Paris, 24 juin 2024 — La Cour de cassation de Paris a rendu un verdict décisif en faveur du port autonome de Douala dans le contentieux qui l’opposait au groupe français Bolloré. Ce jugement marque une étape cruciale dans un différend complexe et prolongé concernant la gestion du terminal à conteneurs du port camerounais.
Origines du conflit : Concession contestée
Le différend a pris naissance au terme d’un processus de renouvellement de la concession du terminal à conteneurs du port de Douala, la principale porte d’entrée maritime du Cameroun. La Douala International Terminal (DIT), une filiale de l’empire Bolloré, gérait le terminal sous une concession qui arrivait à expiration. Espérant renouveler cette concession, Bolloré et son partenaire de gestion, le consortium APM Terminals (APMT), ont été confrontés à un appel d’offres qu'ils ont jugé biaisé.
Procédure d’arbitrage et condamnation initiale
En réponse à ce qu'ils ont perçu comme un appel d’offres conduit à leur désavantage, Bolloré et APMT ont engagé une procédure d’arbitrage devant la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris. En novembre 2020, cette instance a condamné le port de Douala à verser 58.6 millions d’euros à DIT, un jugement qui a provoqué des remous significatifs dans les milieux économiques et politiques camerounais.
Révélations de connivences et revirement judiciaire
Le recours du port de Douala contre cette décision a fini par révéler des irrégularités majeures. La Cour de cassation de Paris a établi l’existence de connivences entre l’un des juges du tribunal arbitral et un avocat du groupe Bolloré. Cette découverte a jeté une lumière crue sur les pratiques douteuses qui ont entaché le processus d’arbitrage.
Dans son arrêt, la Cour de cassation a rejeté la condamnation initiale, annulant de fait l’obligation pour le port de Douala de verser des indemnités à Bolloré. Ce verdict repose sur une analyse rigoureuse des preuves de partialité et de manquement à l’impartialité judiciaire.
Réactions des parties prenantes
Le port autonome de Douala a accueilli cette décision avec satisfaction, y voyant une victoire non seulement pour lui-même mais aussi pour la justice et la transparence. Un porte-parole a déclaré : « Cette décision confirme notre position et renforce notre détermination à mener nos opérations de manière juste et équitable. »
En revanche, la Douala International Terminal, désormais sous la houlette du groupe Mediterranean Shipping Company (MSC) après un rachat, a réagi avec prudence. Un représentant de MSC a souligné : « Ce jugement porte uniquement sur la forme et non sur le fond de l’affaire. Nous restons convaincus de la légitimité de nos revendications et nous examinerons les prochaines étapes légales disponibles. »
Implications et perspectives
La décision de la Cour de cassation de Paris pourrait avoir des répercussions significatives sur la gestion des ports en Afrique et sur les relations commerciales entre les opérateurs locaux et les grands groupes internationaux. Elle met en lumière l’importance d’une transparence totale et d’un cadre juridique exempt de corruption dans les processus de concession.
Pour le Cameroun, cette victoire juridique pourrait renforcer la position du port de Douala en tant que plaque tournante régionale, tout en incitant d’autres ports du continent à revoir leurs pratiques et à s’assurer de leur conformité aux standards internationaux de gouvernance.
Un avenir sous surveillance
Alors que la Douala International Terminal conteste la portée de ce jugement, la communauté internationale observe de près l’évolution de cette affaire. L’implication de Bolloré, un acteur majeur dans la logistique et le transport en Afrique, et de MSC, un leader mondial du transport maritime, confère à ce différend une dimension globale.
La décision de la Cour de cassation de Paris est un rappel puissant que, même dans des affaires impliquant des intérêts financiers colossaux et des acteurs influents, la justice peut prévaloir. Cette affaire pourrait bien devenir un cas d’école en matière de gestion transparente et équitable des ressources et infrastructures publiques.
En conclusion, le litige entre le port de Douala et le groupe Bolloré, loin d’être entièrement résolu, entre dans une nouvelle phase. La vigilance et la détermination des autorités camerounaises, soutenues par une communauté juridique internationale exigeante, seront cruciales pour garantir que le développement économique du pays repose sur des bases solides et justes.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon