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RADIO TANKONNON

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Le grand retour du coton génétiquement modifié au Burkina Faso : Une révolution agricole sous conditions

Publié par RADIO TAN KONNON sur 24 Septembre 2024, 14:24pm

Catégories : #AGRICULTURE

Le mardi 24 septembre 2024, après huit ans de suspension, une étape cruciale a été franchie dans la filière cotonnière burkinabè. Réunis à Bobo-Dioulasso, les producteurs de coton du pays ont pris part à une formation visant à les préparer à la réintroduction imminente du coton génétiquement modifié (CGM) dans leurs champs. Cet événement, orchestré par l’Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina Faso (AICB) et soutenu par des partenaires scientifiques tels que l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), a permis de jeter les bases d’un nouveau chapitre pour l’une des cultures les plus emblématiques du Burkina Faso.

Un retour attendu, mais prudent

Le retour du CGM dans la production agricole burkinabè ne s’est pas fait sans de profondes réflexions et d’intenses concertations. En 2016, après avoir été le premier pays africain à adopter le coton transgénique en 2008, le Burkina Faso avait brutalement suspendu la culture de cette variété de coton en raison d’une baisse préoccupante de la qualité de la fibre, essentielle à la compétitivité de son coton sur les marchés internationaux. La variété de coton Bt alors utilisée, développée en partenariat avec la multinationale Monsanto, n’avait pas tenu ses promesses en termes de rendement qualitatif, malgré une meilleure résistance aux parasites comme Helicoverpa armigera, principale menace pour les champs de coton.

Aujourd’hui, avec le développement de nouvelles variétés de CGM censées corriger les failles identifiées, notamment la réduction de la longueur et de la résistance de la fibre, les producteurs se disent prêts à accueillir à nouveau cette technologie. Pour Nikiébo N’Kambi, président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB), l’heure est à l’optimisme : « Tous les producteurs sont favorables au retour du CGM avec la correction des manquements reprochés à la variété suspendue. Nous avons pleinement conscience des défis, mais aussi des immenses avantages qu’elle peut nous offrir. »

Les avantages techniques et économiques du CGM

Le soutien des producteurs à ce retour du CGM se fonde avant tout sur une réalité économique indéniable. L’introduction de la biotechnologie dans la culture cotonnière avait, durant ses premières années d’application, permis de réaliser des gains de productivité spectaculaires. L’un des principaux avantages du CGM est sa simplicité de traitement phytosanitaire. Contrairement au coton conventionnel, qui requiert de multiples pulvérisations d’insecticides tout au long de la saison, le coton génétiquement modifié, grâce à son incorporation du gène Bt (Bacillus thuringiensis), permet de lutter efficacement contre les principaux parasites avec un recours minimal aux produits chimiques. Cette réduction des traitements contribue à diminuer les coûts de production, tout en préservant la santé des producteurs souvent exposés à des substances toxiques.

D’un point de vue de la productivité, le CGM présente également des rendements bien plus élevés que le coton traditionnel. En témoignent les premières années d’utilisation, où les rendements avaient parfois doublé par rapport aux variétés conventionnelles. Cet accroissement de la production se traduit directement par une hausse des revenus des producteurs, dont les marges bénéficiaires sont augmentées, tout en permettant une gestion plus efficace du temps de travail dans les champs.

Nikiébo N’Kambi, premier responsable de la faitière des producteurs de coton du Burkina Faso
Nikiébo N’Kambi, premier responsable de la faitière des producteurs de coton du Burkina Faso

Nikiébo N’Kambi insiste sur cet aspect : « Non seulement le CGM nous permet d’obtenir plus de coton avec moins de travail, mais il améliore aussi la qualité de vie des producteurs. Nous gagnons du temps, notre santé est mieux préservée, et, surtout, nous avons la garantie de revenus plus stables et plus élevés. » Cet enthousiasme partagé par les producteurs reflète la nécessité d’une révolution technologique pour une filière qui, bien qu’essentielle à l’économie nationale, demeure fragile.

Omer Aimé Sakamba Hema, entomologiste
Omer Aimé Sakamba Hema, entomologiste

Des précautions essentielles pour un succès durable

Toutefois, le retour du CGM n’est pas exempt de précautions. L’échec de la première tentative, causé par une inadéquation entre les besoins du marché international et les caractéristiques de la fibre Bt, a laissé des leçons amères que le Burkina Faso ne souhaite plus revivre. L’enjeu principal aujourd’hui réside dans le développement de variétés qui répondent non seulement aux exigences agronomiques locales, mais également aux normes de qualité de la fibre recherchées par les industries textiles internationales.

À ce titre, les chercheurs de l’INERA ont travaillé d’arrache-pied pour concevoir des variétés hybrides qui allient résistance aux parasites et qualité supérieure de la fibre. Le défi est de taille, comme le rappelle Dr Boubacar Traoré, directeur du programme coton à l’INERA : « Le retour du CGM doit se faire avec des variétés adaptées à notre terroir. Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre le label de qualité de notre coton, c’est pourquoi nous avons concentré nos efforts sur le développement de variétés robustes, capables de répondre aux exigences du marché tout en protégeant les cultures des ravageurs. »

Outre les aspects techniques, le processus de réintroduction du CGM s’accompagne d’une attention particulière aux enjeux de biosécurité et aux questions éthiques. L’expérience passée a montré que le recours à une telle technologie doit s’appuyer sur une transparence totale et une implication active des producteurs dans toutes les phases de décision. En réponse à ces préoccupations, des tests rigoureux sont prévus avant toute commercialisation, tant en laboratoire que dans des conditions réelles de production.

Un nouvel horizon pour la filière cotonnière

Le retour du coton génétiquement modifié s’inscrit dans une ambition plus large pour la filière cotonnière burkinabè, qui aspire à retrouver son rang de leader en Afrique de l’Ouest. Après avoir connu des années fastes, où le Burkina Faso figurait parmi les principaux exportateurs de coton de qualité, la filière a été ébranlée par la volatilité des prix sur le marché mondial et par des crises climatiques récurrentes. En réponse à ces défis, l’innovation technologique, sous la forme du CGM, représente une voie privilégiée pour renforcer la résilience des producteurs face aux aléas économiques et environnementaux.

Mamadou Coulibaly, directeur général de la Société Burkinabè des Fibres Textiles (SOFITEX), souligne l’importance stratégique de cette réintroduction : « Le coton est un pilier de notre économie. Si nous voulons pérenniser cette filière et garantir des revenus durables pour les producteurs, il est essentiel d’adopter des technologies modernes comme le CGM, tout en veillant à respecter les standards internationaux de qualité. »

La réintroduction du CGM est aussi perçue comme une opportunité de repositionner le Burkina Faso sur la scène internationale. Le pays, autrefois salué pour sa capacité à innover en matière agricole, pourrait de nouveau attirer l’attention des investisseurs et des partenaires étrangers, intéressés par une agriculture durable, technologiquement avancée et respectueuse des normes de commerce équitable.

Conclusion : Une promesse de transformation

Le retour imminent du coton génétiquement modifié au Burkina Faso marque le début d’une nouvelle ère pour la filière cotonnière. Soutenu par des innovations techniques et une meilleure organisation des acteurs, ce processus est porteur d’espoir pour les producteurs, qui y voient une solution durable face aux défis de la compétitivité mondiale et de la résilience agricole. Cependant, il repose sur une condition incontournable : la rigueur scientifique et le respect des leçons du passé.

Les regards sont désormais tournés vers les premiers essais en conditions réelles, qui détermineront le succès ou l’échec de cette réintroduction. Mais une chose est sûre : le Burkina Faso est prêt à relever le défi, porté par une vision claire de son avenir agricole et par la volonté de ses producteurs de faire du CGM une clé de leur prospérité.

Saidicus Leberger

Pour Radio Tankonnon 

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