Le procès retentissant pour détournement de fonds au ministère de l’Action humanitaire prend une tournure encore plus troublante avec de nouvelles révélations émanant du parquet. Au centre de l’attention : l’acquisition d’une voiture de type RAV4, estimée à 20 millions de francs CFA, qui aurait été offerte à l’une des prévenues, Madame Petroline Tarpaga, grâce à des fonds publics destinés aux populations vulnérables.
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Une acquisition controversée
D’après les éléments dévoilés par le ministère public, deux chèques de 10 millions de francs CFA chacun, tirés du compte PRO-SOC du ministère de l’Action humanitaire, ont été utilisés pour financer l’achat de ce véhicule. Ce compte, censé être exclusivement dédié aux interventions sociales et humanitaires, est aujourd’hui au cœur des suspicions d’une vaste fraude.
Le principal prévenu, Amidou Tiégnan, ancien cadre au sein du ministère, a tenté de se défendre face à ces accusations en affirmant que les chèques avaient été émis en toute légalité. « Ces signatures sont celles du Directeur des affaires financières (DAF) en poste à l’époque. Rien n’a été falsifié. Les dépenses étaient jugées normales », a-t-il déclaré à la barre, tout en rejetant toute responsabilité personnelle dans cette affaire.
Pourtant, le parquet reste sceptique face à cette défense, arguant que l’utilisation de fonds publics pour des acquisitions personnelles est, en soi, une grave entorse à la loi et aux principes éthiques. Selon le procureur, ces ressources auraient dû être allouées aux besoins des populations vulnérables, particulièrement dans un contexte où les crises humanitaires se multiplient et où chaque franc est vital.
Silence de l’autre prévenue, Petroline Tarpaga
Madame Petroline Tarpaga, également accusée dans cette affaire, est pointée du doigt comme la bénéficiaire directe de ce véhicule financé par des fonds publics. Jusqu’à présent, elle n’a pas encore réagi aux accusations portées contre elle, laissant planer une ombre de mystère sur son implication exacte.
Son silence intrigue d’autant plus que son intervention est attendue comme l’un des moments clés de ce procès. Les observateurs espèrent qu’elle pourra éclairer la cour sur les circonstances ayant conduit à l’acquisition du véhicule et sur son rôle dans les transactions financières incriminées.
Des fonds détournés au détriment des populations vulnérables
Pour le parquet, cette affaire est emblématique d’une gestion calamiteuse et frauduleuse des ressources publiques. Le compte PRO-SOC, censé financer des projets en faveur des populations en détresse, semble avoir été détourné de sa vocation initiale pour satisfaire des intérêts privés.
Les détournements présumés, dans un pays où les besoins humanitaires sont criants, suscitent une profonde indignation. Des milliers de Burkinabè, notamment dans les zones rurales affectées par l’insécurité et les déplacements massifs de populations, dépendent des aides issues de ces fonds pour leur survie.
« Chaque franc détourné est une vie mise en danger. Ces ressources ne sont pas des butins de guerre, mais des moyens de secours pour les plus vulnérables », a martelé le procureur, appelant la cour à sanctionner fermement les pratiques illégales et à restaurer la confiance des citoyens envers les institutions publiques.
Défense contestée d’Amidou Tiégnan
La stratégie de défense adoptée par Amidou Tiégnan repose sur l’authenticité des signatures apposées sur les chèques incriminés. Mais cette ligne ne convainc pas totalement. Pour les avocats de la partie civile, la légalité des signatures ne disculpe pas leur client de la responsabilité morale et administrative liée à l’utilisation des fonds.
« Même si les signatures sont authentiques, cela ne signifie pas que l’utilisation de ces fonds était appropriée ou conforme à leur destination initiale. Il s’agit d’une question de responsabilité et d’intégrité, au-delà de la simple procédure administrative », a argumenté l’un des avocats représentant les populations affectées.
Un procès révélateur d’une gestion opaque
Ce procès, qui se déroule sous haute tension et attire une forte attention médiatique, met en lumière les dysfonctionnements systémiques dans la gestion des fonds publics au Burkina Faso. Il soulève également des questions plus larges sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes au sein des institutions étatiques, particulièrement dans les secteurs aussi sensibles que l’action humanitaire.
La suite des débats
Les débats, qui se poursuivent, promettent de nouvelles révélations alors que le tribunal entendra prochainement d’autres témoins et parties prenantes. L’audition de Madame Petroline Tarpaga est attendue avec impatience, tout comme celle du Directeur des affaires financières en poste à l’époque, dont les signatures figurent sur les chèques en question.
Dans un contexte où le Burkina Faso est confronté à des défis humanitaires sans précédent, ce procès constitue un test crucial pour la justice burkinabè. Au-delà des verdicts individuels, il incarne l’espoir d’une meilleure gestion des ressources publiques et d’un renforcement de l’État de droit.
Pour les populations vulnérables, qui continuent de souffrir des conséquences des détournements présumés, le jugement à venir sera plus qu’une simple affaire judiciaire : il représentera une étape décisive vers la justice et la réhabilitation de leur dignité.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon