Ouagadougou – En cette fin d’année, le Burkina Faso franchit une étape majeure dans sa quête de réconciliation nationale et de réforme pénitentiaire. Le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a pris la décision courageuse d’accorder une grâce présidentielle à près de 1 200 détenus, marquant ainsi un signal fort en faveur de la justice réparatrice et du désengorgement des établissements pénitentiaires. Cette mesure, approuvée ce lundi 30 décembre par l’Assemblée Législative de Transition (ALT), s’accompagne de l’adoption d’une loi portant amnistie pour les évènements des 15 et 16 septembre 2015, consolidant ainsi une approche équilibrée entre justice et réconciliation.
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Un geste humanitaire aux multiples impacts
La grâce présidentielle annoncée le 26 décembre 2024 par le capitaine Traoré est une mesure ambitieuse qui s’inscrit dans un contexte marqué par la surpopulation carcérale et les défis croissants liés à la réinsertion sociale des détenus. Selon les détails communiqués, cette décision concerne :
- 400 détenus bénéficiant d’une remise totale de peine, leur permettant de retrouver la liberté à compter du 1er janvier 2025 ;
- 750 détenus bénéficiant d’une remise partielle de peine, réduisant significativement leur durée d’incarcération ;
- Trois condamnés à perpétuité dont les peines seront commuées en des peines à temps, ouvrant ainsi la possibilité d’un avenir hors des murs carcéraux.
Pour le ministre de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, cette initiative répond à une double nécessité : désengorger les établissements pénitentiaires et offrir une seconde chance aux individus ayant purgé une partie de leur peine. « Ces mesures concourent à la vision du Chef de l’État, qui est de réduire la surpopulation carcérale et de permettre à ces citoyens de contribuer activement au développement de notre pays », a-t-il déclaré lors de la session parlementaire.
L’adoption d’une loi d’amnistie pour tourner la page des divisions
En parallèle de la grâce présidentielle, l’ALT a adopté à une large majorité (67 voix pour et 3 abstentions) le projet de loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante, relatif aux évènements des 15 et 16 septembre 2015. Ces journées avaient été marquées par des troubles majeurs dans l’histoire récente du Burkina Faso, laissant derrière elles des fractures sociales et politiques profondes.
Selon le ministre Bayala, cette loi ne remet en rien en question les acquis de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, qui avait porté un souffle de renouveau démocratique dans le pays. « Sur les 63 personnes concernées, seules neuf demeurent encore incarcérées. Elles devront soumettre une demande formelle pour bénéficier de la grâce amnistiante, et chaque dossier sera examiné avec rigueur », a précisé le ministre.
Cette démarche s’inscrit dans une logique de réconciliation nationale, en permettant de solder les comptes du passé tout en garantissant un équilibre entre justice et pardon.
Réduction de la surpopulation carcérale : une priorité nationale
Le Burkina Faso fait face à une surpopulation carcérale chronique, qui entrave le bon fonctionnement de ses établissements pénitentiaires et complique la mise en œuvre de programmes de réhabilitation. Les prisons burkinabè, initialement conçues pour accueillir environ 5 000 détenus, en abritent aujourd’hui près du double.
La grâce présidentielle et l’amnistie législative représentent donc des leviers cruciaux pour désengorger ces structures. Cependant, elles ne suffisent pas à résoudre les problématiques structurelles du système pénitentiaire. Selon des experts, des réformes profondes sont nécessaires, notamment :
- La modernisation des infrastructures carcérales ;
- Le renforcement des programmes de réinsertion sociale et professionnelle ;
- La promotion de sanctions alternatives, comme les travaux d’intérêt général, pour les délits mineurs.
Un débat citoyen autour de la réconciliation
Dans les rues de Ouagadougou, cette annonce suscite des réactions variées. Si certains saluent un geste audacieux et humanitaire, d’autres expriment des inquiétudes quant à ses implications sécuritaires et politiques.
Pour Adama Ouédraogo, étudiant en droit, « cette décision est un signal fort. Elle montre que le Burkina Faso est capable de pardonner et de tourner la page des divisions passées. »
À l’inverse, Aminata Diallo, militante des droits des victimes, reste sceptique : « Il est essentiel que la justice soit rendue avant d’accorder une amnistie. Les victimes ont le droit de voir leurs souffrances reconnues. »
Un pas décisif vers un Burkina Faso réconcilié
En prenant ces décisions historiques, le président Ibrahim Traoré et l’ALT réaffirment leur engagement à bâtir un Burkina Faso résilient et solidaire. Ces mesures, bien que contestées par certains, témoignent d’une volonté politique claire de renforcer la cohésion sociale tout en respectant les principes de justice.
Alors que le pays continue de faire face à des défis sécuritaires et économiques majeurs, ce geste pourrait constituer un jalon important pour restaurer la confiance entre les citoyens et leurs institutions.
L’année 2025 s’annonce comme celle de la réconciliation et de la reconstruction pour le Burkina Faso, avec l’espoir que cette dynamique de pardon et de justice pave la voie vers un avenir plus uni et prospère.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon