Le 22 décembre 2024, depuis Bamako, la Confédération des États du Sahel (AES), par la voix de son président en exercice, le Général d’Armée Assimi Goïta, a publié une déclaration empreinte de gravité, dénonçant les manœuvres de déstabilisation orchestrées, selon elle, par des puissances étrangères et leurs alliés régionaux. À travers un discours sans ambiguïté, le Collège des Chefs d’État de l’AES a réaffirmé son engagement à défendre la souveraineté de ses membres face à des velléités néocoloniales persistantes.
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Un contexte de rupture avec la CEDEAO
Créée le 6 juillet 2024 après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’AES incarne un tournant stratégique et idéologique pour ces nations sahéliennes. Cette initiative repose sur un rejet de ce que les trois États perçoivent comme une ingérence systématique et une subordination aux intérêts des puissances étrangères, notamment de la France.
Le 14 décembre 2024, l’AES avait réitéré le caractère immédiat et irrévocable de ce retrait, dénonçant la tentative de prorogation de six mois proposée par la CEDEAO, qu’elle qualifie de manœuvre dilatoire visant à freiner l’élan souverainiste de ses membres. Cette décision, perçue comme une violation des principes de souveraineté, a ravivé les tensions entre les deux blocs.
Les accusations de déstabilisation et les menaces sécuritaires
Dans sa déclaration, l’AES a pointé du doigt des « manœuvres de déstabilisation » orchestrées par des « acteurs à la solde d’intérêts étrangers », notamment la France, accusée de soutenir des initiatives contraires à la stabilité régionale. Selon le Collège des Chefs d’État, ces actions incluent :
- La réorganisation de groupes armés : Des regroupements de factions terroristes seraient en cours dans des zones stratégiques telles que le bassin du lac Tchad et certaines frontières clés (Niger-Nigeria, Niger-Bénin, Bénin-Burkina Faso). Ces groupes bénéficieraient de financements et de soutiens logistiques étrangers.
- Une présence militaire déguisée : L’AES dénonce la fermeture annoncée des bases françaises dans certains pays africains comme un leurre, ces retraits étant remplacés par des dispositifs militaires moins visibles mais tout aussi intrusifs.
Ces accusations s’inscrivent dans une rhétorique plus large de dénonciation du néocolonialisme, mettant en avant une volonté commune de ces États de s’affranchir de toute tutelle étrangère.
Des mesures fermes et un appel à la mobilisation populaire
Face à ce qu’elle qualifie de « gravité des faits », la Confédération a annoncé une série de mesures destinées à renforcer sa posture stratégique et sécuritaire :
- Alerte maximale des forces armées : Les forces de défense et de sécurité des trois pays sont désormais placées en état d’alerte maximale, prêtes à répondre à toute menace interne ou externe.
- Théâtre unique d’opérations militaires : L’espace confédéral est désormais considéré comme un unique théâtre d’opérations militaires, une stratégie visant à coordonner les efforts régionaux tout en maintenant les initiatives nationales en cours.
- Appel à la vigilance citoyenne : Le Collège a exhorté les populations à redoubler de vigilance, en dénonçant systématiquement tout fait suspect et en rejetant fermement toute tentative d’enrôlement par des groupes terroristes.
Une vision commune pour un avenir souverain
Depuis sa création, l’AES s’est positionnée comme un contre-modèle régional, prônant une dynamique souverainiste et un refus catégorique des agendas dictés par des puissances extérieures. Cette vision est portée par trois figures emblématiques : le Capitaine Ibrahim Traoré (Burkina Faso), le Général d’Armée Assimi Goïta (Mali) et le Général de Brigade Abdourahamane Tiani (Niger).
Dans un contexte marqué par une crise sécuritaire persistante, ces chefs d’État ont entrepris de renforcer la coopération militaire, tout en s’attaquant aux causes profondes de l’instabilité, notamment la pauvreté et le sous-développement.
Défis et perspectives
La déclaration du 22 décembre met en lumière les défis colossaux auxquels l’AES est confrontée : gérer des tensions avec la CEDEAO, répondre à des menaces sécuritaires multiples et affronter des pressions diplomatiques internationales. Pourtant, elle illustre également la détermination des trois États à poursuivre leur quête d’autonomie politique et économique.
Pour ses partisans, l’AES représente une lueur d’espoir pour une Afrique sahélienne libérée des chaînes du passé colonial. Pour ses détracteurs, elle symbolise un isolement risqué, susceptible d’accentuer les défis économiques et sociaux des États concernés.
Fait à Bamako, le 22 décembre 2024, cette déclaration constitue un jalon supplémentaire dans la quête d’une souveraineté sahélienne assumée. Face aux défis colossaux qui l’attendent, la Confédération des États du Sahel devra prouver que son modèle peut non seulement résister aux pressions externes, mais aussi répondre efficacement aux aspirations de ses peuples.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon