Une nouvelle tension diplomatique vient ébranler les relations entre la Côte d’Ivoire et le Niger, déjà fragilisées par les soubresauts politiques dans la sous-région ouest-africaine. Dans une vidéo diffusée par la télévision d’État nigérienne et largement relayée sur les réseaux sociaux, le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte au pouvoir au Niger, accuse les Forces armées de Côte d’Ivoire de contribuer à l’entraînement de prétendus irrédentistes nigériens réfugiés sur le territoire ivoirien. Ces accusations graves, proférées sans éléments probants, ont suscité une réponse ferme et catégorique d’Abidjan, par la voix du général de corps d’armée Lassina Doumbia, chef d’État-major général des armées ivoiriennes.

Un démenti catégorique et une mise au point ferme
Dans un communiqué rendu public ce samedi 28 décembre 2024, le général Lassina Doumbia a rejeté en bloc les affirmations du général Abdourahamane Tiani. Se disant profondément préoccupé par les accusations portées, il a déclaré :
« La gravité des accusations portées, le média choisi et la personnalité de l'orateur commandent une mise au point afin de dissiper les doutes que pourrait susciter cette succession de contre-vérités. Les Forces armées de Côte d’Ivoire, qui demeurent concentrées sur la défense et la sécurité de la Côte d’Ivoire, s'inscrivent en faux contre ces graves accusations proférées sans aucun début de preuve par le chef de la junte au Niger. »
Ce démenti, teinté de fermeté, souligne le caractère infondé des accusations et réaffirme l’engagement des Forces armées ivoiriennes à se concentrer sur leur mission première : garantir la défense et la sécurité de leur territoire national.
Une tradition de coopération régionale mise en avant
Face à ces allégations jugées diffamatoires, le communiqué ivoirien a également tenu à rappeler l’attachement de la Côte d’Ivoire aux valeurs de coopération régionale et de solidarité entre les nations ouest-africaines :
« Fidèles à leur longue tradition de coopération avec les pays de la sous-région, les Forces armées de Côte d’Ivoire demeurent engagées à continuer à apporter leurs contributions à la paix et à la stabilité régionale. »
Cette mise au point s’inscrit dans une démarche visant à préserver les acquis de la collaboration sous-régionale, notamment dans un contexte marqué par la recrudescence des menaces sécuritaires liées au terrorisme et à l’instabilité politique.
Contexte et escalade des tensions
Depuis le coup d’État survenu au Niger le 26 juillet 2023, ayant porté le général Abdourahamane Tiani à la tête du pays, les relations du Niger avec plusieurs pays de la CEDEAO, dont la Côte d’Ivoire, sont devenues particulièrement tendues. L’accusation formulée contre les Forces armées ivoiriennes s’inscrit dans une série de déclarations polémiques émanant des nouvelles autorités nigériennes, souvent en désaccord avec les positions diplomatiques des États de la sous-région.
Dans l’interview diffusée par la télévision d’État nigérienne, le général Tiani accuse explicitement les autorités ivoiriennes d’héberger et de soutenir militairement des groupes qu’il qualifie de « prétendus irrédentistes nigériens », qu’il soupçonne de vouloir déstabiliser son régime.
Cependant, aucune preuve concrète n’a été présentée pour étayer ces affirmations, ce qui renforce l’interprétation selon laquelle cette sortie médiatique relève davantage de la surenchère politique que d’une réalité avérée.
Un appel à la responsabilité de Niamey
Dans sa réponse, le général Lassina Doumbia n’a pas manqué de rappeler à la junte nigérienne ses propres responsabilités sécuritaires, insinuant que les priorités de Niamey devraient être ailleurs :
« Nous exhortons les autorités militaires nigériennes à se focaliser sur leurs objectifs sécuritaires qui, malheureusement, sont pour l'heure loin d'être atteints. »
Ce rappel implicite met en lumière les défis sécuritaires persistants auxquels le Niger est confronté, notamment l’intensification des attaques jihadistes dans plusieurs régions du pays.
Une crise diplomatique évitable ?
La réponse des autorités ivoiriennes, bien que mesurée, traduit une volonté de ne pas laisser cette affaire miner davantage les relations bilatérales déjà fragilisées. Toutefois, cette montée en tension pose des questions sur les intentions réelles de la junte nigérienne. Cherche-t-elle à détourner l’attention des problèmes internes en pointant du doigt un prétendu ennemi extérieur ? Ou est-ce une stratégie de communication visant à galvaniser l’opinion publique nationale face à un sentiment d’encerclement diplomatique ?
Une coopération régionale mise à l’épreuve
Cette affaire intervient dans un contexte où la CEDEAO, organisation sous-régionale dont la Côte d’Ivoire est un acteur clé, continue de plaider pour le retour à l’ordre constitutionnel au Niger. La Côte d’Ivoire, sous la présidence d’Alassane Ouattara, a maintenu une position ferme contre les coups d’État militaires, ce qui l’a souvent mise en opposition directe avec les juntes au pouvoir dans la région.
Cependant, malgré ces différends, la Côte d’Ivoire a jusqu’ici évité les confrontations directes, préférant miser sur des initiatives diplomatiques pour résoudre les crises.
L’avenir des relations Abidjan-Niamey
Cette nouvelle crise met en lumière les défis d’une coexistence pacifique dans une sous-région marquée par des mutations politiques complexes. Si la Côte d’Ivoire a répondu avec fermeté mais diplomatie, l’évolution de cette affaire dépendra largement de la capacité des deux parties à privilégier le dialogue plutôt que l’escalade verbale.
Pour l’heure, les regards sont tournés vers Niamey, où les autorités militaires doivent démontrer leur volonté de se concentrer sur les priorités sécuritaires du pays, tout en évitant de jeter de l’huile sur le feu des relations bilatérales déjà fragiles.
La Côte d’Ivoire, pour sa part, reste fidèle à sa ligne de conduite : œuvrer pour la paix et la stabilité régionale, tout en protégeant fermement son honneur et ses intérêts.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon