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RADIO TANKONNON

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L’Affaire Rokia Traoré : Une saga judiciaire complexe entre Bruxelles, Rome et Bamako

Publié par RADIO TAN KONNON sur 30 Novembre 2024, 11:43am

Catégories : #ACTUALITE

Vendredi 29 novembre 2024, la chanteuse malienne Rokia Traoré, figure emblématique de la scène musicale africaine, a été incarcérée en Belgique après son transfert depuis l’Italie. Cet épisode marque une nouvelle étape dans une affaire judiciaire au long cours, entremêlant batailles familiales, divergences judiciaires internationales et enjeux diplomatiques.

Rokia Traoré, artiste malienne -  Flickr - rom@nski photo
Rokia Traoré, artiste malienne - Flickr - rom@nski photo

Une arrestation spectaculaire en Italie

Tout commence le 21 juin 2024, lorsque Rokia Traoré est interpellée à l’aéroport de Fiumicino, à Rome, sur la base d’un mandat d’arrêt international. La chanteuse, en provenance du Mali, se trouvait alors en transit vers une destination encore non précisée. Son arrestation relance une affaire remontant à plusieurs années, marquée par une tension constante entre les décisions des justices belge et malienne concernant la garde de sa fille.

Transférée en Belgique le 29 novembre 2024, elle est écrouée à la prison de Saint-Gilles, en région bruxelloise, en application d’un jugement rendu en octobre 2023 par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Cette juridiction l’avait condamnée à deux ans d’emprisonnement pour "non-représentation d’enfant à la personne en ayant la garde".

Conflit parental et accusations croisées

Le litige oppose Rokia Traoré à son ex-compagnon, Jan Goossens, dramaturge belge et ancien directeur du Festival de Marseille. Leur fille, née en 2015, se trouve au cœur de ce bras de fer juridique et émotionnel. Depuis 2018, la garde de l’enfant fait l’objet de décisions contradictoires entre les juridictions belge et malienne.

En 2019, le tribunal de première instance de Bruxelles avait attribué la garde exclusive de l’enfant au père, arguant de l’absence de coopération de la chanteuse dans l’établissement d’un accord familial. Cependant, Rokia Traoré, dénonçant un jugement partial, saisit la justice malienne qui, à son tour, lui accorde la garde exclusive de l’enfant.

Dans ce contexte, l’artiste accuse son ex-compagnon d’attouchements sur leur fille. Ces accusations, déposées en Belgique, sont classées sans suite par la justice belge, ce qui ne fait qu’alimenter son ressentiment et son refus d’obtempérer aux décisions émanant de Bruxelles.

Un premier mandat d’arrêt en 2019

La situation prend une tournure dramatique lorsque, en octobre 2019, un mandat d’arrêt international est émis contre elle pour "enlèvement, séquestration et prise d’otage". La justice belge estime alors que Rokia Traoré a agi de manière illégale en retenant sa fille au Mali malgré les décisions judiciaires belges.

Ce mandat conduit à une première arrestation en mars 2020 à l’aéroport de Roissy, en France. Placée en détention provisoire à Fleury-Mérogis, elle est libérée sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. Mais contre toute attente, elle regagne le Mali, où elle continue de vivre avec sa fille, défiant ainsi ouvertement les autorités belges.

Entre enjeux juridiques et dilemme diplomatique

L’affaire pose des questions complexes liées à la coopération judiciaire internationale. Le Mali, bien que signataire de conventions internationales, a systématiquement refusé d’exécuter les décisions émanant des tribunaux belges, estimant que sa propre souveraineté et l’intérêt supérieur de l’enfant prévalaient.

Pour la Belgique, l’affaire est devenue un symbole de l’importance du respect des décisions judiciaires dans le cadre des différends transnationaux. Pour le Mali, elle illustre les tensions persistantes autour de l’ingérence perçue des anciennes puissances coloniales dans les affaires africaines.

Un avenir incertain pour l’artiste et sa fille

Aujourd’hui écrouée, Rokia Traoré fait face à un avenir incertain. Si la justice belge a tranché en faveur du père, la situation sur le terrain reste floue. L’enfant, toujours au Mali, est entourée par un environnement familial qui rejette catégoriquement l’idée d’une remise à son père.

Dans ce contexte, l’artiste, connue pour sa voix envoûtante et ses chansons engagées, se trouve désormais confrontée à une réalité bien éloignée des scènes qu’elle avait l’habitude d’illuminer. Entre les murs d’une prison bruxelloise, elle incarne malgré elle le visage d’une femme déchirée entre son rôle de mère et son combat pour ce qu’elle considère être la justice.

Un enjeu dépassant le cadre familial

Au-delà de l’affaire familiale, l’histoire de Rokia Traoré soulève des questions profondes sur les systèmes judiciaires, la coopération internationale et le rôle des États dans les affaires transnationales. Elle met en lumière les limites d’un système où les enfants deviennent, bien malgré eux, les otages de conflits d’adultes.

Dans un monde globalisé où les frontières sont de plus en plus perméables, cette affaire rappelle que les batailles judiciaires, lorsqu’elles se jouent à l’échelle internationale, deviennent rapidement des dossiers hautement sensibles où se mêlent droit, diplomatie et humanité.

Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon 

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