Le Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD), situé à Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar, a accueilli, ce jeudi 26 septembre 2024, l’ouverture d’une conférence de trois jours réunissant des recteurs, présidents et directeurs généraux d’institutions d’enseignement supérieur de sept pays d’Afrique de l’Ouest. À l’initiative du Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO), cette rencontre porte sur le thème crucial de « L’hybridation pédagogique : enjeux, défis et perspectives pour un enseignement supérieur de qualité ».
Cette conférence constitue un rendez-vous incontournable pour les dirigeants d’universités de la sous-région, venus partager leurs expériences, discuter des défis communs et esquisser des solutions innovantes en matière d’éducation supérieure. Des représentants du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger, de la Guinée, du Togo et du Sénégal ont fait le déplacement, soulignant ainsi l’importance de cette rencontre pour le développement de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest.
Un moment décisif pour l’avenir de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest
Lors de son allocution inaugurale, le professeur Ibrahima Cissé, recteur de l’Université Amadou Mahtar Mbow de Diamniadio et hôte de la conférence, a insisté sur le caractère décisif de cette rencontre. « Cette conférence ne reflète pas seulement l’engagement de notre institution, mais aussi celui de l’ensemble de notre nation pour le rayonnement de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest », a-t-il déclaré. Pour lui, cet événement témoigne de la capacité des institutions universitaires de la région à fédérer leurs efforts pour relever les défis communs auxquels elles sont confrontées, notamment en matière de transformation pédagogique et d’accessibilité à une éducation de qualité.
Face à une mondialisation accélérée et à des évolutions technologiques rapides, l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest se trouve à un tournant. L’hybridation pédagogique, qui combine enseignement présentiel et distanciel, s’impose comme une solution incontournable pour répondre à des besoins croissants tout en maintenant des standards académiques élevés. Cependant, comme l’a souligné M. Cissé, cette transformation soulève également des questions complexes sur le plan technique, institutionnel, mais aussi éthique et social.
L’hybridation pédagogique : une transformation aux multiples facettes
L’hybridation pédagogique n’est pas seulement une réponse à des contraintes matérielles ou à la demande croissante d’éducation. Elle représente une véritable révolution dans la manière dont l’enseignement est dispensé, nécessitant une révision en profondeur des méthodes, des outils et des mentalités.
Dans le contexte ouest-africain, cette hybridation se heurte à plusieurs obstacles. Le premier est d’ordre technique : la connectivité internet reste insuffisante dans de nombreuses régions, compromettant l’accès au numérique pour des milliers d’étudiants. Le second défi est institutionnel : les universités doivent repenser leurs curricula, former leurs enseignants à l’utilisation des nouvelles technologies et adapter leurs infrastructures pour répondre à cette nouvelle donne. La gestion des ressources humaines et financières constitue également un obstacle majeur, étant donné que de nombreuses universités de la région sont déjà sous pression en raison du manque de moyens.
Toutefois, l’hybridation pédagogique ne se limite pas à un changement de format ou de support. Elle doit aussi permettre une reconfiguration du rôle de l’enseignant et une réévaluation des dynamiques de l’apprentissage. L’enseignant ne doit plus être seulement un transmetteur de savoirs, mais aussi un facilitateur, un guide capable de soutenir l’étudiant dans sa quête d’autonomie et de développement personnel.
Des défis éthiques et sociaux à ne pas négliger
Au-delà des obstacles techniques et institutionnels, l’hybridation pédagogique soulève également des questions cruciales d’ordre éthique et social. « Nous devons veiller à ce que cette transformation ne crée pas de nouvelles inégalités, mais au contraire contribue à réduire les écarts d'accès à une éducation de qualité », a averti le professeur Ibrahima Cissé lors de son discours. En effet, le risque existe que cette transformation ne profite qu’à une élite ayant accès aux outils numériques, creusant ainsi le fossé entre les étudiants des zones urbaines et ceux des régions rurales.
L’un des enjeux majeurs de cette hybridation est donc l’inclusivité. Il s’agit de s’assurer que les réformes en cours ne laissent personne sur le bord de la route, en particulier les étudiants les plus vulnérables, qu’ils soient issus de milieux modestes, de zones reculées ou qu’ils souffrent de handicaps. « L’hybridation pédagogique doit être pensée comme un outil de démocratisation de l’enseignement supérieur, et non comme un facteur de marginalisation », a insisté M. Cissé.
Un cadre propice à l'innovation et à la coopération régionale
La conférence de Diamniadio ne se limite pas à dresser un état des lieux des défis rencontrés. Elle se veut aussi un espace d’échanges constructifs et de coopération régionale, où les dirigeants des institutions universitaires peuvent partager leurs bonnes pratiques et proposer des pistes concrètes pour une hybridation réussie. L’hybridation, bien que contraignante, est également porteuse d'opportunités.
Dans plusieurs universités de la sous-région, des initiatives pionnières ont déjà vu le jour, avec des plateformes d’e-learning qui permettent de démultiplier l’accès au savoir. Le Bénin, par exemple, a lancé un programme ambitieux de numérisation des cours universitaires, tandis que la Côte d’Ivoire s’est engagée dans la mise en place de centres d’excellence numérique dans plusieurs de ses universités. De même, le Sénégal, sous l’égide de l’Université Amadou Mahtar Mbow, se positionne comme un leader en matière de transition pédagogique dans la région.
Ces initiatives doivent désormais être consolidées et harmonisées au niveau régional, pour créer un écosystème éducatif où la collaboration et le partage des ressources permettent d’atteindre une masse critique d’étudiants bénéficiant d’une éducation de qualité. Comme l’a souligné le professeur Cissé, « la coopération régionale est essentielle pour que nous puissions mutualiser nos ressources et nos compétences, et ainsi offrir à nos étudiants une éducation à la hauteur des exigences du monde actuel ».
Perspectives pour l'avenir de l'enseignement supérieur en Afrique de l'Ouest
Au terme de ces trois jours de discussions, il est attendu que cette conférence aboutisse à des résolutions concrètes pour l’hybridation pédagogique dans l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest. L’objectif est clair : faire de cette transformation un levier de progrès pour les universités de la région, en renforçant leur capacité à former une jeunesse capable de répondre aux défis économiques, sociaux et politiques du continent.
Dans cette optique, le Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest s’engage à accompagner ses membres dans la mise en œuvre de stratégies d’hybridation pédagogiques adaptées aux réalités locales. Cette transition devra être soutenue par des investissements conséquents dans les infrastructures numériques, une formation continue des enseignants et un accompagnement des étudiants pour garantir une appropriation optimale des outils numériques.
Ainsi, la conférence de Diamniadio marque une étape cruciale dans la refonte de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest. À l’heure où le monde entier s’oriente vers des modèles éducatifs plus flexibles et innovants, l’Afrique de l’Ouest se doit de saisir cette opportunité pour faire de ses universités des pôles d’excellence capables de former les leaders de demain.
Un avenir prometteur à l’horizon
En définitive, l’hybridation pédagogique représente une chance unique pour les universités ouest-africaines de se réinventer et de répondre aux besoins de leurs populations. Si les défis sont nombreux, les opportunités n’en demeurent pas moins immenses. En s’unissant autour d’une vision commune, les universités de la région ont l’occasion de poser les bases d’un enseignement supérieur inclusif, résilient et orienté vers l’avenir.
Le rendez-vous de Diamniadio pourrait bien être le point de départ d’une transformation majeure, où l’innovation pédagogique, la coopération régionale et l’inclusivité permettront de bâtir un système éducatif à la hauteur des ambitions du continent africain.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon