Soro Kigbafory Guillaume, l’une des figures politiques les plus controversées de la Côte d'Ivoire, demeure un acteur clé de la scène politique, même si son avenir demeure incertain. Ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale, Soro a joué un rôle déterminant dans la crise post-électorale de 2010-2011, mais sa carrière a pris un tournant radical après sa rupture avec Alassane Ouattara, son ancien allié et mentor. Son parcours politique tumultueux, marqué par son exil et ses tentatives de revenir au pays, soulève des interrogations sur ses ambitions pour l'avenir de la Côte d'Ivoire et la place qu’il entend y occuper à l’horizon de la présidentielle de 2025.
![Soro Kigbafory Guillaume](https://image.over-blog.com/jalcx1DqFdvR8dvKLQ9PPoAO0sk=/filters:no_upscale()/image%2F2577874%2F20241213%2Fob_dead8a_soro-kigbafory-guillaume.png)
Soro Guillaume : Un acteur de la rébellion devenu homme politique
Le nom de Soro Kigbafory Guillaume est indissociable de la rébellion qui a secoué la Côte d'Ivoire dans les années 2000. En tant que leader des Forces Nouvelles, un groupe rebelle qui a lutté contre le régime de Laurent Gbagbo, il a été un acteur central de la crise ivoirienne. Son ascension politique a été marquée par une alliance avec Alassane Ouattara, qui l’a propulsé au sommet de l’État après la chute de Gbagbo. Nommé Premier ministre en 2007, puis président de l’Assemblée nationale en 2012, Soro semblait être un homme fort du régime Ouattara, vu comme l’un des principaux artisans de la réconciliation nationale après la guerre civile.
Cependant, ce rapprochement avec Ouattara ne durera pas. En 2019, Soro se retrouve en rupture avec le président Ouattara, qu’il accuse de l'avoir écarté du pouvoir et de l'avoir trahi. Cette rupture se transforme en un véritable bras de fer. En 2020, Soro, candidat à la présidentielle, voit ses ambitions politiques être contrariées par des accusations de complot contre l'État. Il est contraint de s’exiler en France après un mandat d’arrêt lancé contre lui, et son nom est associé à des accusations de déstabilisation du gouvernement.
Le retour de Soro : Une option toujours sur la table ?
Depuis son exil, Soro Kigbafory Guillaume a continué de nourrir son ambition de revenir en politique, et plus spécifiquement à la tête de la Côte d'Ivoire. Si son exil a duré plusieurs années, il n’a jamais cessé de se positionner comme un acteur politique incontournable, à travers des déclarations publiques et la création de son propre mouvement politique, Générations et peuples solidaires (GPS). À travers GPS, il prône une politique alternative qui dépasse les clivages traditionnels entre le RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) et le PDCI, se présentant comme le messie d’une réconciliation véritable et d’un changement profond dans la gouvernance du pays.
Malgré ces efforts, son retour en Côte d'Ivoire reste un casse-tête juridique et politique. Son nom est toujours inscrit sur la liste des personnes interdites de participer à la politique nationale, notamment en raison des accusations de complot. Pourtant, Soro continue d’entretenir l’espoir d’un retour triomphal, et sa stratégie repose en grande partie sur la possibilité d’un changement dans l’attitude du pouvoir en place à son égard. Dans ce contexte, la question d'une amnistie, qui pourrait lui permettre de revenir et de se présenter à l’élection présidentielle, reste une inconnue. De plus, si Laurent Gbagbo, son ancien allié, espère encore une loi d’amnistie, la position d’Alassane Ouattara à l’égard de Soro semble plus fermée. Le président ivoirien pourrait-il envisager une réconciliation avec celui qui fut son ancien bras droit, ou préférera-t-il l’éloigner définitivement de la scène politique ?
La dynamique de la scène politique ivoirienne : Une rivalité multipliée
Le parcours de Soro Kigbafory Guillaume est un facteur de tension supplémentaire dans un contexte déjà extrêmement polarisé en Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire est en effet à la croisée des chemins avec la rivalité entre les anciens présidents Ouattara et Gbagbo, la montée en puissance de nouvelles figures politiques comme Simone Gbagbo et Tidjane Thiam, et la question du renouvellement générationnel. Dans cette dynamique, le retour de Soro pourrait jouer un rôle décisif, mais pas nécessairement favorable à ses ambitions.
Le fait qu’il soit vu comme un « exilé politique » complique son image auprès de certains Ivoiriens qui le perçoivent encore comme un « diviseur » du passé. Cependant, Soro mise sur sa capacité à incarner l'espoir du changement, en se positionnant comme un homme de réconciliation et de rupture avec le système actuel. Son appel à un dialogue national et son discours sur la nécessité d’un changement profond, tant au niveau politique qu’économique, trouvent un écho parmi une partie de la population désillusionnée par la politique des « grands anciens ».
Soro et la question de l’avenir politique ivoirien
À l’approche des élections présidentielles de 2025, l’avenir de Soro Kigbafory Guillaume dépendra en grande partie de plusieurs facteurs. D'abord, la question juridique de son retour au pays et sa réintégration dans le processus électoral sera déterminante. Ensuite, l’évolution de son image politique dans un pays où les clivages entre l'ancienne et la nouvelle génération sont de plus en plus marqués jouera un rôle essentiel. Soro, qui a toujours cultivé une position centriste, pourrait se retrouver pris en étau entre des forces politiques puissantes qui aspirent à maintenir leur emprise sur le pays et une jeunesse désireuse de renouveau.
Soro pourrait également s'attirer les sympathies de certains secteurs de la population en se positionnant comme une alternative aux figures politiques classiques qui ont dominé le pays depuis la fin des années 1990. Mais cette stratégie de rupture avec les anciens pouvoirs, tout en revendiquant une forme de réconciliation nationale, sera sans doute mise à l’épreuve lors de la campagne de 2025. Le poids de l’histoire, et notamment de son rôle dans la rébellion et la guerre civile, risque de constituer un handicap important, même si le candidat Soro réussit à séduire une partie de la population lasse de la politique des « grands anciens ».
Conclusion : Soro face à son destin politique
Le retour de Soro Kigbafory Guillaume en Côte d'Ivoire dépendra des choix politiques qu’il saura opérer, mais aussi des évolutions à venir dans la dynamique de pouvoir entre les anciens et la nouvelle génération. Son ambition de redevenir un acteur central sur la scène politique ivoirienne est encore intacte, mais les obstacles demeurent nombreux. En 2025, la Côte d'Ivoire pourrait bien se retrouver à la croisée des chemins, non seulement entre les partisans des anciens présidents, mais aussi avec l’émergence de nouvelles figures politiques, dont Soro pourrait bien être une pièce maîtresse, pour le meilleur ou pour le pire.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon