Gaborone, Botswana – Cette semaine, la capitale botswanaise accueillera une conférence cruciale des chefs d'état-major de la défense, un événement marqué par la participation du général CQ Brown, président de l'état-major interarmées des États-Unis. Alors que les États-Unis se trouvent à un tournant décisif en Afrique, cette conférence revêt une importance stratégique majeure, notamment à la lumière du retrait forcé des troupes américaines des bases du Niger et du Tchad. La réévaluation des alliances et des partenariats militaires dans la région sera au cœur des discussions.

Un contexte de changement géopolitique
Le général Brown est arrivé au Botswana lundi, alors que la présence militaire américaine en Afrique de l'Ouest subit des bouleversements significatifs. Les récents coups d'État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont profondément affecté les relations de ces pays avec les États-Unis et l'Occident. Ces juntes militaires, cherchant des alternatives à leur dépendance vis-à-vis de l'Occident, se tournent de plus en plus vers des mercenaires liés à la Russie pour des questions de sécurité.
Lors de son déplacement à Gaborone, le général Brown a souligné l'importance de cette conférence pour échanger avec ses homologues africains sur les défis et les opportunités actuels. "Alors que nous retirons nos 1 000 soldats du Niger, d'autres pays d'Afrique de l'Ouest manifestent leur intérêt pour travailler avec les États-Unis et pourraient être ouverts à une présence américaine élargie", a-t-il déclaré.
Réorganisation et redéploiement
Le retrait des troupes américaines du Niger, y compris de la base stratégique de drones à Agadez, constitue un changement majeur dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Ce retrait, accéléré par la prise de pouvoir militaire en juillet dernier, impose de repenser les stratégies de déploiement des forces américaines dans la région. Le général Brown a indiqué que la conférence permettrait de discuter des moyens de renforcer les relations existantes et de développer de nouvelles opportunités de collaboration.
Les États-Unis doivent également composer avec le retrait des forces du Tchad, ordonné par les autorités tchadiennes. Près de 75 membres des forces spéciales américaines ont été redéployés en Europe, tandis qu'une vingtaine de soldats restent sur place pour assurer la sécurité de l'ambassade américaine à N'Djamena. Cette réduction temporaire des troupes pourrait être réévaluée après les élections présidentielles tchadiennes, a précisé le général Brown.
La stratégie américaine en Afrique
La conférence de Gaborone représente une occasion clé pour les États-Unis de réaffirmer leur engagement envers leurs partenaires africains. Le général Brown et d'autres responsables de la défense ont souligné la nécessité d'adapter les solutions aux réalités locales plutôt que d'imposer des idéaux occidentaux. "Nous devons dialoguer avec ces pays pour déterminer le type et la taille de la présence militaire américaine qu'ils souhaitent", a-t-il affirmé.
Un responsable de la défense, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a indiqué que cette réunion visait à encourager des relations militaires sur tout le continent et à montrer aux dirigeants africains que les États-Unis sont à l'écoute de leurs préoccupations.
Les défis de la lutte contre l'extrémisme
La réduction de la présence militaire américaine dans la région du Sahel soulève des questions sur l'efficacité de la lutte contre l'extrémisme croissant, notamment les groupes liés à l'État islamique et à Al-Qaïda. Les États-Unis sont particulièrement préoccupés par la propagation de l'activité extrémiste dans la région côtière de l'Afrique de l'Ouest.
Les récents événements au Niger, où la junte au pouvoir a ordonné le départ des forces américaines et françaises tout en se tournant vers le groupe mercenaire russe Wagner pour la sécurité, illustrent la complexité de la situation. Washington a officiellement qualifié la prise de pouvoir militaire de coup d'État en octobre, déclenchant des restrictions légales sur le soutien militaire américain.
Réactions et perspectives
Certains pays africains ont exprimé leur frustration face à la politique américaine, perçue comme hypocrite lorsqu'elle prône la démocratie et les droits de l'homme tout en maintenant des relations étroites avec des régimes autocratiques ailleurs. La Russie, offrant une assistance sécuritaire sans ingérence politique, devient un partenaire de choix pour les juntes militaires au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
Mvemba Dizolele, directeur du programme Afrique au Centre d'études stratégiques et internationales de Washington, a souligné que les États-Unis doivent ajuster leurs attentes et demandes envers les gouvernements africains. "Les responsables américains de la politique de sécurité et de défense ne doivent pas aborder l'Afrique avec l'idée qu'un officier militaire africain aspire à devenir un officier américain. Ce n'est pas réaliste", a-t-il déclaré.
Les lois américaines, telles que la loi Leahy interdisant l'assistance militaire aux forces violant les droits de l'homme, et les restrictions du Congrès sur l'aide aux gouvernements issus de coups d'État, compliquent les relations. Pendant ce temps, des pays comme la Russie et la Chine offrent une assistance militaire que les pays africains peuvent se permettre.
Conclusion
La conférence des chefs d'état-major de la défense à Gaborone s'annonce comme un moment décisif pour redéfinir la stratégie militaire américaine en Afrique de l'Ouest. À une époque où les alliances traditionnelles sont remises en question et où de nouveaux partenariats se dessinent, les États-Unis doivent démontrer leur capacité à s'adapter aux réalités locales tout en restant un partenaire fiable et respectueux des aspirations africaines. Les discussions à venir seront cruciales pour tracer la voie à suivre et renforcer les relations en vue de promouvoir la stabilité et la sécurité dans la région.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon