En 2023, l'absence d'Henri Konan Bédié, figure historique du paysage politique ivoirien, a ouvert un nouveau chapitre dans le jeu de pouvoir en Côte d'Ivoire. Le décès de l'ancien président et leader du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) a laissé un vide, rendant la scène politique encore plus fébrile à l’approche de la présidentielle de 2025. Dans ce contexte de transition, Alassane Ouattara, actuel président, et Laurent Gbagbo, son éternel rival, se trouvent à l’épicentre d'une lutte de pouvoir qui pourrait bouleverser la stabilité politique du pays. La période qui précède le scrutin est marquée par des tensions persistantes et des incertitudes quant à la direction que prendra la Côte d'Ivoire.

Le duel entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo : Entre conservations du pouvoir et retour en scène
La rivalité entre Ouattara et Gbagbo est désormais un des moteurs principaux de la politique ivoirienne. Le président sortant, toujours en quête de légitimité, cherche à conserver le contrôle du pouvoir, en particulier en maintenant son hégémonie sur les institutions clés du pays. Cependant, son adversaire historique, Laurent Gbagbo, après une décennie d’exil et un acquittement par la Cour pénale internationale, entend revenir sur la scène politique. Mais son retour semble semé d’embûches. Bien que Gbagbo ait été acquitté par le tribunal international, il reste condamné en Côte d'Ivoire, ce qui l’a privé de ses droits civiques, y compris son droit de participer à la prochaine élection présidentielle. Cela constitue un obstacle de taille à son projet de revenir au pouvoir.
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Dans cette lutte acharnée, l’enjeu est de taille. Laurent Gbagbo, par l’intermédiaire de son parti, le Front Populaire Ivoirien (FPI), espère que l’adoption d’une loi d’amnistie pourrait lever cette condamnation. Un espoir qui reste fragile face à un Alassane Ouattara qui, bien qu’étant un probable candidat à sa propre succession, ne semble pas prêt à accorder une telle faveur à son principal challenger, au risque de renforcer une opposition déjà farouche. L’incertitude demeure quant à savoir si cette loi d’amnistie sera effectivement adoptée, mais la bataille qui s’annonce entre les deux hommes est indéniablement cruciale pour l’avenir du pays.
À l’heure actuelle, l’équipe politique de Laurent Gbagbo semble maintenir sa stratégie de résistance. Son parti reste actif et refuse de parler d’un « plan B », préférant parier sur une annonce politique majeure à l’occasion du discours présidentiel du Nouvel An. Le FPI continue ainsi de rêver à un retour en force, en espérant que la situation se débloque en leur faveur avant la publication de la liste électorale prévue pour le premier trimestre 2025. Le suspense est total, mais une question subsiste : dans quelle mesure Ouattara serait-il prêt à offrir un tel cadeau politique à un homme qui a été son adversaire durant toute la décennie de crise?
L'émergence d’une nouvelle génération politique : Le passage de flambeau
À côté de ce face-à-face entre anciens, la Côte d'Ivoire voit aussi poindre une nouvelle génération de leaders politiques, impatients de prendre le relais après trois décennies d’hégémonie de Ouattara et Gbagbo. Ces nouveaux visages, bien que non totalement inconnus du paysage politique ivoirien, incarnent un désir de changement, de réformes profondes et de redynamisation du pays sur le plan politique, économique et social. Parmi eux, plusieurs personnalités se distinguent déjà comme de potentiels candidats à la présidence.

Simone Ehivet Gbagbo : L'ambition d'une femme de pouvoir
Simone Ehivet Gbagbo, ex-première dame et ex-épouse de Laurent Gbagbo, a annoncé sa candidature à la présidence de la République en novembre 2024, après avoir reçu l'investiture du Mouvement des Générations Capables (MGC), le parti qu’elle dirige. Loin d’être une simple héritière de l'héritage de son mari, Simone Gbagbo a forgé son propre chemin et souhaite désormais diriger le pays. Son programme de campagne est centré sur plusieurs points essentiels : la réconciliation nationale, l’amnistie pour les prisonniers politiques, la souveraineté alimentaire et l’industrialisation du pays. Forte de son expérience aux côtés de son mari durant les événements de la crise post-électorale de 2010-2011, elle entend incarner l’espoir d’une réconciliation véritable, mais aussi un changement dans la gouvernance du pays. Son combat pour l’accession à la présidence est ambitieux, mais l’opposition reste féroce, et son pari sera de convaincre les Ivoiriens que sa vision peut transformer le pays.
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Tidjane Thiam : Le technocrate au service de la réinvention économique
Au sein du PDCI, Tidjane Thiam, ancien directeur général du Crédit Suisse, se positionne également comme un prétendant naturel à la présidence. Sa nomination à la tête du parti après le décès d'Henri Konan Bédié a bouleversé le paysage politique de cette formation, avec une opposition interne qui n’a cessé de croître. Cependant, sa stature internationale et son expertise dans la gestion économique en font un concurrent redoutable. Dans sa vision pour la Côte d'Ivoire, Tidjane Thiam place l’Indice de Développement Humain (IDH) et le partage des richesses au cœur de son programme. Il s’agit pour lui de redresser l’économie, de diversifier les sources de croissance et d’offrir à la population des opportunités concrètes. Mais sa tâche est ardue : le PDCI, bien que traditionnellement fort, doit encore s’unir derrière lui pour faire face aux défis à venir.
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Jean-Louis Billon : Le poids lourd du PDCI
Jean-Louis Billon, homme d'affaires influent et ancien ministre du Commerce, ne compte pas non plus rester dans l’ombre. Membre actif du PDCI et cadre reconnu, Billon a d'ores et déjà fait connaître son intention de briguer la présidence en 2025. S'il parvient à surmonter les divisions internes du PDCI, il pourrait se positionner comme un concurrent sérieux. Sa politique économique se veut pragmatique, avec un accent particulier sur l'amélioration des conditions de vie des Ivoiriens et le développement des secteurs stratégiques pour le pays. Son arrivée en politique s’accompagne d'une ambition forte : restaurer l'image d'un PDCI capable de renouveler son leadership tout en restant fidèle à ses valeurs fondamentales.
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Pascal Affi N’Guessan : La voix du FPI
Ancien Premier ministre et président du Front Populaire Ivoirien (FPI), Pascal Affi N'Guessan reste une figure incontournable du paysage politique ivoirien. Bien que son influence ait été quelque peu réduite après la scission du FPI, il demeure un acteur clé dans la politique nationale. Son rapprochement avec Laurent Gbagbo est stratégique : il cherche à réunifier l’opposition et à repositionner le FPI dans une dynamique de conquête du pouvoir. S’il parvient à maintenir son autorité au sein de son propre camp, et à rallier d’autres forces de gauche, Affi pourrait incarner l’alternative au duo Ouattara-Gbagbo, mais cela dépendra en grande partie des décisions politiques que prendra Laurent Gbagbo lui-même.
Un avenir incertain, mais crucial
Le mois de novembre 2024 marque un tournant décisif dans la préparation des élections de 2025. Tandis que la Côte d'Ivoire attend le sort de Laurent Gbagbo, et que les partis se préparent à des batailles internes, la question du passage de flambeau reste ouverte. La concurrence est féroce, et l’issue de cette élection présidentielle pourrait bien redéfinir les contours de la politique ivoirienne pour les décennies à venir.
Que ce soit par la reconduction de l'ancien duo Ouattara-Gbagbo, ou par l’avènement d’un leader de la nouvelle génération, la Côte d'Ivoire se trouve à un carrefour. Le choix des Ivoiriens en 2025 déterminera non seulement l’avenir immédiat du pays, mais aussi la trajectoire à long terme d’une nation en pleine mutation. Le défi est de taille, mais les regards sont désormais tournés vers l’issue d’une élection qui pourrait bien redéfinir les rapports de force sur la scène politique ivoirienne.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon