L’éducation, pilier fondamental du développement humain et économique, reste un défi monumental en Ouganda. Malgré les efforts répétés pour démocratiser l’accès à l’enseignement, des millions d’enfants sont contraints de quitter les bancs de l’école à cause de contraintes financières insurmontables. Ce fléau chronique positionne le pays parmi ceux affichant les taux d’abandon scolaire les plus élevés au monde, mettant en lumière une crise éducative où pauvreté et inégalités se croisent de manière alarmante.
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Une crise d’abandon scolaire massive
Avec un taux de fréquentation scolaire qui chute drastiquement de 68 % dans l’enseignement primaire à seulement 22 % dans l’enseignement secondaire, l’Ouganda illustre cruellement les conséquences de l’inégalité d’accès à l’éducation. La cause principale ? Une pression financière étouffante pour les familles. Selon la Banque mondiale, 40 % des ménages ougandais considèrent le coût de l’éducation comme leur principale préoccupation économique, devançant même les dépenses médicales et alimentaires. Pour des millions de parents, scolariser un enfant est une charge si lourde qu’elle devient rapidement insoutenable.
Joanita Seguya, directrice adjointe de l’école secondaire Wampeewo Ntakke, résume la situation avec une lucidité saisissante : « Des millions de personnes sont mises à l’écart. Les frais de scolarité, même minimes pour certains, deviennent un obstacle infranchissable pour beaucoup. » Dans son établissement, où plus de 2 100 élèves sont inscrits, des centaines d’entre eux doivent abandonner chaque trimestre faute de pouvoir régler les 150 000 shillings ougandais (environ 40,76 dollars) demandés.
Un système éducatif sous tension
L’Ouganda s’est doté depuis 2007 d’un programme d’enseignement secondaire universel, une initiative inspirée du modèle primaire gratuit. Cependant, ces écoles publiques, souvent délabrées et sous-financées, peinent à répondre aux besoins éducatifs croissants. Les familles, à la recherche d’une éducation de qualité, préfèrent souvent les écoles privées, où les coûts sont bien supérieurs et où les paiements exigés viennent alourdir un fardeau financier déjà insupportable.
À cela s’ajoutent des frais cachés : uniformes, fournitures scolaires, activités extrascolaires, et contributions pour l’entretien des infrastructures. Ces dépenses, cumulées à l’imprévisibilité des augmentations des frais de scolarité, plongent les parents dans une spirale d’endettement et d’angoisse. « Même si vous devez seulement 1 000 shillings, l’école renverra votre enfant à la maison jusqu’à ce que vous puissiez payer », déplore Moses Serikomawa, un parent ougandais. Cette approche inflexible contribue à exclure encore davantage les enfants des familles les plus précaires.
Des stratégies de survie désespérées
Face à l’impossibilité de réunir les fonds nécessaires, certaines écoles adoptent des solutions atypiques. À l’école secondaire Wampeewo Ntakke, les responsables ont mis en place un système d’échange où les familles peuvent payer une partie des frais en nature : manioc, ananas, patates douces ou autres produits agricoles. « Nous essayons de nous adapter », explique Joanita Seguya. « Si les parents n’ont pas d’argent, nous acceptons qu’ils contribuent en apportant des denrées alimentaires. » Bien que pragmatique, cette solution souligne l’ampleur de la crise, où même l’éducation devient tributaire d’un troc désespéré.
Un impact générationnel inquiétant
Les conséquences de cette crise vont bien au-delà des chiffres. L’exclusion massive des enfants ougandais du système éducatif entrave non seulement leur développement personnel mais freine également les ambitions nationales de réduire la pauvreté et de stimuler la croissance économique. Sans accès à une éducation de qualité, des générations entières restent piégées dans un cycle de pauvreté, incapables de rivaliser dans un monde où les compétences et la formation sont des leviers essentiels.
Les jeunes filles, en particulier, sont les premières victimes de cette crise. Dans de nombreuses communautés, les mariages précoces et le travail domestique deviennent une alternative brutale à l’éducation lorsque les familles ne peuvent plus payer les frais scolaires. Cette situation renforce les inégalités de genre et perpétue les schémas d’oppression économique et sociale.
Un appel urgent à l’action
La situation exige une réponse immédiate et coordonnée. Le gouvernement ougandais, en collaboration avec des partenaires internationaux, doit intensifier ses investissements dans l’éducation publique, en réduisant les coûts pour les familles et en garantissant un financement stable pour les écoles. Des programmes de bourses ciblées, destinés aux familles les plus vulnérables, pourraient également permettre de maintenir les enfants dans les écoles.
Parallèlement, les organisations internationales doivent soutenir ces efforts en fournissant une assistance technique et financière. L’éducation, en tant que droit fondamental, ne devrait jamais être conditionnée par le revenu familial ou la capacité à payer des frais imprévisibles.
En Ouganda, l’avenir de millions d’enfants repose sur la capacité du pays à surmonter cette crise éducative. Laisser cette situation perdurer serait trahir les générations futures et compromettre irrémédiablement le développement d’un pays aux potentialités immenses. Si des solutions existent, il reste à les mettre en œuvre avec détermination, pour que chaque enfant ougandais ait une chance équitable de bâtir son avenir.
RADIO TANKONNON