Ouagadougou — Dans un contexte de crise alimentaire régionale, le gouvernement burkinabè a rappelé avec fermeté ce mercredi la nécessité de respecter l’interdiction d’exportation des céréales, une mesure instaurée depuis décembre 2023. Face aux tentatives persistantes de contournement de cette directive par certains commerçants, notamment en ce qui concerne le niébé, le riz, le mil, le maïs et le sorgho, les autorités multiplient les mises en garde et appellent à une vigilance accrue.
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Une mesure de sauvegarde face à la pénurie alimentaire
Le Burkina Faso, tout comme plusieurs autres pays de la région, fait face à une situation préoccupante marquée par une pénurie croissante de denrées alimentaires.
Des aléas climatiques, une dégradation continue des terres arables, et des conflits ayant déplacé des centaines de milliers de personnes, ont accentué la pression sur les ressources alimentaires nationales.
Dans un souci de sécurité alimentaire et pour pallier les risques d’insuffisance dans l’approvisionnement local, le gouvernement avait pris une décision radicale : suspendre toute exportation de céréales.
La mesure, stipulée dans le communiqué conjoint n°023-0017 du 19 décembre 2023 et signé par le ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat (MDICAPME), le ministère de l’Agriculture et des Ressources Halieutiques (MARAH), le ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) ainsi que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF), vise à garantir un approvisionnement stable pour la population burkinabè. En interdisant temporairement la sortie du territoire de ces produits de base, l’État entend ainsi freiner l’exportation massive de céréales pour éviter une flambée des prix qui aurait des conséquences dévastatrices pour les plus vulnérables.
Des manquements persistants et des avertissements renforcés
Malgré cette interdiction formelle, des commerçants continuent à faire fi de la réglementation. La filière du niébé, en particulier, demeure marquée par des tentatives répétées d’exportation illégale, exploitant les brèches dans les contrôles ou les régions moins surveillées.
violations constituent une menace directe pour la sécurité alimentaire nationale et ont conduit le gouvernement à rappeler que « l’exportation du niébé et des céréales (riz, mil, maïs, sorgho) reste toujours interdite sur toute l’étendue du territoire national ».
À travers un communiqué diffusé ce mercredi, le gouvernement a donc réitéré l’importance pour les opérateurs économiques et les services techniques de l’État de respecter scrupuleusement cette mesure. Cet appel se veut clair et résolu : il s’agit d’une priorité nationale, et aucune tolérance ne sera accordée aux contrevenants.
Des sanctions sévères pour les contrevenants
Afin de décourager tout manquement à cette interdiction, les autorités ont annoncé que tout contrevenant s’exposerait à des sanctions strictes. Bien que la nature précise des pénalités n’ait pas été spécifiée dans le communiqué, la réglementation en vigueur prévoit des mesures sévères pour ceux qui contreviennent aux directives étatiques, notamment en matière d’exportation.
Cela pourrait aller de fortes amendes à la saisie des marchandises en infraction, voire à des poursuites judiciaires en cas de récidive ou de contournement délibéré.
La mobilisation citoyenne au cœur de la lutte contre l’exportation illégale
Conscient de la difficulté d’assurer une surveillance complète sur l’ensemble du territoire, le gouvernement fait également appel à la vigilance citoyenne pour endiguer ce phénomène. Il a mis à disposition des numéros verts gratuits (80 00 11 84, 80 00 11 85, et 80 00 11 86), invitant la population à signaler tout cas de non-respect de cette interdiction. Cette initiative témoigne d’un effort inclusif visant à impliquer la communauté dans la protection des ressources alimentaires nationales.
L’appel aux citoyens traduit également une volonté de renforcer la transparence et de susciter un engagement collectif. En sollicitant ainsi l’aide de la population, le gouvernement envoie un signal fort : la lutte pour la sécurité alimentaire n’est pas seulement l’affaire de l’État, mais bien celle de chaque Burkinabè. Par cette démarche, l’État espère intensifier la pression sur les commerçants récalcitrants, en augmentant les risques de détection et les dénonciations par la société civile.
Un équilibre à trouver entre économie et sécurité alimentaire
Les exportations de céréales et de niébé constituent, pour certains commerçants, une source de revenus importante. La demande en provenance des pays voisins, également touchés par des pénuries, a souvent poussé ces acteurs économiques à rechercher des débouchés extérieurs. Toutefois, l’État burkinabè se trouve face à un impératif de régulation pour assurer l’équilibre entre les besoins de la population et les ambitions commerciales.
Cette interdiction n’est pas une mesure isolée. Elle s’inscrit dans un ensemble de stratégies mises en place par le gouvernement pour renforcer la production agricole nationale et minimiser la dépendance vis-à-vis des importations.
Des projets d’irrigation, des programmes d’aide aux petits agriculteurs et des initiatives visant à renforcer la résilience face aux aléas climatiques sont autant de mesures qui, à long terme, pourraient permettre de stabiliser la production alimentaire locale.
Vers une meilleure planification de la production céréalière
Le gouvernement burkinabè entend également utiliser cette période de restriction pour optimiser les systèmes de stockage, de distribution et de suivi de la production céréalière. Il aspire à une gestion plus rigoureuse des flux de denrées pour prévenir les situations de crise future, notamment en matière de prix sur le marché intérieur. En effet, la volatilité des prix, accentuée par la spéculation, représente un danger pour la stabilité alimentaire.
Pour atteindre cet objectif, l’État envisage de renforcer ses partenariats avec des organisations internationales telles que la FAO, la CEDEAO et d’autres acteurs du secteur agricole. Ces collaborations sont essentielles pour améliorer les infrastructures de stockage, accroître la mécanisation de l’agriculture et renforcer les capacités des petits producteurs, qui constituent le pilier de la production céréalière burkinabè.
Une solidarité régionale en temps de crise
Dans un contexte où plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest subissent également des pénuries alimentaires, la décision du Burkina Faso peut être perçue comme un choix difficile mais nécessaire.
Elle vise, d’une part, à renforcer la résilience interne en matière de sécurité alimentaire, et, d’autre part, à encourager une concertation régionale pour éviter que les interdictions d’exportation ne conduisent à des tensions diplomatiques. En effet, la coopération avec les voisins pour trouver des solutions communes aux défis de l’insécurité alimentaire demeure essentielle pour la stabilité de la région.
Conclusion : une lutte nationale pour la souveraineté alimentaire
En réaffirmant avec force l’interdiction d’exportation de céréales, le gouvernement burkinabè envoie un message clair : garantir la souveraineté alimentaire est une priorité absolue, et aucune transgression ne sera tolérée. Cette mesure, bien que restrictive, traduit une volonté de protéger les Burkinabè les plus vulnérables, en assurant un approvisionnement constant et en évitant l’inflation des prix des denrées de base.
Le Burkina Faso, confronté aux défis croissants du changement climatique et de la volatilité des marchés, se dote ainsi des moyens de faire face aux crises alimentaires, en prenant des décisions pragmatiques et en appelant à l’implication de tous. Par cette mobilisation, le pays réaffirme son engagement pour une sécurité alimentaire durable, fondée sur la solidarité nationale et la vigilance collective.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon