Haïti, la perle des Caraïbes, sombre dans une crise humanitaire d’une ampleur inédite. Selon un rapport accablant publié lundi par l’Integrated Food Security Phase Classification (IPC), le pays fait face à l’un des pires épisodes d’insécurité alimentaire de son histoire, avec près de 6 000 personnes qui succombent chaque jour à la famine. L'étude révèle que 5,4 millions de personnes, soit 48 % de la population, sont désormais en situation de crise alimentaire, et 2 millions d’entre elles se trouvent au seuil de l'urgence, une augmentation de 42 % en seulement un an.
Dans ce contexte, la violence des gangs qui sévit principalement dans la capitale, Port-au-Prince, et ses environs, exacerbe une situation déjà critique, rendant chaque jour la survie plus incertaine pour des milliers de familles. Parmi elles, Jean Yonel et Hyacinthe Monime, parents de sept enfants, incarnent le visage de ce désespoir collectif. Ayant fui leur quartier après une attaque de gang, ils tentent de survivre avec de maigres rations alimentaires. « La nourriture qui ne suffirait normalement qu’à une seule personne doit nourrir dix bouches », confie Jean Yonel, qui n’a plus d’emploi stable et est contraint de brûler du bois pour en faire du charbon, seule source de revenu désormais disponible.
La spirale infernale des gangs et de la faim
La République d'Haïti n’a jamais connu une telle insécurité. La violence des gangs, qui paralyse les quartiers entiers de Port-au-Prince, ne cesse d’étendre son emprise. Les rues, jonchées de carcasses de véhicules incendiés, témoignent du chaos régnant. Houssemeddine Jebabli, porte-parole des forces de sécurité, décrit une capitale asphyxiée, où la peur est devenue le quotidien de millions de citoyens.
Le rapport révèle qu’entre avril et juin 2024, 1 379 personnes ont été tuées ou blessées, tandis que 428 autres ont été enlevées. Ce climat de terreur a poussé 700 000 Haïtiens à fuir leur domicile, s’entassant dans des abris de fortune où règnent la promiscuité et l’insalubrité. Les victimes de cette violence dépendent quasi-exclusivement de l’aide humanitaire fournie par des organisations internationales telles que le Programme alimentaire mondial (PAM), qui peinent à répondre à l’immensité des besoins.
Tanya Birkbeck, porte-parole du PAM en Haïti, souligne la gravité de la situation : « Nous voyons de très nombreuses personnes déplacées vivant dans des conditions catastrophiques. La situation est la plus grave jamais vue en termes d’insécurité alimentaire dans le pays. » Ces abris, surchargés de familles démunies, sont devenus des lieux où l’espoir s’éteint peu à peu, alors que la faim atteint un seuil critique.
L’effondrement économique : une population à genoux
Outre la violence des gangs, Haïti doit faire face à un effondrement économique sans précédent. L’inflation, qui a atteint 30 % en juillet dernier, a fait exploser le coût de la vie, rendant l’accès à la nourriture pratiquement impossible pour une large partie de la population. 70 % des dépenses des ménages haïtiens sont désormais consacrées à l’alimentation, un chiffre démesuré qui témoigne de la précarité des conditions de vie.
Le coût d’un panier alimentaire de base a augmenté de 11 % au cours de l’année écoulée, plongeant des milliers de familles dans une pauvreté extrême. Pour Jean Yonel et Hyacinthe, comme pour des millions d’autres, les repas se sont réduits à une simple survie. Les rares jours où la famille parvient à obtenir un repas complet, il se compose de riz ou de pâtes. Dans les moments les plus sombres, Hyacinthe doit mélanger de la farine avec des épinards pour combler la faim de ses enfants, un subterfuge qui, s’il calme momentanément les estomacs, ne nourrit ni le corps, ni l’âme.
L’urgence humanitaire : une aide insuffisante face à l’ampleur des besoins
Le rapport de l’IPC dresse un constat sans appel : la situation en Haïti a atteint un niveau de crise jamais observé. Les agences humanitaires, malgré leurs efforts, peinent à répondre à l'ampleur de la catastrophe. Il manque environ 230 millions de dollars aux ONG présentes sur place pour financer les programmes jusqu’à la fin de l’année. Or, sans cette aide cruciale, des millions de personnes risquent de basculer dans une situation de famine généralisée.
Les rares zones sécurisées de la capitale et des grandes villes d'Haïti sont désormais submergées par les réfugiés internes, qui fuient les combats de gangs et les affrontements pour le contrôle du territoire. Ces déplacés dépendent entièrement de l’aide alimentaire d’urgence, et leur nombre continue d'augmenter à mesure que la violence s’intensifie.
L’insécurité alimentaire atteint un sommet critique. Les données montrent que le nombre de personnes confrontées à une faim aiguë représente désormais la moitié de la population haïtienne. Pour la première fois depuis septembre 2022, et seulement la deuxième fois dans l’histoire de la région, certaines parties d’Haïti sont classées en phase 5 de l’IPC, désignée comme le stade le plus extrême de la famine.
Un appel pressant à la communauté internationale
Face à cette situation désespérée, les appels à l’aide de la communauté internationale se multiplient. Le PAM, ainsi que d’autres organisations humanitaires, réclament une mobilisation urgente des fonds nécessaires pour pallier à la crise. Mais, malgré les efforts, les défis logistiques et sécuritaires compliquent chaque jour un peu plus l’accès à l’aide alimentaire.
Le gouvernement haïtien, soutenu par une force internationale composée de 500 policiers étrangers, tente tant bien que mal de rétablir l’ordre. Cependant, la majorité des quartiers de Port-au-Prince et de ses environs échappent encore au contrôle des autorités, rendant tout espoir de redressement encore lointain.
Conclusion : Haïti, entre violence et famine
Haïti, jadis connue pour sa résilience face aux catastrophes naturelles, se trouve aujourd’hui au bord d’une crise humanitaire d'une ampleur sans précédent. La famine, alimentée par l'insécurité endémique, dévaste le pays. Alors que la moitié de la population lutte chaque jour pour se nourrir, il devient impératif que la communauté internationale se mobilise pour fournir une aide massive, tant humanitaire qu’économique. La survie de millions de vies en dépend.
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