Vendredi dernier, à Ouagadougou, une cérémonie de la plus haute importance s’est déroulée, marquant la journée de l’excellence scolaire. En présence du chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré, cette journée a non seulement célébré les meilleurs enseignants et élèves du Burkina Faso, mais elle a aussi mis en lumière des actes héroïques, à la croisée de l’éducation et de la sécurité. Parmi les récipiendaires, deux figures ont particulièrement retenu l’attention : l’adjudant-chef Issé Kaboré et le maréchal des logis Kayaba Sawadogo, décorés à titre exceptionnel en tant que chevaliers de l’Ordre des palmes académiques avec agrafe Éducation. Leur héroïsme n’a pas pris la forme habituelle de l’action militaire, mais celle, plus inattendue, de l’engagement pédagogique.
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La convergence de la défense et de l’éducation : Un acte de résistance et d’espoir
Lorsque les enseignants de Toéni, commune rurale de la province du Sourou, dans la région de la Boucle du Mouhoun, ont été contraints de fuir face à la menace terroriste, les élèves de cette localité se sont retrouvés sans repères éducatifs, vulnérables face à un avenir incertain. Dans ce contexte, les forces de défense et de sécurité, habituellement engagées dans la lutte armée contre les groupes terroristes, ont dû endosser un rôle inattendu et pourtant essentiel : celui d’enseignants.
« On luttait certes contre l’ignorance, mais aussi contre le terrorisme, parce que ces enfants qui n’étaient plus encadrés auraient pu rejoindre les groupes terroristes », a expliqué l’adjudant-chef Issé Kaboré lors de la cérémonie à Ouagadougou. Cette déclaration révèle l’acuité avec laquelle ces militaires ont perçu leur mission. Ils ont compris que la bataille contre le terrorisme ne se menait pas seulement sur le front militaire, mais aussi sur le terrain de l’éducation. En offrant une alternative à ces enfants, en les maintenant sur les bancs de l’école, ces gendarmes ont érigé un rempart contre l’obscurantisme et la radicalisation.
Des gendarmes à la craie : Une initiative salvatrice pour les élèves de Toéni
À Toéni, la réalité a vite dépassé la fiction. Face à l’urgence de la situation et à l’absence d’enseignants, les gendarmes du Groupe d’action rapide de surveillance et d’intervention (GARSI) n’ont pas hésité à poser leurs armes pour saisir la craie. L’adjudant-chef Issé Kaboré et le maréchal des logis Kayaba Sawadogo ont ainsi pris en charge les neuf élèves de la commune, tous candidats à l’examen du certificat d’études primaires (CEP) pour la session 2024.
Leur engagement a porté ses fruits : tous les élèves ont réussi leur examen, une victoire symbolique et concrète contre l’adversité. « Peut-être qu’il y aura parmi eux un président ou un ministre. J’espère qu’ils pourront aider leurs parents à travers l’acte que nous avons posé », a déclaré l’adjudant-chef Kaboré avec une fierté teintée d’humilité. Cet espoir, qu’il exprime avec sobriété, est à la mesure de l’impact que leur intervention pourrait avoir sur la vie de ces enfants, et plus largement, sur l’avenir du pays.
Un sacrifice reconnu : La décoration d’hommes hors du commun
La décision de décorer ces deux gendarmes n’est pas simplement une reconnaissance de leur bravoure ; elle incarne la reconnaissance d’une vision élargie de la sécurité nationale. En les élevant au rang de chevaliers de l’Ordre des palmes académiques, le Burkina Faso salue leur double combat, pour l’éducation et contre le terrorisme, et rappelle que la protection de la nation ne se limite pas aux actions armées, mais inclut également la préservation de l’avenir des jeunes générations.
Cette décoration, accordée lors d’une cérémonie solennelle présidée par le capitaine Ibrahim Traoré, est un hommage à la résilience de ces hommes qui, en dépit des dangers et des contraintes, ont choisi d’assurer la continuité éducative dans un contexte de crise. Elle est aussi un message fort adressé à tous ceux qui luttent pour que l’éducation reste un droit fondamental, même dans les zones les plus reculées et les plus exposées du pays.
Un devoir de mémoire et d’inspiration : Vers une société plus solidaire
« Nous sommes convaincus que jusqu’à la fin de leurs jours, tant qu’ils pourront aider leur prochain, ils n’hésiteront pas, parce qu’ils se rappelleront toujours qu’il y a des gens qui n’avaient rien à voir avec l’enseignement et qui se sont retrouvés à leur donner des cours », a conclu l’adjudant-chef Kaboré. Ses mots résonnent comme un appel à la solidarité nationale, à la reconnaissance des sacrifices de ceux qui œuvrent dans l’ombre pour le bien commun.
Au-delà de la reconnaissance officielle, l’acte posé par ces gendarmes doit servir d’inspiration à tous les Burkinabè. Il rappelle que chacun, à son niveau, peut contribuer à la construction d’une société plus juste, plus éduquée, et donc plus résiliente face aux défis. Leur exemple nous invite à réfléchir sur les responsabilités partagées dans la lutte contre le terrorisme et l’ignorance, et sur l’importance de l’éducation comme vecteur de paix et de développement.
La reconnaissance des acteurs de l’éducation : Les enjeux de l’excellence scolaire au Burkina Faso
La cérémonie de la journée de l’excellence scolaire a également été l’occasion de récompenser les enseignants et élèves les plus méritants. Le geste d’honneur à l’égard des super enseignants Basolma Bayili et Pierre Tiendrebéogo, qui ont chacun reçu une villa et une somme de 5 millions de FCFA, témoigne de la valeur que le Burkina Faso attache à l’éducation de qualité. Ces distinctions, au-delà de la récompense matérielle, sont un encouragement à persévérer dans l’excellence et à faire de l’éducation un pilier de la reconstruction nationale.
L’engagement des gendarmes Kaboré et Sawadogo, en tant qu’enseignants par nécessité, et la reconnaissance des super enseignants, illustrent deux facettes complémentaires d’une même ambition nationale : faire de l’éducation le fer de lance de la lutte contre l’ignorance et la radicalisation. Dans un pays où les défis sécuritaires sont énormes, cette journée a rappelé que l’éducation reste une arme puissante, capable de transformer les individus et, par extension, la société.
Vers un renforcement des initiatives éducatives en zones de conflit
Alors que le Burkina Faso continue de faire face à des menaces sécuritaires, l’exemple des gendarmes de Toéni doit encourager le renforcement des initiatives éducatives dans les zones de conflit. Il est crucial que l’État, avec le soutien des partenaires nationaux et internationaux, mette en place des dispositifs pour assurer la continuité pédagogique dans les régions en proie à l’insécurité. L’éducation, dans ces contextes, doit être vue comme une priorité stratégique, non seulement pour son rôle dans la formation des citoyens, mais aussi comme un outil de résistance face aux tentatives de déstabilisation.
L’histoire des élèves de Toéni, qui ont pu passer leur examen grâce au dévouement de deux gendarmes, est un témoignage poignant de ce que l’engagement pour l’éducation peut accomplir, même dans les circonstances les plus difficiles. Elle nous rappelle que, malgré les obstacles, l’accès à l’éducation doit être préservé comme un droit inaliénable, et que chaque enfant, où qu’il se trouve, mérite une chance de construire son avenir.
Conclusion : Une leçon d’humanité et de résilience
L’intervention des gendarmes Kaboré et Sawadogo à Toéni est bien plus qu’une simple anecdote ; c’est une leçon d’humanité et de résilience. Elle montre que, dans les moments les plus sombres, il est possible de faire la différence par des gestes simples, mais profondément significatifs. Leur acte rappelle également l’interconnexion entre sécurité et éducation, deux piliers essentiels pour la stabilité et le développement du Burkina Faso.
En honorant ces hommes lors de la journée de l’excellence scolaire, le Burkina Faso a fait plus que célébrer des individus : il a réaffirmé son engagement envers une société où l’éducation est protégée, valorisée et accessible à tous, malgré les défis. Cette reconnaissance doit être le point de départ d’une réflexion collective sur les moyens à mettre en œuvre pour garantir que chaque enfant burkinabè, quelle que soit sa situation géographique ou socio-économique, puisse bénéficier d’une éducation de qualité.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon