Le Ghana à la croisée des chemins : un scrutin sous haute tension économique

Samedi 7 décembre 2024 restera une date cruciale dans l’histoire politique du Ghana. Une élection présidentielle et législative, organisée dans un contexte de crise économique profonde, a vu des millions de Ghanéens se rendre aux urnes, bien que nombre d’entre eux aient exprimé des sentiments mêlés d’espoir et de désillusion. Ces élections marquent un tournant pour ce pays autrefois considéré comme un modèle de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest.

L’ancien président ghanéen et candidat présidentiel du parti National Democratic Congress (NDC), John Mahama, vote dans un bureau de vote à Bole (AFP)

Un duel attendu : Mahamudu Bawumia face à John Dramani Mahama

Le scrutin présidentiel a mis en lumière un duel entre deux figures politiques majeures du Ghana. D’un côté, Mahamudu Bawumia, vice-président sortant et porte-étendard du Nouveau Parti Patriotique (NPP), et de l’autre, John Dramani Mahama, ancien président et candidat du Congrès National Démocratique (NDC). Ces deux poids lourds de la scène politique ghanéenne incarnent des visions opposées pour un pays confronté à une crise économique sans précédent.

Mahamudu Bawumia, économiste chevronné, a axé sa campagne sur la poursuite des réformes engagées par le gouvernement sortant, promettant de stabiliser l’économie grâce à une gestion rigoureuse et à l’attraction d’investissements étrangers. "Nous avons traversé des moments difficiles, mais nous avons posé les bases d’un Ghana prospère. Je suis déterminé à finaliser ce que nous avons commencé", déclarait-il lors de son dernier rassemblement à Kumasi.

John Dramani Mahama, quant à lui, s’est présenté comme le champion des démunis, promettant une politique sociale inclusive et des mesures concrètes pour relancer l’économie. "Ce n’est pas le moment de continuer sur une voie qui a échoué. Je propose un leadership axé sur les solutions immédiates et durables", a-t-il affirmé lors d’un meeting à Tamale.

Une économie en crise : l’enjeu central du vote

L’économie ghanéenne a été au cœur de cette campagne. Avec une inflation dépassant les 40 % et une dévaluation marquée du cedi, la monnaie nationale, le quotidien des Ghanéens est devenu un véritable casse-tête. Les prix des denrées de base ont explosé, plongeant de nombreuses familles dans une précarité accrue.

Les jeunes, particulièrement touchés par le chômage endémique, attendent beaucoup du prochain gouvernement. Pour Prince Ofosu Amoafo, un électeur de 36 ans, "le prochain président doit absolument s’attaquer au problème de l’emploi. Nous avons besoin de politiques audacieuses et efficaces pour sortir de cette impasse."

Cependant, l’espoir n’est pas partagé par tous. Ruth Mensah, une habitante de Nima, un quartier populaire d’Accra, a choisi de ne pas voter. "Je ne vois pas comment cela pourrait changer ma vie. Les politiciens viennent avec des promesses, mais rien ne change", confie-t-elle, résignée.

Un scrutin sous tension : défis organisationnels et participation

Les 18,7 millions d’électeurs inscrits étaient appelés à voter dans plus de 38 000 bureaux à travers le pays. Malgré quelques retards signalés dans certains centres de vote et des dysfonctionnements techniques limités, la Commission Électorale a salué une organisation globalement réussie.

Cependant, la participation reste un sujet de préoccupation. Selon les premières estimations, l’abstention pourrait atteindre un niveau significatif, reflétant une certaine désillusion parmi la population. Les jeunes, en particulier, semblent de plus en plus sceptiques quant à l’impact de leur vote sur leur quotidien.

Les premiers résultats : l’attente et les enjeux

Les premiers résultats officiels sont attendus dans les jours à venir, mais les tendances pourraient se dessiner plus tôt grâce aux projections des médias locaux. Une victoire de Mahamudu Bawumia consoliderait le pouvoir du NPP, mais exigerait également une réponse rapide aux critiques croissantes concernant la gestion économique actuelle. En revanche, un retour au pouvoir de John Dramani Mahama signifierait une rupture avec les politiques en cours et ouvrirait la voie à un changement de cap potentiellement radical.

Le défi du prochain gouvernement : restaurer la confiance

Quel que soit le vainqueur, le prochain gouvernement devra relever des défis titanesques. Stabiliser le cedi, maîtriser l’inflation, et créer des emplois figurent en tête des priorités. Mais au-delà des chiffres, il s’agira aussi de restaurer la confiance des citoyens envers les institutions politiques.

Pour beaucoup, ces élections représentent plus qu’un choix entre deux hommes ou deux partis : elles incarnent l’espoir d’un avenir meilleur dans un pays en quête de solutions durables. "Nous ne voulons pas seulement des promesses. Nous voulons des actions concrètes, un leadership fort et des résultats", insiste Yaw Adjei, un enseignant d’Accra.

Un test pour la démocratie ghanéenne

Malgré les défis économiques, le Ghana reste un phare de la démocratie en Afrique de l’Ouest. La tenue régulière d’élections libres et transparentes témoigne de la résilience de ses institutions. Mais ce scrutin représente un test décisif pour leur capacité à répondre aux attentes croissantes de la population.

Alors que les regards du monde entier sont tournés vers Accra, le Ghana se trouve à un moment charnière de son histoire. Les jours à venir seront déterminants pour tracer la voie d’un pays qui, malgré les vents contraires, cherche à réaffirmer son rôle de modèle démocratique et de puissance régionale.

Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon