Ouagadougou, 8 novembre 2024 — Le Burkina Faso pleure la disparition de Me Frédéric Titinga Pacéré, figure emblématique du barreau et immense homme de culture, décédé à l’âge de 82 ans. Celui qui était considéré comme le doyen des avocats burkinabè et une voix singulière du monde artistique et littéraire africain a tiré sa révérence, laissant derrière lui un héritage indélébile, tant sur le plan juridique que culturel.
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Me Pacéré incarnait une rare synthèse de talents et d’engagements qui transcendait les générations. Avocat chevronné, écrivain prolifique, poète et penseur, il était aussi un pionnier dans la préservation du patrimoine culturel de son pays, profondément attaché aux valeurs et traditions des peuples du Burkina Faso. Son parcours, empreint de dévouement et d’humanisme, a fait de lui un repère dans le paysage national et une voix respectée sur la scène internationale.
Une carrière juridique exemplaire
Le parcours de Me Pacéré dans le domaine du droit témoigne d’un engagement sans faille pour la justice et la défense des plus vulnérables. Formé dans les plus prestigieuses universités, Me Pacéré a intégré le barreau dans les années 1970, devenant l’un des tout premiers avocats du Burkina Faso. Son approche rigoureuse et sa profonde éthique professionnelle ont rapidement fait de lui une figure incontournable de la justice burkinabè.
Me Pacéré se distinguait par une éloquence puissante et un sens de la répartie aiguisé. Défenseur de nombreux dossiers emblématiques, il a su s'imposer dans des affaires complexes, y compris des dossiers politiques sensibles, dans un contexte souvent marqué par des tensions et des turbulences. Sa rigueur et son sens aigu de l’équité l’ont conduit à devenir le doyen des avocats du pays, mentor et exemple pour plusieurs générations de juristes et d’avocats burkinabè.
Au-delà de son rôle au barreau, Me Pacéré fut un ardent défenseur de l’indépendance de la justice et des droits de l’homme, prônant inlassablement la dignité et la justice sociale. Son intégrité et son courage en ont fait un homme respecté, tant par ses collègues que par ses adversaires. "Un avocat de cette trempe ne se fabrique pas ; il est l'incarnation de la noblesse même du droit," témoigne un de ses collègues, bouleversé par la nouvelle de sa disparition.
Un poète, gardien de la mémoire culturelle
Parallèlement à sa carrière juridique, Me Frédéric Titinga Pacéré s’est imposé comme un véritable phare culturel au Burkina Faso. Passionné par les arts et la littérature, il s’est consacré dès son jeune âge à l’écriture, publiant des œuvres poétiques et des essais profondément ancrés dans la tradition orale et la culture burkinabè. Écrivain prolifique, il laisse une œuvre foisonnante de plus d'une trentaine de livres, parmi lesquels des recueils de poèmes, des récits, des essais et des réflexions sur la culture africaine.
Dans ses œuvres, Me Pacéré explorait des thèmes qui lui étaient chers : la sagesse ancestrale, l’histoire des peuples mossi, l’amour pour la terre natale, et la quête de justice. Ses textes, empreints de poésie et de sagesse, sont des témoins de la richesse culturelle du Burkina Faso, mais aussi des luttes d'un continent à la recherche de son identité. "Les voix du Sahel", l'un de ses ouvrages les plus connus, est souvent étudié pour sa profondeur et la beauté de son style. Pour Me Pacéré, la culture était une arme pour sensibiliser, éveiller les consciences et résister aux défis de la modernité.
Un pilier de la préservation du patrimoine culturel
Me Pacéré ne se contentait pas de chanter la culture burkinabè dans ses poèmes et écrits ; il l’a également sauvegardée de manière concrète. En 2003, il fonde le Musée de Manéga, situé dans la province de l’Oubritenga, un espace unique en son genre au Burkina Faso, destiné à la préservation de l’héritage culturel et artistique. Ce musée, érigé à la gloire des traditions africaines, abrite des milliers d’artefacts et de sculptures, ainsi que des instruments de musique traditionnelle, tous témoignages de la diversité et de la richesse des cultures burkinabè.
Le musée de Manéga incarne la vision de Me Pacéré : une Afrique qui préserve son identité tout en s’ouvrant au monde. Pour lui, la culture n'était pas seulement une question de passé, mais un élément essentiel pour comprendre le présent et préparer l’avenir. Il croyait que la sauvegarde des traditions passait par leur mise en valeur auprès des jeunes générations, pour qui il espérait un avenir dans lequel elles pourraient se réapproprier leur histoire.
Me Pacéré militait aussi pour la reconnaissance de la sagesse traditionnelle dans le monde moderne. Par ses écrits et ses actions, il invitait les intellectuels africains à ne pas renier leurs racines, à trouver dans les coutumes ancestrales une source d’inspiration et de solutions pour les défis contemporains. Sa mort laisse un vide immense dans le paysage culturel, et son musée demeure un témoignage de sa passion pour la transmission du savoir et des valeurs africaines.
Un héritage humain et intellectuel incommensurable
La disparition de Me Frédéric Titinga Pacéré marque la fin d’une époque, celle d’une génération d’intellectuels africains pour qui l’art, la culture et le droit étaient des moyens de lutte pour la dignité humaine. Homme humble malgré son aura, il était respecté pour sa capacité à unir les disciplines, à lier le juridique au culturel, et à mener des batailles aussi bien devant les tribunaux que dans les arènes littéraires.
L’impact de Me Pacéré dépasse largement les frontières du Burkina Faso. Sa voix, souvent invitée dans des conférences internationales, portait haut les valeurs africaines de respect, de justice et d’humanité. Ses collègues, disciples et admirateurs reconnaissent en lui un homme d’une générosité rare, profondément ancré dans l’âme de son peuple, et dont les actions, tout comme les écrits, continueront à inspirer des générations futures.
L’Association des Avocats du Burkina Faso lui rendra hommage lors d’une cérémonie nationale à Ouagadougou, où les autorités politiques, les artistes, et les nombreux anonymes qu’il a touchés de près ou de loin viendront honorer sa mémoire. Les jeunes avocats qui l’ont côtoyé soulignent qu’il restera pour eux un modèle indéfectible d’intégrité et d’engagement. "Me Pacéré a su incarner la dignité africaine et la justice avec un sens aigu de la responsabilité," témoigne l’un d’entre eux.
Conclusion : un départ qui invite à la réflexion
La disparition de Me Frédéric Titinga Pacéré est un rappel puissant de l’importance du patrimoine humain dans l’évolution d’un pays. Il nous laisse l’héritage d’un Burkina Faso fier de ses traditions et de ses valeurs, prêt à affronter les défis du monde moderne sans oublier ses racines. En tant qu’avocat et homme de lettres, il a prouvé que le droit et la culture ne sont pas des sphères isolées, mais des leviers pour le progrès social et humain.
Le Burkina Faso, en deuil, honore la mémoire d’un homme qui a voué sa vie à la justice et à la beauté de la culture africaine. Que son exemple serve de phare à ceux qui, demain, marcheront dans ses pas pour perpétuer les valeurs de liberté, de respect et de vérité, des valeurs pour lesquelles il s’est battu avec une ferveur inégalée.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon