Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

RADIO TANKONNON

RADIO TANKONNON

Toujours plus proche de vous.


Le théâtre comme refuge : Les récréatrales, Un espoir dans le Burkina Faso tourmenté

Publié par RADIO TAN KONNON sur 13 Novembre 2024, 01:45am

Catégories : #CULTURE

Au cœur du Burkina Faso, un pays tourmenté par les conflits et les défis humanitaires d’une ampleur sans précédent, un festival de théâtre a choisi de se dresser comme un bastion d’espoir et de résistance culturelle.

Les Récréatrales, un événement théâtral majeur et incontournable d’Afrique de l’Ouest, ont pris place au mois d’octobre dernier dans le quartier de Bougsemtenga à Ouagadougou, transformant temporairement cette zone urbaine en un refuge pour des milliers de personnes en quête de réconfort et de résilience. Malgré la violence qui ébranle le pays, ces dix jours de performances ont réuni plus de 150 artistes venus transmettre un message de paix, de solidarité et d'humanité.

 Un spectacle de théâtre joué par des PDI-©Récréâtrales
Un spectacle de théâtre joué par des PDI-©Récréâtrales

Fanta Charlotte Dabone : L’histoire d’un courage silencieux

Pour des milliers de Burkinabés, les Récréatrales représentent bien plus qu’un simple événement artistique : elles incarnent une trêve dans un quotidien marqué par la peur et l’incertitude.

Parmi les participants, Fanta Charlotte Dabone, une mère de trois enfants qui a tout perdu après avoir été contrainte de fuir son village lors d’une attaque, symbolise la capacité des habitants à puiser en eux-mêmes des ressources pour surmonter les traumatismes. Ayant laissé derrière elle son mari et ses terres, Fanta tente désormais de subvenir aux besoins de ses enfants dans la capitale, luttant pour trouver un logement, un revenu et un semblant de stabilité.

Cependant, c’est dans la magie du théâtre que Fanta a retrouvé un peu de légèreté et de réconfort. « Quand je suis sur scène, je suis très heureuse. C'est quand je dois rentrer chez moi que les mauvais souvenirs reviennent dans ma tête », confie-t-elle. Cette déclaration, à la fois poignante et révélatrice, illustre l’importance de ces moments de célébration collective. Pour Fanta et bien d’autres, les Récréatrales offrent un espace où ils peuvent suspendre, ne serait-ce qu’un instant, la douleur de leur quotidien pour renouer avec la beauté, la joie et l’humanité.

Le Burkina Faso : Un pays à l'épreuve de la crise sécuritaire

Autrefois célébré pour sa scène artistique dynamique, son cinéma, son théâtre et son artisanat, le Burkina Faso subit depuis plusieurs années l’ombre envahissante de l’insécurité. Situé dans la région instable du Sahel, le pays fait face à une insurrection violente menée par des groupes armés extrémistes, liés pour certains à Al-Qaïda et à l’État islamique.

Selon les estimations, plus de 60 % du territoire échappe aujourd'hui au contrôle des autorités gouvernementales. Cette situation a entraîné des déplacements massifs de populations et un besoin humanitaire croissant : plus de deux millions de Burkinabés ont été contraints d’abandonner leurs foyers, et près de 6,5 millions dépendent désormais de l’aide internationale pour survivre.

Cette crise, qui affecte chaque aspect de la vie burkinabée, n’épargne pas le secteur culturel, lui aussi frappé de plein fouet par les répercussions économiques et sécuritaires.

Pourtant, les Récréatrales, au-delà de leur mission artistique, se sont affirmées comme un espace de résistance et de résilience, permettant à la population d’affirmer, par la culture et l’art, leur détermination à ne pas céder face aux forces de destruction.

Aristide Tarnagda, Directeur des Récréâtrales
Aristide Tarnagda, Directeur des Récréâtrales

Aristide Tarnagda : Un artiste au service de la résilience

Aristide Tarnagda, le directeur artistique du festival, a été l’artisan de cette initiative courageuse. Convaincu que le théâtre a un rôle central à jouer dans le contexte de crise, il a tenu à maintenir l’édition malgré les menaces pesant sur la sécurité. « Le théâtre est une affirmation de la primauté de la vie sur la mort », a-t-il déclaré avec conviction. Pour lui, chaque représentation, chaque répétition et chaque rire partagé représente une victoire de la vie sur la violence, une manière de refuser la déshumanisation qui accompagne souvent les conflits.

Cette année, le festival s’est articulé autour d’un thème porteur d’espoir : « Tourner le visage vers le soleil ». Un slogan qui sonne comme une exhortation collective à ne pas se laisser abattre, à regarder vers l’avenir et à trouver, même dans les pires circonstances, la force de reconstruire. Tarnagda voit dans cet événement un moyen de rappeler que l’art n’est pas un luxe, mais une nécessité, un remède pour l’âme dans les moments de désespoir. Pour lui, le théâtre est un acte de résistance face aux forces qui menacent d’étouffer le peuple burkinabé et ses aspirations.

Recreatrales-Dans une des rues du quartier Boussoumtenga de Ouagadougou
Recreatrales-Dans une des rues du quartier Boussoumtenga de Ouagadougou

Un quartier transformé en scène à ciel ouvert

Pendant les Récréatrales, les rues du quartier de Bougsemtenga ont pris les allures d’un monde onirique. Les ruelles poussiéreuses se sont métamorphosées en scènes improvisées où la musique, la danse et les performances théâtrales se mêlaient aux éclats de rire et aux applaudissements. Les habitants et les festivaliers ont pu découvrir des œuvres profondes, abordant aussi bien les thématiques locales de survie et de solidarité que des questionnements universels sur la condition humaine et la quête de liberté.

Ces dix jours ont ainsi permis aux participants, mais aussi aux habitants, de ressentir l’effervescence d’un festival international, un moment où la violence semblait suspendue, laissant place à une célébration de la vie et de la création.

Dans les regards des spectateurs, on pouvait lire de l’émerveillement, une émotion précieuse pour un public dont la vie quotidienne est marquée par la précarité et la peur.

L'art comme forme de résistance

Les Récréatrales incarnent une forme de résistance culturelle face à la terreur qui se propage dans le Sahel. Ce festival rappelle que la culture est une arme puissante contre le désespoir, capable de redonner une dignité et une humanité à ceux que la guerre a plongés dans l’oubli et l’incertitude. Pour les participants, qu’ils soient acteurs ou spectateurs, la scène devient un espace d’expression et de guérison. À travers le théâtre, ils retrouvent une voix pour exprimer ce qui, dans leur vie quotidienne, est parfois refoulé, faute d’écoute ou par crainte de représailles.

Pour Fanta et bien d’autres, chaque scène jouée est une chance de transcender la douleur, de transformer les souvenirs amers en un dialogue sincère avec le public. Le festival permet aussi aux habitants de la capitale de renouer avec des valeurs de solidarité et de partage, essentielles pour résister face aux menaces qui pèsent sur le pays.

Spectacle d'ouverture de la 13e édition des Récréâtrales, TOURNER LA FACE AU SOLEIL de Irène Tassembedo ©Passere Boureima
Spectacle d'ouverture de la 13e édition des Récréâtrales, TOURNER LA FACE AU SOLEIL de Irène Tassembedo ©Passere Boureima

Le théâtre comme espoir d’une réconciliation sociale

Dans un pays fracturé par les violences, où la méfiance envers les institutions et le sentiment d’abandon sont omniprésents, les Récréatrales offrent une possibilité de réconciliation sociale. En rassemblant des artistes, des habitants et des amateurs de théâtre venus de diverses régions et horizons, le festival tisse des liens entre les communautés. Ce brassage de publics participe d’une reconstruction symbolique d’une société burkinabée unie, résolument déterminée à ne pas laisser la peur l’emporter.

Les Récréatrales illustrent ainsi le potentiel immense de l’art pour insuffler un souffle de renouveau dans une société blessée. Face aux défis sécuritaires, aux pertes humaines et à l'exode massif des populations, cette célébration du théâtre rappelle que, malgré tout, le Burkina Faso demeure un pays où la lumière de la culture continue de briller, même au cœur de la tempête.

Conclusion : « Tourner le visage vers le soleil »

Cette édition des Récréatrales s’achève, laissant derrière elle une empreinte indélébile dans le cœur des participants et des spectateurs. Par-delà le tumulte et la violence, cet événement démontre la capacité de résilience d’un peuple qui refuse de céder à l’obscurité. Pour les Burkinabés, « tourner le visage vers le soleil » est plus qu’un simple thème : c’est un appel à puiser dans les ressources culturelles et communautaires pour trouver le courage d’affronter l’avenir.

Tandis que les rideaux se ferment sur une édition marquée par des moments de profonde émotion et de solidarité, les Récréatrales rappellent que la culture est un rempart contre la désolation, un souffle d’espoir et de résistance qui réaffirme la dignité humaine. Pour Fanta, Aristide et les milliers d’âmes courageuses du Burkina Faso, le théâtre est, et restera, une façon de rappeler que la vie triomphe toujours, même dans les épreuves les plus sombres.

RADIO TANKONNON 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents