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RADIO TANKONNON

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Nouveau plan contre le racisme et l’antisémitisme : "L'Institut du monde arabe, un choix étrange et choquant"

Publié par RADIO TAN KONNON sur 1 Février 2023, 10:36am

Catégories : #ACTUALITE

En mars 2018, l’ex Premier ministre Édouard Philippe présentait son plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme qui engageait la France pour une période de trois ans (2018-2020).

Élisabeth Borne accueillie par Jack Lang à l'Institut du monde arabe ce lundi 30 janvier pour présenter son plan pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. © Emmanuel DUNAND / AFP
Élisabeth Borne accueillie par Jack Lang à l'Institut du monde arabe ce lundi 30 janvier pour présenter son plan pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. © Emmanuel DUNAND / AFP

L’ensemble des ministères devaient mettre en œuvre une quarantaine de propositions dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de la prévention de la radicalisation.

Seulement, aucun suivi, à notre connaissance, n’a été fait depuis que ces mesures ont été prises et nous serions bien en peine en 2023 d’en mesurer leur effectivité.

Ce 30 janvier 2023, Élisabeth Borne, la Première ministre, a dévoilé les grandes lignes du nouveau plan national contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Celui-ci comporte quatre-vingts propositions regroupées en onze thématiques diverses. Ce nouveau plan engage la France pour les années 2023-2026.

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Certains acteurs diront qu'il ne s'agit que d'un plan de plus. Et ajouteront, ce qui ne serait pas un argument totalement infondé, que les résultats n’ont fait, assurément, l’objet d’aucun débat public contradictoire.

Qu’il faille élaborer des projets dont l’ambition est de combattre le racisme et l’antisémitisme, tel est, entre autres, la responsabilité première de l’État et de ses institutions.

Avec l’adjonction de multiples acteurs de la société civile, cela va sans dire. Dans ce type de configuration et à propos de ces fléaux, les paroles et le choix du lieu dans lequel elles seront énoncées sont d’une particulière importance symbolique et politique. Personne ne peut le nier, puisque la parole de la puissance publique et son lieu d’énonciation font toujours l’objet d’intenses discussions et de préparations minutieuses.

Nous verrons bien ce qu’il adviendra des propositions contenues dans ce plan et surtout de leur degré d’effectivité sur le plan du droit et des transformations des pratiques et des représentations.

Antisémitisme officiel

Mais, l’on ne peut s’empêcher de noter les raisons qui se sont imposées au gouvernement pour qu’il porte et donne sa parole dans un lieu très inattendu : l’Institut du monde arabe (IMA). Très peu de commentateurs ont relevé publiquement que le choix de l’IMA pour présenter et convaincre de la nécessité d’une politique publique nationale de lutte contre le racisme et l’antisémitisme était étrange et pour tout dire choquant. Pourquoi ? Tout d’abord, évitons tout malentendu.

Nous tenons à préciser qu’un espace de connaissance historique et anthropologique digne de ce nom des mondes arabes et de la multiplicité de ses cultures et de ses confessions (nous insistons sur le pluriel) est absolument indispensable dans un pays comme la France, car celle-ci a une proximité en particulier le Maghreb.

Familiarité et liens historiques anciens établis par la colonisation mais aussi, on l’oublie trop souvent, par l’histoire de son immigration arabe. L’IMA n’est nullement un lieu neutre : on peut y faire des expositions, des débats et y vendre des livres mais c’est bien une action politique d’une autre nature que d’y prononcer un discours d’État sur le racisme et l’antisémitisme.

« Il s’agit, lorsqu’on est au pouvoir, d’avoir un peu d’imagination politique, de prendre garde aux symboles. »

L’IMA est une fondation créée en commun par la République française et des États tous membres de la Ligue arabe. Et parmi eux, on compte, entre autres, les pays suivants : l'Algérie, l'Arabie saoudite, l’Irak, le Liban, la Mauritanie, le Qatar, la Somalie, le Soudan, la Syrie, etc.

Ne les citons pas tous. Mais tous ont un point commun : leur racisme à l’égard des minorités confessionnelles, sexuelles et « ethniques » ; à divers degrés leur antisémitisme officiel.

Tous les États de la ligue arabe emprisonnent leurs opposants. La démocratie est absolument inexistante, sauf par éclipse, et la condition féminine y est catastrophique ; l’instrumentalisation de la religion par ces États est un « mode » de gouvernement séculaire.

Quelle était l’intention et la signification du geste du gouvernement en venant discourir sur le racisme et l’antisémitisme en France ?

À qui s’adressait-il ? Aux victimes françaises (ou non) sur son territoire ? Aux États arabes pour les rassurer ? Mais de quoi ?

Des alternatives existaient

Pourquoi ne pas avoir choisi une commune exemplaire de la difficulté de vivre ensemble mais aussi des efforts déployés, par chacun et chacune pour essayer de surpasser la haine et les mésententes ; pour construire, malgré tout, une vie commune ?

Individuellement ou collectivement nombreuses sont les personnes qui luttent contre le racisme et l’antisémitisme avec, pour seules ressources, leur courage et leur admirable ouverture et tolérance.

Rappelons-nous. Manuel Valls, alors Premier ministre, présentait, en avril 2015 à Créteil (Val-de-Marne), un ambitieux plan de lutte (déjà) contre le racisme et l'antisémitisme suivi d’une quarantaine de propositions pour lutter contre le racisme sans jamais oublier la protection des victimes.

La formation, l’éducation, la lutte contre la propagation de la haine sur internet, etc., étaient déjà des préoccupations de la puissance publique. Créteil, disait-il, était « un bout de France et un bout de notre République ».

Il ne pouvait pas mieux dire ; dans cette ville y demeurait une importante communauté juive et on avait construit l’une des plus importantes mosquées en France.

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Il ne s’agit pas de calquer ce qui a été déjà fait. Il s’agit, lorsqu’on est au pouvoir, d’avoir un peu d’imagination politique, de prendre garde aux symboles, de rejoindre sur leur lieu d’existence les victimes réelles ou potentielles du racisme et de l’antisémitisme.

***

Smaïn Laacher est sociologue. Il est l'auteur de Crise du débat démocratique. Doit-on limiter la liberté d’expression ? (Hermann 2022) et L’affaire Mila. Victime, agresseurs, haine en ligne (éditions l’Aube, 2022)

Marc Knobel est historien. Auteur de Cyberhaine. Propagande, antisémitisme sur internet (Hermann, 2021).

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