La prestigieuse société de conseil McKinsey & Company, par l'intermédiaire de sa filiale africaine, se retrouve au cœur d’un scandale de corruption qui lui coûte plus de 122 millions de dollars d'amende pénale. Cette décision, annoncée jeudi par le ministère américain de la Justice (DOJ), met en lumière un système complexe de pots-de-vin et de favoritisme orchestré au sein des institutions publiques sud-africaines entre 2012 et 2016.

Un réseau de corruption au cœur des institutions sud-africaines
Le ministère américain de la Justice a révélé les mécanismes d’un système bien rodé visant à influencer des fonctionnaires sud-africains. Ce réseau aurait permis à McKinsey Afrique et à sa société mère de générer des bénéfices de l'ordre de 85 millions de dollars sur une période de quatre ans.
Selon les autorités, des pots-de-vin ont été versés à des responsables d’entités stratégiques de l’État sud-africain, notamment :
Transnet, l’organisme en charge des ports, des voies ferrées et des oléoducs.
Eskom, le géant énergétique sud-africain en charge de la production et de la distribution d’électricité.
Ces versements illicites visaient à garantir à McKinsey l’obtention de contrats lucratifs, en contournant les procédures habituelles de passation de marchés.
Une amende record pour éviter des poursuites pénales
Pour échapper à des poursuites judiciaires sous l’égide de la loi américaine sur les pratiques de corruption à l’étranger (Foreign Corrupt Practices Act), McKinsey Afrique a accepté un accord de poursuite différée avec le DOJ. Dans ce cadre, l’entreprise devra s’acquitter d’une amende pénale de 122 millions de dollars, tout en respectant des conditions strictes pour éviter d’éventuelles sanctions futures.
Cet accord marque une étape décisive dans l’affaire, offrant une conclusion juridique tout en permettant à l’entreprise de maintenir ses opérations.
McKinsey reconnaît des « erreurs passées »
Dans un communiqué, McKinsey & Company a exprimé son « regret » face à cette situation, qualifiant les faits de « profondément regrettables ». La société a souligné sa coopération avec les autorités américaines tout au long de l’enquête, ainsi que les efforts entrepris pour réformer ses pratiques internes.
« McKinsey est une entreprise très différente aujourd’hui de ce qu’elle était au moment où ces faits se sont produits », a déclaré la société.
Parmi les mesures prises, McKinsey affirme avoir renforcé ses systèmes de contrôle des risques, ses mécanismes de conformité juridique et ses protocoles éthiques. Ces initiatives visent à restaurer sa réputation et à garantir que de tels abus ne se reproduisent plus.
Une affaire qui ternit davantage l’image des institutions sud-africaines
Ce scandale s’inscrit dans un contexte de crise institutionnelle en Afrique du Sud, où des accusations récurrentes de corruption ont entaché la gestion publique ces dernières années.
Transnet et Eskom : des géants affaiblis par la corruption
Les deux institutions impliquées, Transnet et Eskom, sont des piliers de l’économie sud-africaine. Pourtant, elles ont été au cœur de plusieurs scandales sous l’administration de Jacob Zuma, marquée par une gouvernance jugée défaillante et des accusations de « capture d’État ».
Transnet, en charge des infrastructures stratégiques, a vu ses projets d’expansion ferroviaire et portuaire paralysés par des détournements de fonds.
Eskom, principal fournisseur d’électricité du pays, lutte contre une dette colossale, des délestages massifs et une gestion chaotique, exacerbée par des contrats douteux passés avec des prestataires.
Un ancien cadre impliqué
L’enquête a également mis en lumière la responsabilité directe d’un ancien cadre supérieur de McKinsey Afrique, qui aurait orchestré certaines transactions illicites. L’individu en question, licencié il y a plus de sept ans, a plaidé coupable dans une affaire fédérale liée au scandale.
Des répercussions internationales
L’affaire McKinsey Afrique illustre une problématique récurrente dans les relations entre multinationales et gouvernements en développement : l’exploitation des failles institutionnelles pour obtenir des avantages concurrentiels.
Une pression accrue sur les multinationales
Cette décision judiciaire envoie un signal fort aux entreprises opérant à l’international : les pratiques de corruption, même menées dans des pays où les normes de gouvernance sont faibles, peuvent avoir des conséquences graves au niveau mondial.
Un impact sur la réputation de McKinsey
Pour McKinsey, ce scandale risque de porter un coup durable à sa réputation. Longtemps considérée comme un modèle de professionnalisme et d’excellence, la société doit désormais regagner la confiance de ses clients et partenaires.
Une leçon pour l’Afrique du Sud
Au-delà de la sanction infligée à McKinsey, cette affaire soulève des questions fondamentales sur la gouvernance en Afrique du Sud. Alors que le pays tente de se relever d’une décennie marquée par des scandales de corruption endémique, les défis restent immenses.
Pour de nombreux analystes, l’affaire McKinsey met en lumière la nécessité d’un renforcement des mécanismes de transparence et de redevabilité dans la gestion publique. Elle rappelle également l’importance de protéger les institutions stratégiques des influences extérieures, qu’elles soient politiques ou économiques.
Conclusion : un avertissement pour le secteur privé
Le règlement de cette affaire marque une étape importante dans la lutte contre la corruption à l’échelle internationale. Il souligne également la responsabilité accrue des entreprises privées dans la promotion d’une gouvernance éthique et transparente, notamment lorsqu’elles opèrent dans des environnements fragiles.
Pour McKinsey, il s’agit désormais de tourner la page tout en tirant des leçons de ce scandale retentissant. Quant à l’Afrique du Sud, ce nouvel épisode rappelle l’urgence de restaurer la confiance dans ses institutions publiques, essentielles à son redressement économique et social.
RADIO TANKONNON