Côte d’Ivoire : à l’orée de la présidentielle de 2025, un paysage politique en pleine ébullition

Publié par RADIO TAN KONNON sur 22 Décembre 2024, 06:47am

Catégories : #ANALYSE

Abidjan – Si l’échéance d’octobre 2025 peut sembler encore lointaine, la Côte d’Ivoire vit déjà au rythme des tractations, des ambitions affichées ou feutrées, et des stratégies d’alliances. Avec une scène politique aussi polarisée que fragmentée, cette présidentielle s’annonce cruciale, non seulement pour la stabilité du pays, mais aussi pour son avenir démocratique. Décryptage des enjeux et des acteurs qui marqueront cette bataille électorale.

Le suspense autour d’Alassane Ouattara : une décision attendue

À 82 ans, le président Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, reste au centre de toutes les attentions. La question d’une éventuelle candidature pour un quatrième mandat divise l’opinion publique et agite les cercles politiques.

Maître des horloges, maître du temps : tel est le portrait que dresse François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, du chef de l’État ivoirien. Selon ses proches, cités par Florence Richard dans le numéro de janvier de Jeune Afrique, la décision d’Alassane Ouattara ne serait pas encore arrêtée. Cependant, des indices laissent penser qu’il pourrait briguer un nouveau mandat.

« Qu’il le fasse dans le sens de la continuité ne m’étonnerait pas, » estime François Soudan. Mais une telle candidature soulèverait des interrogations, notamment sur les implications constitutionnelles et l’impact sur l’équilibre politique du pays.

Le chef de l’État, s’il décidait de se représenter, pourrait compter sur le soutien d’une partie du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), dont il reste la figure tutélaire. Mais cette décision pourrait également raviver les tensions politiques, notamment avec l’opposition et une partie de la société civile, qui dénoncent déjà une éventuelle dérive autocratique.

Le PDCI entre réformes internes et ambitions contrariées

À l’opposé du RHDP, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), longtemps parti dominant de la scène politique ivoirienne, tente de se réinventer sous la direction de Tidjane Thiam, élu à sa tête en décembre dernier. Figure internationalement reconnue pour sa carrière dans la finance, Thiam incarne une forme de renouveau pour le PDCI, mais il fait face à des défis de taille.

Le premier obstacle est d’ordre juridique : Tidjane Thiam devra renoncer à sa nationalité française pour se conformer aux exigences constitutionnelles ivoiriennes. Ce processus, bien qu’administratif, est scruté avec attention par ses adversaires et pourrait constituer une première épreuve politique.

Le second défi réside dans les rivalités internes. Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce et membre influent du PDCI, a exprimé son intention de se présenter à la présidentielle, fragmentant ainsi le camp du parti. Ces dissensions pourraient affaiblir les chances du PDCI de constituer une alternative crédible face au RHDP.

La gauche ivoirienne : une myriade de candidatures

La gauche ivoirienne, marquée par un passé tumultueux, se trouve à un carrefour historique. Les ambitions s’y multiplient, mais les divisions semblent insurmontables.

Pascal Affi N’Guessan © Bruno Lévy pour JA

Pascal Affi N’Guessan, leader reconnu du Front populaire ivoirien (FPI), entend briguer la magistrature suprême, mais il devra composer avec d’autres figures historiques de la gauche. Parmi elles, Simone Ehivet Gbagbo, l’ex-épouse de Laurent Gbagbo, s’est affirmée comme une voix incontournable depuis la création de son propre mouvement, le Mouvement des Générations Capables (MGC).

Laurent Gbagbo lui-même, figure emblématique de la politique ivoirienne, reste un acteur incontournable. Acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) et revenu en Côte d’Ivoire en 2021, il conserve une base électorale fidèle, bien que sa popularité soit contestée dans certains cercles.

Enfin, Charles Blé Goudé, ancien ministre de la Jeunesse sous Laurent Gbagbo et leader des Jeunes Patriotes, a également annoncé ses ambitions présidentielles. S’il jouit d’un certain soutien populaire, notamment parmi les jeunes, ses divergences avec Gbagbo et Simone Ehivet Gbagbo risquent d’affaiblir la gauche dans son ensemble.

Une élection à haut risque pour la stabilité

La présidentielle de 2025 intervient dans un contexte de fragilité politique et sociale. Les plaies des crises post-électorales passées, notamment celles de 2010-2011, ne sont pas entièrement refermées. Le spectre des violences demeure, alimenté par des discours parfois belliqueux et une méfiance généralisée entre les principaux acteurs politiques.

Pour les électeurs ivoiriens, cette élection représente un espoir de consolidation démocratique, mais aussi une source d’inquiétude. La Commission électorale indépendante (CEI), souvent accusée de partialité, devra redoubler d’efforts pour garantir un scrutin transparent et inclusif.

Quelles perspectives pour l’après-2025 ?

Quelle que soit l’issue de cette élection, les défis à relever pour le prochain président sont immenses. La réconciliation nationale, la lutte contre la pauvreté, la diversification économique, et la gestion des tensions ethniques et régionales figurent parmi les priorités.

Au-delà des querelles partisanes, c’est l’avenir de la Côte d’Ivoire en tant que modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest qui est en jeu. Le scrutin de 2025 pourrait être un tournant historique pour ce pays au cœur de la région, à condition que tous les acteurs s’engagent dans un processus électoral pacifique et respectueux des institutions.

Pour les Ivoiriens, le temps des grandes décisions approche. Face aux incertitudes et aux ambitions, une chose est certaine : la présidentielle de 2025 sera déterminante pour écrire un nouveau chapitre de l’histoire politique du pays.

Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon