Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

RADIO TANKONNON

RADIO TANKONNON

Toujours plus proche de vous.


Guinée : Une transition prolongée au mépris des engagements ?

Publié par RADIO TAN KONNON sur 14 Décembre 2024, 20:49pm

Catégories : #ANALYSE

Alors que la fin de l’année 2024 approche, la Guinée s’enfonce dans une incertitude politique qui cristallise les tensions. Initialement promise pour le 31 décembre, la fin de la transition vers un pouvoir civil semble désormais reléguée au second plan, au profit d’une démarche de « refondation » que les autorités guinéennes présentent comme prioritaire.
Le général Mamadi Doumbouya, président de la transition
Le général Mamadi Doumbouya, président de la transition

Cependant, cette prolongation, assumée par la junte dirigée par le général Mamadi Doumbouya, suscite de vives inquiétudes au sein de l’opposition et des organisations internationales. Entre accusations de dérive autoritaire et revendications de réforme profonde de l’État, la Guinée s’engage dans une voie périlleuse où les perspectives de stabilité politique apparaissent de plus en plus floues.

Une transition à durée indéterminée
Le spectre des délais renvoyés aux calendes grecques

Lorsque Mamadi Doumbouya a pris les rênes du pouvoir en septembre 2021, après un coup d’État qui a renversé le président Alpha Condé, il s’était engagé à conduire une transition rapide et inclusive pour restaurer l’ordre constitutionnel. Mais trois ans plus tard, l’enthousiasme initial a laissé place à la frustration d’une grande partie de la population et de la communauté internationale.

Les autorités guinéennes justifient ce retard par des « contraintes techniques » et des défis structurels. La charte de transition, adoptée en 2021, prévoyait une série d’étapes ambitieuses : révision de la constitution, restructuration des institutions, assainissement des finances publiques et lutte contre la corruption. Or, selon les responsables du régime, ces chantiers colossaux nécessitent un temps de mise en œuvre bien supérieur à celui initialement envisagé.

« Nous ne pouvons pas précipiter des réformes cruciales sous la pression de délais arbitraires. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir même de notre nation », a déclaré un haut responsable proche de Mamadi Doumbouya, dans une interview récente. Cette justification laisse entrevoir une volonté claire de la junte de prioriser la « refondation » de l’État sur le retour des civils au pouvoir.

Un référendum constitutionnel dans l’impasse

Au cœur de la transition figure la rédaction et l’adoption d’une nouvelle constitution. Ce texte fondateur est censé poser les bases d’une Guinée moderne, stable et démocratique. Cependant, le processus reste au point mort.

Le référendum constitutionnel, initialement annoncé pour 2024, n’a toujours pas de date officielle. Or, sans nouvelle constitution, aucune élection présidentielle ne peut être organisée. Le calendrier vers un retour des civils au pouvoir, déjà fragilisé, semble désormais rangé dans les tiroirs, sans perspective claire de réactivation.

L’opposition monte au créneau
Des accusations de manœuvres politiques

Face à ce glissement prolongé, les principaux partis d’opposition dénoncent une stratégie délibérée de la junte pour conserver indéfiniment le pouvoir. Les critiques se multiplient contre ce qu’ils qualifient de « campagne dissimulée » pour promouvoir une éventuelle candidature de Mamadi Doumbouya à la présidence.

Selon des opposants, des structures politiques proches de la junte s’activent discrètement pour poser les jalons d’un maintien du général au sommet de l’État. « Il ne fait aucun doute que tout ce processus de transition n’est qu’un prétexte pour asseoir durablement la domination des militaires », a affirmé Cellou Dalein Diallo, l’un des leaders de l’opposition, lors d’une récente conférence de presse.

Un appel à la mobilisation populaire

L’opposition a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne reconnaîtra plus la légitimité de la junte au-delà du 31 décembre. Elle appelle la population à descendre massivement dans les rues pour exiger le départ des militaires et le respect des engagements pris envers la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Pour ses détracteurs, la junte met en péril la stabilité du pays en verrouillant le processus politique. « La Guinée est au bord de l’implosion. Si les militaires ne respectent pas leurs promesses, le peuple saura leur rappeler qui détient la véritable souveraineté », a averti un responsable du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC).

Une junte sous pression internationale
La CEDEAO et l’ultimatum avorté

La CEDEAO, qui avait fixé au 31 décembre 2024 la fin de la transition guinéenne, se retrouve une nouvelle fois face à l’échec de ses injonctions. Après avoir imposé des sanctions contre le Mali, le Burkina Faso et le Niger pour des transitions prolongées, l’organisation se retrouve devant un dilemme similaire en Guinée.

Pour autant, l’attitude ferme affichée jusqu’à présent par la CEDEAO pourrait s’effriter face au pragmatisme des autres membres de l’organisation. Certains pays, tels que le Sénégal et le Ghana, continuent de plaider pour une pression accrue sur la junte guinéenne. D’autres, comme le Togo ou la Guinée-Bissau, prônent une approche plus conciliante, estimant qu’une confrontation directe risque de renforcer l’isolement de Conakry.

Un rôle clé pour la communauté internationale

Au-delà de la CEDEAO, les partenaires internationaux de la Guinée, notamment l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies, observent la situation avec une vigilance accrue. La prolongation de la transition pourrait entraîner un gel de certaines aides économiques et accroître l’isolement diplomatique du pays.

Cependant, les autorités guinéennes semblent prêtes à assumer ce risque. « Nous n’accepterons pas que des puissances extérieures dictent notre agenda politique. La refondation de la Guinée est un processus souverain », a réitéré un porte-parole du gouvernement.

Entre refondation et dérive : un équilibre précaire
Un pari risqué

La junte mise sur le soutien populaire pour justifier sa démarche. Mamadi Doumbouya continue d’insister sur l’importance de bâtir des bases solides pour un État stable et durable. Mais ce pari repose sur un fil. L’impasse politique, combinée à des frustrations économiques croissantes, pourrait rapidement se transformer en un terrain fertile pour une explosion sociale.

Les scénarios possibles
  1. Un prolongement accepté sous condition
    La CEDEAO pourrait accepter une prolongation de la transition, à condition que Conakry présente un calendrier précis pour les réformes constitutionnelles et les élections.

  2. Une confrontation ouverte
    Si la junte persiste dans son refus d’accélérer le processus, une mobilisation de l’opposition pourrait conduire à des manifestations massives et des affrontements, plongeant la Guinée dans une nouvelle crise politique.

  3. Un compromis improbable
    La seule voie durable passerait par un dialogue inclusif entre la junte, l’opposition et la société civile, avec l’appui de médiateurs internationaux. Mais à ce jour, la méfiance mutuelle rend ce scénario peu probable.

Conclusion : la Guinée à l’heure des choix

La prolongation de la transition en Guinée illustre les tensions entre ambitions réformatrices et impératifs démocratiques. Si la junte insiste sur la nécessité de « refonder » l’État, ce discours risque de se heurter à une opposition croissante, tant sur le plan interne qu’externe.

Le 31 décembre marquera-t-il un point de rupture ou une nouvelle étape dans une transition sans fin ? L’avenir de la Guinée, entre refondation et dérive autoritaire, demeure plus incertain que jamais. Une chose est sûre : les choix des prochains mois détermineront l’équilibre fragile entre stabilité et chaos dans ce pays clé de l’Afrique de l’Ouest.

Saidicus Leberger

Pour Radio Tankonnon 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents