ukraine, les Russes sont sous le coup de sanctions internationales très sévères qui les isolent des systèmes internationaux de transactions monétaires et bancaires. Les banques russes ont ainsi été déconnectées de Swift, un réseau qui relie plus de 11 000 banques dans plus de 200 pays et facilite les transactions. Bien que Moscou n’ait pas encore adopté de législation sur les monnaies virtuelles, les Russes détiennent collectivement plus de 10 000 milliards de roubles (130 milliards de dollars). Les cryptomonnaies, n’étant pas contrôlées par les États, les banques ou des institutions politiques comme l'Otan ou l'OCDE, elles peuvent permettre aux Russes de contourner une partie des sanctions. Mais face à l’ampleur du commerce international en devises étrangères, elles ne pèsent pas lourd.
La Corée du Nord avait d’ailleurs tenté d’utiliser les cryptos pour contourner l’embargo décrété en 2019 par Donald Trump sur l’Iran. Sans succès.
Fabrication des cryptomonnaies : qu’est-ce que la blockchain, la chaîne de blocs ?
La blockchain, ou chaîne de blocs, est un registre numérique de données dites décentralisées, utilisé comme un livre de compte pour les cryptomonnaies, partagé entre des milliers de machines dans le monde. Elle enregistre toutes les transactions. Une fois inscrites dans la blockchain, ou chaîne de blocs, ces données sont inviolables à ce stade de la technologie. Cette prouesse informatique intéresse au-delà des seuls crypto-actifs.
Ces technologies reposent sur un principe commun appelé « minage ».
Qu’est-ce que le minage ?
Le minage est un processus qui consiste à résoudre des problèmes mathématiques complexes. C’est un défi informatique imposé par la blockchain qui permet de sécuriser le réseau. Chaque transaction minée donne droit à une récompense sous la forme d’une distribution de nouvelles cryptomonnaies. Un mineur peut être une personne qui a investi dans un ou plusieurs ordinateurs et qui valide des blocs sur le réseau, selon le niveau de difficulté imposé.
La Chine était l’El Dorado du minage. À elle seule, elle effectuait 75% du minage mondial. Mais en mai 2021, Pékin a interdit cette pratique considérée dangereuse pour son économie et son bilan carbone. C’était aussi le moyen de laisser le champ libre à la création de sa propre monnaie numérique : le e.yuan. Depuis, les États-Unis ont repris le flambeau. Ils sont passés de 4% de minage à 35% en 2021.
Le minage émerge dans bien d’autres pays : au Canada, au Kazakhstan, en Iran, en Russie, par exemple, provoquant dans de nombreux cas de graves coupures d’électricité. Frappé par une pénurie énergétique, le Kosovo a fini par interdire le minage en janvier 2022.
À quel point le minage est-il énergivore ?
La production de cryptomonnaies représente un tiers de la consommation électrique de toutes les infrastructures numériques du monde. Par exemple, le réseau Bitcoin a atteint 50 TWh par an, soit 50 milliards de kilowatts-heure, c'est-à-dire l'équivalent de ce que produisent six réacteurs nucléaires de puissance moyenne.
Globalement donc, cette pratique utilise, en un an, plus d’électricité que l’Argentine, selon l’Université de Cambridge. Cela pose évidemment un obstacle de taille dans la lutte contre le changement climatique, au moment où les prix de l’énergie explosent.
Par exemple, aux États-Unis, le site de minage de Whinston au Texas, fondée par Chad Harris est un des plus grands au monde. En mars 2022, il avait miné près de 5 800 jetons, ce qui représente 230 millions de dollars. Whinston se sont sept hangars de 300 mètres de long, plus de 38 000 ordinateurs qui tournent à plein régime. Sa capacité électrique est de 300 mégawatts pour atteindre prochainement 700 mégawatts soit, à elle seule, la consommation en énergie d’un réacteur nucléaire.
Autre gros point d’achoppement des cryptomonnaies : le gaspillage de ressources matérielles. La blockchain qui est répliquée des milliers de fois et le minage qui requiert une grande quantité de calculs nécessitent un nombre important de composants électroniques : ordinateurs, disques durs, processeurs, cartes graphiques, ce qui génère une quantité croissante de déchets électroniques dans un contexte de forte pénurie de puces électroniques indispensables à leur fabrication.
Notre sélection sur le sujet :
À écouter :
→ Bitcoin : une monnaie d’avenir ?
→ L'Afrique se met au bitcoin
→ Bitcoin : une décennie de succès et de turbulences
→ Le Bitcoin: une révolution monétaire est-elle en marche?
→ Au Salvador, l’utopie du bitcoin
À lire :
→ Monnaies virtuelles : les « mineurs » de bitcoins en quête de nouveaux filons
→ La cryptomonnaie pour réduire les coûts des transferts d’argent
→ Les cryptomonnaies : une menace ou un stimulant pour l'Éco ?
→ Le sarafu, une cryptomonnaie sociale pour stimuler l'économie locale au Kenya
SOURCE: RFI