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Crise en Afrique de l’Ouest : la CEDEAO face à la scission historique avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger

Publié par RADIO TAN KONNON sur 15 Décembre 2024, 18:31pm

Catégories : #ANALYSE

En ce dimanche 15 décembre 2024, Abuja, la capitale du Nigéria, est le théâtre d’un tournant majeur pour l’Afrique de l’Ouest. Les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunis en sommet extraordinaire, s’apprêtent à officialiser le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, trois membres fondateurs désormais rassemblés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Le Burkina Faso, le Niger et le Mali, tous confrontés à des insurrections djihadistes
Le Burkina Faso, le Niger et le Mali, tous confrontés à des insurrections djihadistes

Cette rupture, inédite dans l’histoire de l’organisation régionale, marque un séisme politique et diplomatique pour une région en quête de stabilité. Alors que les discussions s’intensifient, les enjeux vont bien au-delà des institutions, mettant en lumière des fractures profondes entre deux visions opposées du futur de l’Afrique de l’Ouest.

Une scission reportée, mais inévitable

Initialement prévue pour entrer en vigueur le 29 janvier 2025, la sortie des trois États sahéliens a été reportée d’un an, conformément aux recommandations du Parlement de la CEDEAO. Ce délai a été accordé pour aménager une transition ordonnée, notamment en ce qui concerne le sort des fonctionnaires sahéliens travaillant au sein des institutions de la communauté. Ces derniers disposent désormais d’un laps de temps pour organiser leur départ, avec la promesse d’indemnités substantielles.

Au-delà des questions administratives, la libre circulation des personnes et des biens entre la CEDEAO et les États sahéliens devient un enjeu crucial. La Côte d’Ivoire, par exemple, entretient des relations commerciales stratégiques avec le Mali, son troisième client mondial, avec des exportations annuelles dépassant les 909 milliards de F CFA. Le ministre ivoirien du Commerce a d’ailleurs souligné la nécessité de maintenir des relations économiques stables malgré la rupture institutionnelle.

Bassirou Diomaye Faye President du Senegal
Bassirou Diomaye Faye President du Senegal

Le rôle controversé de la médiation sénégalaise

Pour tenter de désamorcer cette crise, le Sénégal, représenté par le président Bassirou Diomaye Faye, a été mandaté en juillet 2024 comme médiateur. Ce choix s’est appuyé sur le profil du chef d’État sénégalais, démocratiquement élu et connu pour ses positions souverainistes et panafricanistes. Ces qualités semblaient en faire un candidat idéal pour renouer le dialogue avec les juntes militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Cependant, la médiation sénégalaise n’a pas produit les résultats escomptés. Bien que le diplomate chevronné Abdoulaye Bathily, chargé de cette mission, ait réussi à rencontrer le président burkinabè Ibrahim Traoré et le général malien Assimi Goïta en octobre, les avancées concrètes restent limitées. Lors de ces entrevues, Bathily a évoqué la nécessité d’un « raffermissement des relations bilatérales et multilatérales », mais les discussions n’ont pas abouti à des accords tangibles.

Au Forum de Doha, les 7 et 8 décembre derniers, le président Faye a insisté sur des « avancées », mais les détails précis de ces progrès restent flous. Certains diplomates de la région pointent du doigt un manque d’expérience de l’équipe sénégalaise sur ce dossier complexe, alors que les relations entre la CEDEAO et les États sahéliens continuent de se détériorer.

Les motivations des États sahéliens : émancipation et souveraineté

Pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger, cette sortie de la CEDEAO apparaît comme une étape décisive pour s’émanciper d’une organisation qu’ils considèrent comme partiale et influencée par des puissances étrangères. Les dirigeants sahéliens reprochent notamment à la CEDEAO ses sanctions économiques et diplomatiques imposées suite aux coups d’État militaires dans ces trois pays.

En créant l’Alliance des États du Sahel (AES), les trois nations visent à redéfinir les termes de leur coopération régionale. L’AES met en avant une approche basée sur la souveraineté, la lutte contre le terrorisme et la réduction de la dépendance envers les partenaires occidentaux. Ce nouveau bloc se veut également un symbole de résilience face aux défis communs que sont l’insécurité, le sous-développement et les ingérences extérieures.

Les défis d’une scission historique

Si la rupture avec la CEDEAO est perçue comme une victoire symbolique pour les pays sahéliens, elle soulève de nombreuses interrogations pratiques. Parmi les défis les plus urgents :

  • La coordination sécuritaire : alors que le Sahel reste l’une des régions les plus instables au monde, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme pourrait être compromise par cette scission.
  • Les échanges commerciaux : avec une économie fortement interconnectée, une perturbation des flux commerciaux pourrait aggraver les crises alimentaires et économiques dans la région.
  • Les alliances diplomatiques : la scission affaiblit la CEDEAO sur la scène internationale, tout en renforçant les pressions sur l’AES pour prouver sa viabilité en tant que nouvelle organisation régionale.

Un avenir incertain pour l’Afrique de l’Ouest

La décision prise ce dimanche à Abuja marque une fracture profonde au sein de l’Afrique de l’Ouest. Si la CEDEAO se retrouve affaiblie par cette perte, elle demeure déterminée à préserver son rôle de moteur de l’intégration régionale.

De leur côté, les États sahéliens entament un pari audacieux en forgeant une nouvelle alliance indépendante. Toutefois, pour que l’AES réussisse, il faudra transformer les ambitions en actions concrètes, notamment en renforçant la coopération économique et en assurant la stabilité politique dans leurs territoires respectifs.

Cette situation complexe, où se mêlent rivalités diplomatiques, enjeux économiques et aspirations souverainistes, façonnera inévitablement l’avenir de l’Afrique de l’Ouest. Alors que le départ effectif du Mali, du Burkina Faso et du Niger reste encore à finaliser, une chose est certaine : l’histoire s’écrit aujourd’hui, et ses répercussions se feront sentir pour les décennies à venir.

Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon 

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