La Confédération des États du Sahel (CES) a marqué une nouvelle étape décisive dans son ambition de souveraineté et de coopération renforcée entre ses membres. Réunis ce vendredi 13 décembre 2024 à Niamey, en République du Niger, les ministres des États membres ont réaffirmé leur volonté de promouvoir la libre circulation des personnes et des biens au sein de la Confédération. Ce projet audacieux s’inscrit dans le cadre d’un processus historique de rupture avec la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), une organisation régionale dont les orientations ont souvent été perçues comme contraires aux aspirations des populations sahéliennes.
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Un retrait irréversible de la CEDEAO
Au cœur des échanges de cette réunion ministérielle figurait une décision déjà annoncée mais désormais entérinée comme irréversible : le retrait des États membres de la CES de la CEDEAO. Les ministres ont unanimement souligné que cette décision, loin d’être un acte de défiance, constitue une réponse légitime à la nécessité de redéfinir les bases de la coopération régionale pour mieux répondre aux défis spécifiques du Sahel.
Dans leur déclaration finale, les ministres ont engagé les comités pluridisciplinaires à poursuivre les réflexions sur les modalités concrètes de cette sortie, en prenant soin de préserver les intérêts économiques et sociaux des populations concernées. L’objectif est clair : assurer une transition harmonieuse qui ne fragilise pas les acquis tout en construisant une dynamique nouvelle, portée par des valeurs d’autodétermination et de solidarité entre les nations sahéliennes.
Vers une libre circulation repensée
La libre circulation des personnes et des biens au sein de la Confédération constitue un pilier central de cette réorientation stratégique. Les ministres ont insisté sur l’importance de lever les barrières administratives et douanières pour favoriser un espace économique intégré. En misant sur une politique harmonisée, la CES entend renforcer les échanges commerciaux intra-régionaux, qui restent largement sous-exploités, et offrir aux citoyens une liberté de déplacement en phase avec leurs aspirations et leurs réalités quotidiennes.
Pour atteindre cet objectif ambitieux, plusieurs mesures ont été envisagées, notamment :
- La création de corridors économiques sécurisés pour faciliter le transport des marchandises.
- L’harmonisation des systèmes douaniers et fiscaux pour réduire les coûts liés aux échanges transfrontaliers.
- La mise en place d’un passeport commun de la Confédération, symbolisant l’unité et la solidarité des peuples sahéliens.
Ces initiatives, bien que complexes, témoignent de la volonté des dirigeants de faire du Sahel un espace d’intégration exemplaire, fondé sur des priorités communes et des valeurs partagées.
Les raisons d’une rupture historique
Le retrait de la CES de la CEDEAO n’est pas un acte isolé. Il s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par des divergences croissantes entre les priorités des États sahéliens et celles de l’organisation ouest-africaine. Parmi les griefs avancés figurent :
- Une inadéquation des politiques de la CEDEAO face aux spécificités du Sahel, notamment en matière de sécurité, de développement rural et de gestion des crises climatiques.
- Une perception d’ingérence politique, exacerbée par les sanctions imposées à certains États sahéliens à la suite de changements institutionnels internes.
- Un sentiment croissant de marginalisation des priorités sahéliennes dans les grandes orientations économiques de la CEDEAO.
En se retirant, la CES entend reprendre le contrôle de son agenda régional, en se concentrant sur des politiques adaptées à ses défis uniques. Cette démarche s’accompagne d’une volonté de dialogue avec les partenaires extérieurs, dans un esprit de coopération mutuellement bénéfique.
Un élan d’autonomie face aux défis sécuritaires et économiques
Les États sahéliens font face à des défis sans précédent, notamment liés à l’insécurité persistante, au changement climatique et à une pression démographique croissante. Pour y répondre, les ministres ont insisté sur la nécessité de renforcer les mécanismes de coopération militaire et de développer des initiatives économiques innovantes.
L’un des axes majeurs discutés lors de la réunion a été la création d’un fonds commun destiné à financer les infrastructures régionales, en particulier dans les secteurs des transports et de l’énergie. Ce fonds, alimenté par des contributions des États membres et des partenaires internationaux, vise à réduire la dépendance financière de la Confédération vis-à-vis des bailleurs extérieurs, tout en stimulant le développement économique local.
Les défis de l’intégration régionale
Si les ambitions de la CES sont grandes, les défis ne manquent pas. Parmi eux, la nécessité d’une coordination efficace entre les États membres pour éviter les disparités dans l’application des politiques communes. La libre circulation, bien que porteuse de nombreux avantages, pourrait également créer des tensions locales si elle n’est pas accompagnée de mesures de soutien aux populations vulnérables.
Les ministres ont souligné l’importance d’un dialogue inclusif avec les acteurs locaux, les organisations de la société civile et le secteur privé, afin de garantir que les réformes entreprises répondent aux besoins réels des citoyens.
Une dynamique d’espoir pour l’avenir du Sahel
La Confédération des États du Sahel se positionne aujourd’hui comme un modèle audacieux de coopération régionale en Afrique. En prenant leur destin en main, les États membres envoient un message fort : celui d’une région résolue à relever ses défis avec des solutions endogènes, adaptées à ses réalités.
À travers la mise en œuvre de la libre circulation et d’autres initiatives structurantes, la CES entend prouver que l’unité et la solidarité peuvent être des leviers puissants pour transformer les défis en opportunités. Si le chemin reste semé d’embûches, l’élan d’espoir suscité par ces décisions marque une étape fondatrice dans la construction d’un avenir plus prospère pour les populations sahéliennes.
Dans les mois à venir, les regards seront tournés vers cette Confédération, dont les choix et les réalisations pourraient inspirer d’autres régions du continent à redéfinir leurs propres trajectoires de développement. Une ère nouvelle semble s’ouvrir pour le Sahel : celle d’une émancipation assumée et d’une coopération visionnaire.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon