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RADIO TANKONNON

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Rwanda : Nicole Bamukunde, la pasionaria du tourisme et de l’hôtellerie

Publié par RADIO TAN KONNON sur 11 Novembre 2023, 20:23pm

Rwandaise, née à Kinshasa de parents réfugiés, lycéenne dans un petit village de l'Ardèche en France, puis étudiante à Vatel Lyon, une école de management hôtelier, Nicole Bamukunde a toujours affiché sa volonté de revenir vivre, travailler et entreprendre au Rwanda afin de participer à la reconstruction de son pays. Devenue directrice de l'école Vatel Kigali, elle revient pour Le Point Afrique sur son parcours, l'occasion de partager également ses réflexions et ambitions pour le secteur clé du tourisme et de l'hôtellerie au Rwanda, et au-delà le continent africain.

Nicole Bamukunde
Nicole Bamukunde

Le Point Afrique : Vous avez étudié à Vatel Lyon en France. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce choix d'étude ?

Nicole Bamukunde : À l'origine, je souhaitais m'engager dans une carrière militaire en raison de ma passion pour la discipline et l'organisation. J'étais trop jeune et en plus réfugiée avec mes parents en République démocratique du Congo. J'ai donc cherché une carrière qui aurait des similitudes avec l'armée en termes de structure, de discipline, de rencontres et de voyages. L'industrie hôtelière est apparue comme une excellente alternative.

En 1991, à Kinshasa, des troubles ont éclaté et mes parents ont décidé de m'envoyer en France, pour poursuivre ma scolarité à Privas en Ardèche. Après le bac, je cherchais une école de management hôtelier. Vatel Lyon est devenue un choix presque par hasard, sans vraiment savoir ce qui m'attendait.

Lors de mon entretien pour intégrer l'école, j'ai expliqué à Mme Sebban, la directrice, que je souhaitais revenir au Rwanda une fois diplômée pour contribuer à la reconstruction de mon pays. J'ai étudié à Vatel Lyon à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Nous étions 400 élèves, mais Mme Sebban nous connaissait tous et elle suivait particulièrement les étudiants éloignés de leur famille. Elle nous portait une attention digne d'une maman.

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Après avoir obtenu votre diplôme, quel a été votre parcours professionnel et comment s'est déroulé votre retour au Rwanda ?

Après mon diplôme de bachelor, j'ai décidé d'aller aux États-Unis, dans le Michigan, pour perfectionner mon anglais. Je n'ai pas beaucoup apprécié l'individualisme de la société américaine et je suis finalement revenue en France pour obtenir ma maîtrise.

En 2005, je suis retournée au Rwanda pour travailler dans l'industrie hôtelière. J'ai rejoint l'Intercontinental et occupé un poste de manageur.

J'ai alors compris qu'il n'y avait pratiquement pas de Rwandais dans les postes de direction. Ils étaient principalement employés comme serveurs, cuisiniers ou personnel de nettoyage, par manque de formation.

J'ai commencé à organiser des formations pour mon équipe chaque semaine. J'ai compris que si les Rwandais étaient correctement formés, ils pouvaient rivaliser avec leurs homologues étrangers. C'est à ce moment-là que l'idée d'ouvrir une école Vatel au Rwanda a commencé à germer.

Cependant, avant de lancer un tel projet, je me suis mariée, et avec mon mari, diplomate, nous sommes partis vivre en Chine et à Singapour. De retour au Rwanda en 2010, j'ai travaillé pendant 4 ans dans les technologies de l'information (IT), en cherchant comment intégrer ces technologies dans l'industrie hôtelière.

Dans le même temps, le gouvernement rwandais s'était engagé à développer l'hôtellerie et le tourisme. C'est ainsi que l'idée d'ouvrir une école Vatel au Rwanda a pris forme. J'ai contacté la direction à Lyon en leur suggérant d'ouvrir une école au Rwanda.

En 2015, Renaud Azema de l'île Maurice, qui était alors responsable du développement de Vatel, est venu pour évaluer la situation. Le Rwanda avait toujours cette image de pays du génocide. En plus à cette période, les gouvernements français et rwandais ne s'entendaient pas très bien et les médias donnaient une mauvaise image du pays.

Arrivé à Kigali, Renaud Azema a constaté que le Rwanda avait bien évolué. À l'époque, nous étions en compétition avec le Burundi, en plein essor touristique et hôtelier, avec un secteur privé très agressif.

Si le Burundi passe, le Rwanda ne pourra pas avoir une école : les deux pays sont trop proches et trop petits pour accueillir chacun une école, m'avait prévenu Vatel. Coup de chance, le Burundi ne s'est pas fait. En 2015, Vatel approuve le projet.

En 2016, je dépose mon dossier auprès du ministère. Il fallait alors trouver les locaux, recruter les élèves et les établissements hôteliers qui allaient les suivre pour leur formation pratique. L'année suivante, nous avons accueilli notre première promotion, composée de 16 étudiants.

Marriott fait partie des premiers hôtels qui ont accepté de prendre nos élèves. Nous n'avions pas encore le restaurant gastronomique d'application, Nyurah (depuis devenu une des tables prisées de Kigali, NDLR). C'est ainsi que l'école Vatel Kigali a vu le jour.

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Comment a été recrutée la première promotion et comment l'école évolue ?

En 2017, nous avons notre première promotion, toute petite, de 16 élèves, avec l'appui de la fondation Mastercard. Un coup de chance. La fondation avait pour projet d'investir dans l'hôtellerie et le tourisme à travers un projet pilote et les deux premières promotions ont été financées à 100 % par Mastercard, avec des élèves de milieu défavorisé.

Aujourd'hui, nous sommes dans la 5e année. Entre-temps, le gouvernement a beaucoup développé les infrastructures, l'accès à l'eau et l'électricité. Nous avons une compagnie Rwandair (lancée en 2019, NDLR) qui va booster le tourisme. Nous avons des routes, nombreuses, qui connectent toutes les villes secondaires. Cela a du sens d'avoir une école Vatel au Rwanda.

En parallèle, il y a l'aspect éducation pour le continent. Le Rwanda se positionne comme un pays d'accueil pour les élèves africains. Nous avons de petites promotions, mais nous accueillons des élèves qui viennent de toute l'Afrique, l'un du Zimbabwe, l'autre du Gabon, ou encore du Nigeria, de l'Éthiopie, du Kenya?

En termes d'éducation, les infrastructures sont là, mais aussi quand l'élève sort, dans le pays, les valeurs sont les mêmes que celles que nous enseignons à l'école. Au Marriott, par exemple, on leur apprend l'éthique : on ne met pas l'argent dans sa poche. Et si jamais une personne est malhonnête, elle est punie. Nous enseignons l'hygiène à l'école, bien sûr, et quand tu sors dans la ville, c'est propre. Le Rwanda est un exemple. L'éducation n'est pas seulement l'école, mais aussi l'environnement : les personnes rencontrées, le fonctionnement du pays, cela fait partie de l'éducation.

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Quelles sont les perspectives de développement de l'école ?

Nous avons soumis une demande pour lancer un programme de MBA, qui est en cours de développement. Notre école est encore relativement petite, centrée sur un diplôme de bachelor en 3 ans, avec environ 50 étudiants. Nous sommes encore dans une période post-Covid.

Sur la promotion de 16 étudiants qui a commencé début 2020, seulement 4 d'entre eux ont réussi à terminer leur programme et obtenu leur diplôme. Les parents ont rencontré des difficultés financières, même avec des échelonnements de paiement. À 5 500 dollars, les frais de scolarité peuvent être un fardeau pour de nombreuses familles.

En outre, nous explorons la possibilité d'ouvrir une école Vatel en Ouganda, mais les démarches sont plus lentes. Ce sera une franchise gérée par le groupe Vatel de l'île Maurice.

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Vous avez organisé ici à Kigali la Convention annuelle 2023 du groupe Vatel. Quels sont les motifs qui vous ont poussé à poser votre candidature pour organiser cet événement ?

Alain Sebban, président et fondateur de Vatel, a visité Kigali en 2019 et avait été impressionné par la ville et le pays. Il a pensé qu'il serait possible d'organiser une convention ici.

Mon mari, qui est également partenaire de Vatel, a accepté l'idée, bien que nous n'ayons pas prévu de la mettre en œuvre immédiatement. En 2021, la question a été relancée et nous avons accepté de l'organiser.

Cela demande beaucoup de préparation, mais c'est une opportunité précieuse pour mettre en avant le Rwanda et l'école Vatel Kigali. C'est une occasion pour nous de montrer au monde ce que nous faisons ici à Kigali, en collaboration avec les autorités locales, les professeurs et l'école dans son ensemble.

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Article de Propos recueillis par notre envoyée spéciale à Kigali, Sylvie Rantrua • 

Le Point

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