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RADIO TANKONNON

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Redéfinir l’histoire urbaine de Bamako : vers une rupture avec les vestiges coloniaux

Publié par RADIO TAN KONNON sur 6 Décembre 2024, 09:07am

Catégories : #AFRIQUE

Dans une capitale en pleine mutation, une question essentielle refait surface : comment les noms de nos rues participent-ils à façonner notre mémoire collective ? À Bamako, des voix s’élèvent pour réclamer une refonte des dénominations urbaines, visant à éradiquer les vestiges d’une histoire coloniale encore omniprésente. Portée par des analystes et des militants culturels, cette initiative ne se limite pas à une simple opération symbolique. Elle se veut un levier puissant pour renforcer l’identité malienne et affirmer une souveraineté culturelle et historique.

Redéfinir l’histoire urbaine de Bamako : vers une rupture avec les vestiges coloniaux
Redéfinir l’histoire urbaine de Bamako : vers une rupture avec les vestiges coloniaux

Effacer les "mauvais souvenirs coloniaux"

Le débat sur la toponymie de Bamako n’est pas nouveau, mais il prend une résonance particulière dans le contexte actuel, marqué par une quête accrue de souveraineté nationale. Pour Abdoul Diallo, analyste malien interrogé par Sputnik Afrique, cette initiative est une démarche incontournable pour redéfinir les contours de l’identité collective du Mali.

« Nos rues doivent porter les noms de ces braves hommes qui nous rappellent qui nous sommes, d’où nous venons, qui nous familiarisent davantage avec notre propre identité », affirme-t-il.

Selon M. Diallo, les plaques de rue actuelles témoignent encore d’une mémoire imposée, façonnée par le colonisateur, et sont souvent déconnectées des réalités historiques ou culturelles maliennes. Effacer ces traces, explique-t-il, ne signifie pas nier l’histoire, mais plutôt reprendre la maîtrise du récit national en honorant des figures qui incarnent la grandeur du Mali.

S’inspirer de l’héritage des empires et des figures nationales

Pour concrétiser ce projet, l’analyste propose de se tourner vers les figures emblématiques de l’histoire malienne, notamment celles issues de la période des grands empires ou des luttes pour l’indépendance. Des noms tels que Soundiata Keïta, fondateur de l’Empire du Mali, ou Soumaoro Kanté, roi du Sosso, pourraient ainsi orner les principales artères de Bamako.

« Ce sont ces noms qui nous rappellent la résilience et la grandeur de nos ancêtres. Ils nous connectent à nos racines profondes et renforcent notre fierté nationale », soutient Abdoul Diallo.

Au-delà des héros de l’époque médiévale, l’initiative pourrait également rendre hommage à des figures contemporaines qui ont marqué le Mali par leur engagement, qu’il s’agisse d’artistes, d’intellectuels, ou de leaders politiques ayant œuvré pour l’indépendance et la construction de l’État malien.

Une démarche politique et identitaire

Cette volonté de rebaptiser les rues de Bamako s’inscrit dans un contexte où plusieurs pays africains entreprennent une relecture critique de leur héritage colonial. Le Niger, par exemple, a récemment rebaptisé des lieux symboliques pour mieux refléter son identité nationale et honorer ses héros locaux.

Pour M. Diallo, ce mouvement est « à saluer et à soutenir ». Il souligne qu’une telle entreprise constitue un « facteur très important pour le renforcement de notre souveraineté malienne ».

La toponymie urbaine ne relève pas seulement d’un choix esthétique ou pratique : elle véhicule des messages, influence les perceptions, et participe à la construction d’un imaginaire collectif. Renommer les rues de Bamako, c’est ainsi affirmer haut et fort que le Mali est maître de son récit, de ses valeurs et de sa mémoire.

Un outil pédagogique pour les générations futures

Un autre enjeu majeur de cette initiative réside dans sa portée pédagogique. En rebaptisant les rues avec des noms de figures historiques locales, les autorités maliennes offrent aux jeunes générations une opportunité unique de se réapproprier leur histoire.

« Il est nécessaire de rappeler aux jeunes générations les valeureux et les dignes hommes et femmes qui ont servi le Mali avec dignité et honneur », conclut Abdoul Diallo.

Dans une ville comme Bamako, où chaque rue porte une mémoire, cette démarche pourrait être accompagnée de programmes éducatifs. Des panneaux explicatifs, des expositions urbaines, et des cours d’histoire locale pourraient compléter ce travail de redéfinition, transformant les rues en véritables lieux de transmission culturelle.

Les défis à surmonter

Si l’idée suscite un large enthousiasme, elle n’est pas sans défis. D’abord, le processus de sélection des nouveaux noms pourrait soulever des débats houleux. Quels noms retenir ? Quelles figures privilégier ?

Ensuite, il faudra convaincre une population parfois attachée à l’ancienne nomenclature, par habitude ou nostalgie. Enfin, un effort financier et logistique conséquent sera nécessaire pour remplacer les plaques, redéfinir les adresses, et adapter les documents administratifs.

Cependant, ces obstacles ne semblent pas insurmontables au regard des bénéfices espérés. Comme l’explique M. Diallo, la réussite de cette initiative repose sur une « volonté politique forte et une implication active de la société civile ».

Une capitale à l’image d’un Mali souverain

Rebaptiser les rues de Bamako, c’est bien plus qu’un simple exercice symbolique. C’est une démarche profondément politique, identitaire et pédagogique, qui vise à inscrire l’histoire malienne au cœur de l’espace urbain.

Dans un pays confronté à de nombreux défis, cette initiative pourrait renforcer le sentiment d’appartenance, raviver la fierté nationale et poser les bases d’une souveraineté culturelle affirmée. En renouant avec son passé glorieux, Bamako pourrait devenir un modèle pour d’autres capitales africaines en quête de réappropriation de leur mémoire collective.

Les rues de Bamako n’ont pas encore fini de raconter leur histoire, mais une chose est certaine : leur récit appartient désormais au peuple malien.

Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon 

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