Le ministère des Infrastructures du Burkina Faso a annoncé, ce mardi 3 décembre 2024, une mesure audacieuse : le lancement d’une campagne nationale de démolition des ralentisseurs de vitesse sur les routes bitumées. Dans une correspondance officielle adressée aux gouverneurs des différentes régions, le ministre Adama Luc Sorgoh a justifié cette initiative par les « nombreux dommages causés aux usagers de la route et à l’infrastructure routière ».
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Si la décision marque un tournant dans la gestion de la sécurité routière, elle soulève également des interrogations sur les moyens alternatifs de contrôle de la vitesse et sur l’impact qu’elle pourrait avoir sur les habitudes des usagers.
Ralentisseurs : une solution devenue problématique
Les ralentisseurs de vitesse, souvent appelés « dos-d’âne », ont longtemps été plébiscités comme une solution efficace pour réduire la vitesse excessive des véhicules, en particulier dans les zones sensibles comme les abords des écoles, les hôpitaux ou les marchés.
Cependant, ces infrastructures ont montré leurs limites. De nombreux ralentisseurs, mal conçus ou non conformes aux normes, ont causé des désagréments importants :
- Dommages matériels : La hauteur excessive ou l'absence de signalisation adéquate a engendré des dégradations sur les véhicules, notamment au niveau des suspensions, des pneumatiques et des bas de caisse.
- Risques pour les deux-roues : Les motocyclistes, nombreux sur les routes burkinabè, sont particulièrement vulnérables face à ces obstacles imprévus, souvent responsables de chutes graves.
- Détérioration des routes : L’usure prématurée de la chaussée autour des ralentisseurs, provoquée par les freinages et redémarrages fréquents, représente un coût significatif pour l’entretien des infrastructures.
- Impact sur la fluidité : En ralentissant drastiquement la circulation, les dos-d’âne entraînent une perte de temps, des embouteillages et une augmentation de la consommation de carburant.
Ces constats ont amené les autorités à repenser la pertinence de ces dispositifs dans un contexte où l’amélioration des infrastructures routières reste un défi crucial pour le pays.
Une campagne pour concilier sécurité et mobilité
Dans sa lettre aux gouverneurs, le ministre Adama Luc Sorgoh a souligné que cette mesure s’inscrit dans une approche globale visant à moderniser les routes nationales et à garantir une meilleure sécurité routière.
Pour accompagner la démolition des ralentisseurs, le ministère prévoit une campagne nationale de sensibilisation, destinée à informer les populations des raisons de cette décision et des nouvelles mesures qui seront mises en place pour assurer la sécurité sur les routes.
Le ministère ambitionne également de promouvoir un changement de comportement chez les usagers. En effet, la vitesse excessive demeure l’un des principaux facteurs d’accidents de la route, et sa maîtrise ne saurait reposer uniquement sur des infrastructures contraignantes.
Quels dispositifs pour remplacer les ralentisseurs ?
La suppression des dos-d’âne soulève une question majeure : quelles alternatives pour limiter la vitesse et protéger les piétons ?
Adama Luc Sorgoh a évoqué plusieurs pistes, déjà en cours d’étude par le ministère :
- Signalisation renforcée : L’installation de panneaux visibles et conformes aux normes internationales, accompagnés de marquages au sol, pour alerter les conducteurs des zones sensibles.
- Radars fixes et mobiles : L’utilisation accrue de dispositifs de contrôle automatisé pour sanctionner les excès de vitesse et dissuader les comportements dangereux.
- Aménagements de voirie : La construction de carrefours surélevés ou de chicanes, permettant de ralentir la circulation sans recourir à des obstacles abrupts.
- Campagnes éducatives : L’éducation des usagers, notamment des jeunes conducteurs, sur l’importance du respect des limites de vitesse et des règles de sécurité.
Ces mesures, combinées à une application stricte du code de la route, visent à instaurer une sécurité routière durable et à réduire le nombre d’accidents.
Les réactions des usagers : entre appréhension et satisfaction
L’annonce de la démolition des ralentisseurs suscite des réactions contrastées au sein de la population.
Pour certains automobilistes, il s’agit d’une initiative salutaire :
« Ces dos-d’âne endommagent nos véhicules et nous ralentissent inutilement. Il était temps que les autorités agissent », confie Hamidou Ouédraogo, chauffeur de taxi à Ouagadougou.
D’autres usagers, notamment les piétons et les riverains des zones urbaines, expriment leur inquiétude :
« Les ralentisseurs sont parfois notre seule protection contre les chauffards. Sans eux, comment garantir notre sécurité ? », s’interroge Mariam Kaboré, commerçante près d’un marché.
Les associations de sécurité routière, tout en saluant la volonté de moderniser les infrastructures, appellent à une concertation approfondie pour que les nouvelles mesures répondent aux attentes de toutes les parties prenantes.
Un défi pour les gouverneurs et les collectivités
La mise en œuvre de cette réforme repose en grande partie sur la collaboration entre le ministère des Infrastructures, les gouverneurs de région et les collectivités locales. Ces dernières auront la tâche délicate de recenser les ralentisseurs concernés, d’organiser leur démolition et d’accompagner les populations dans la transition vers un nouveau mode de gestion de la sécurité routière.
Adama Luc Sorgoh a insisté sur l’importance d’une approche participative et transparente pour garantir le succès de l’opération.
Un tournant pour les infrastructures routières burkinabè
La démolition des ralentisseurs marque une étape importante dans la modernisation des routes du Burkina Faso. Ce projet s’inscrit dans une vision plus large de développement des infrastructures, visant à améliorer la mobilité, réduire les coûts de transport et renforcer l’intégration économique nationale et régionale.
Toutefois, le succès de cette réforme dépendra de la capacité des autorités à conjuguer innovation, pédagogie et fermeté. Car si les dos-d’âne peuvent disparaître, l’exigence de sécurité, elle, demeure.
Dans un pays où les routes sont des artères vitales pour le commerce, l’éducation et la santé, chaque mesure visant à optimiser leur utilisation est un pas vers un avenir plus sûr et plus prospère.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon