En cette fin d’été 2024, le Mali fait face à l’une des crises humanitaires les plus graves de son histoire récente. Le vendredi 23 août, à l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire, le gouvernement a officiellement déclaré l’état de catastrophe nationale sur l’ensemble du territoire, conséquence des inondations dévastatrices qui frappent le pays depuis le début de la saison des pluies. Cette décision, bien que douloureuse, est apparue inéluctable au vu de l’ampleur des dégâts humains et matériels recensés.
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Un bilan humain et matériel alarmant
Le dernier décompte officiel, établi au 22 août 2024, dresse un tableau particulièrement sombre de la situation. Depuis le début de la saison des pluies, 122 cas d’inondations ont été enregistrés à travers 17 régions du pays ainsi que dans le district de Bamako. Ces inondations ont touché 7077 ménages, représentant un total de 47374 personnes sinistrées, dont 14451 hommes, 13576 femmes et 19347 enfants. Le bilan humain est lourd : 30 décès ont été déplorés, répartis sur plusieurs régions du pays. La région de Ségou compte à elle seule 12 victimes, suivie de Gao avec 6 décès, et de Bamako, où 5 personnes ont perdu la vie. Le reste des victimes se répartit entre Koutiala, Koulikoro, Kayes, San et Kita. Par ailleurs, 104 personnes ont été blessées à des degrés divers.
Sur le plan matériel, les dégâts sont tout aussi considérables. Des milliers de maisons ont été détruites ou gravement endommagées, laissant des milliers de familles sans abri. Les infrastructures publiques, notamment les écoles, les centres de santé, ainsi que les réseaux de transport et d’assainissement, ont également été sévèrement impactées. À Bamako, le district a enregistré 29 cas d’inondations, affectant 4639 personnes. Cependant, c’est la région de Gao qui apparaît comme la plus durement touchée, avec 1570 ménages sinistrés pour un total de 9936 personnes en détresse.
Une situation critique amplifiée par les conditions climatiques
L’annonce de l’état de catastrophe nationale intervient alors que les prévisions météorologiques prévoient encore d’importantes quantités de pluie dans les jours à venir. Ces prévisions ajoutent à l’angoisse des populations et des autorités, déjà confrontées à une situation d’une complexité extrême. Les inondations, principalement causées par des précipitations intenses et soutenues, ont été exacerbées par la faiblesse des infrastructures de drainage et d’évacuation des eaux, notamment dans les zones urbaines et périurbaines.
La situation est d’autant plus critique que le Mali est déjà confronté à des défis multiples, allant de la sécurité alimentaire à la stabilité politique en passant par la lutte contre le terrorisme. Dans ce contexte, les inondations viennent s’ajouter à une liste déjà longue de défis que le gouvernement doit relever, souvent avec des moyens limités.
Un plan d’action pour secourir les populations
Conscient de l’urgence de la situation, le gouvernement malien a rapidement adopté un plan d’organisation des secours pour venir en aide aux populations touchées. Ce plan prévoit une série de mesures d’urgence, visant à atténuer les effets des inondations et à prévenir de nouvelles catastrophes. Parmi les principales actions envisagées figurent la poursuite et l’intensification des campagnes de sensibilisation sur les risques d’inondation. Il s’agit notamment d’informer les populations sur les comportements à adopter en cas de montée des eaux, et sur les mesures de sécurité à prendre pour se protéger et protéger leurs biens.
Parallèlement, le gouvernement a ordonné le curage des collecteurs, des caniveaux et des jonctions des voies d’écoulement d’eau, afin de faciliter le drainage des eaux pluviales et de réduire le risque d’inondation dans les zones les plus exposées. Cette opération, bien que technique, est cruciale pour limiter les dégâts futurs, notamment dans les zones urbaines où la densité de la population et la concentration des infrastructures augmentent le risque de catastrophe.
Un autre axe important du plan d’action concerne le recensement des constructions qui obstruent les voies d’écoulement d’eau, en vue de leur libération. Cette mesure, bien que délicate sur le plan social, apparaît comme indispensable pour restaurer la capacité des infrastructures à gérer les eaux pluviales. Les autorités locales seront chargées de conduire ces opérations de recensement et de prendre les dispositions nécessaires pour démolir les constructions illégales, en concertation avec les propriétaires concernés.
L’appel à la solidarité internationale
Face à l’ampleur de la catastrophe, le gouvernement malien a également lancé un appel à la solidarité internationale. La déclaration de l’état de catastrophe nationale ouvre en effet la voie à une mobilisation accrue des partenaires internationaux, tant en termes d’aide humanitaire que de soutien technique et financier. Plusieurs pays et organisations ont déjà exprimé leur volonté d’assister le Mali dans cette épreuve, en apportant des secours d’urgence, du matériel de première nécessité, ainsi que des fonds pour la reconstruction.
L’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union européenne (UE) et plusieurs ONG internationales ont d’ores et déjà annoncé des contributions pour soutenir les efforts du gouvernement malien. Cependant, au-delà de l’urgence, la reconstruction du pays après cette catastrophe nécessitera des investissements massifs dans les infrastructures de prévention des inondations, ainsi qu’une réforme en profondeur des politiques d’urbanisation et de gestion des ressources naturelles.
Vers une réflexion sur la gestion des catastrophes au Mali
La crise actuelle pose la question de la gestion des catastrophes naturelles au Mali. Elle met en lumière la vulnérabilité structurelle du pays face aux aléas climatiques, exacerbée par un contexte de fragilité économique et institutionnelle. Pour les autorités maliennes, cette catastrophe doit être l’occasion de repenser les stratégies de prévention et de gestion des risques. Cela passe par un renforcement des capacités locales, une meilleure planification urbaine, ainsi que par la mise en place de mécanismes de résilience plus efficaces.
La catastrophe qui frappe actuellement le Mali est un rappel brutal des défis qui se posent à ce pays, déjà éprouvé par des années de crises multiformes. Mais elle est aussi une opportunité pour le gouvernement et ses partenaires de construire un avenir plus sûr, plus résilient, où les populations ne seront plus condamnées à subir de manière récurrente les conséquences des intempéries. Il s'agit là d'un chantier de longue haleine, qui nécessitera un engagement soutenu et des ressources considérables, mais qui est indispensable pour garantir un développement durable au Mali.
En attendant, l'urgence est à l'action, pour secourir les sinistrés, reconstruire les vies brisées, et préparer le pays à affronter les prochaines vagues de pluie. Le chemin sera long, mais avec la détermination du peuple malien et le soutien de la communauté internationale, il est possible d’espérer un avenir plus serein pour le Mali.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon