Abuja – Le Nigeria a vigoureusement démenti les accusations portées par le Niger, qui lui reproche d’être complice d’actes de déstabilisation sur son territoire. Au cœur de ces tensions diplomatiques, des accusations graves liant le Nigeria à une attaque contre l’infrastructure pétrolière stratégique du Niger et à un supposé soutien à des groupes militants. Retour sur une crise aux implications régionales majeures.
/image%2F2577874%2F20241222%2Fob_535827_tensions-diplomatiques-entre-le-nigeri.png)
Le début d’une crise diplomatique
La situation a été propulsée sur le devant de la scène internationale suite à une attaque survenue le 13 décembre 2024 contre l’oléoduc Niger-Bénin dans la région de Gaya, au sud du Niger. Cette infrastructure essentielle pour l’économie nigérienne permet l’exportation du brut via le port de Cotonou, au Bénin. L’attaque, attribuée au groupe militant Lakurawa par Niamey, a ravivé les tensions existantes entre le Niger et son voisin nigérian.
Le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, a publiquement accusé le Nigeria d’être une « base arrière » pour des opérations de déstabilisation. Il a également impliqué des puissances étrangères – notamment la France – et d’anciens responsables nigériens supposément exilés au Nigeria.
Ces accusations ont suscité une vive réaction de la part du gouvernement nigérian. Dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, Abuja a fermement rejeté ces allégations, les qualifiant de « sans fondement ». « Le gouvernement fédéral du Nigeria réfute avec la plus grande fermeté les affirmations des autorités nigériennes, qui manquent de preuves substantielles », a déclaré Kimiebi Ebienfa, porte-parole du ministère.
Des accusations graves et leurs implications
Les propos de Bakary Yaou Sangaré vont au-delà d’une simple critique. Selon lui, le Nigeria offrirait refuge à des responsables de l’ancien régime nigérien et hébergerait des forces étrangères, notamment françaises, présumées être impliquées dans des opérations clandestines visant à déstabiliser le Niger. Cette théorie repose en partie sur la proximité géographique entre certaines zones du nord du Nigeria et les régions frontalières nigériennes, souvent difficiles à contrôler.
Par ailleurs, Niamey affirme que l’attaque contre l’oléoduc de Gaya aurait été facilitée par des bases logistiques situées au Nigeria. Ces allégations interviennent dans un contexte de tensions croissantes au Sahel, marqué par la montée en puissance de groupes armés à la frontière entre les deux pays.
Pour sa part, le Nigeria a exprimé une « préoccupation profonde » face à ces accusations, les qualifiant de « dangereuses et irresponsables ». « Ces affirmations risquent de nuire gravement aux relations bilatérales et à la coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme », a ajouté le communiqué.
Un contexte géopolitique tendu
Les relations entre le Niger et le Nigeria étaient déjà fragilisées par des différends récurrents sur la gestion des frontières, la migration, et la sécurité transfrontalière. La région du Sahel, en proie à une instabilité chronique, est devenue le terrain d’affrontements entre forces gouvernementales, groupes djihadistes et milices locales. Cette situation complique davantage les efforts de coopération entre Abuja et Niamey.
L’évocation de la France comme acteur dans cette crise ajoute une dimension internationale sensible. La France, présente militairement au Sahel via ses opérations antiterroristes, fait l’objet d’une hostilité croissante dans certaines parties de la région. Toutefois, Paris n’a pas réagi aux accusations formulées par Niamey.
Un appel au dialogue : une nécessité urgente
Alors que cette crise diplomatique menace d’éroder davantage les relations entre les deux voisins, plusieurs observateurs plaident pour un retour au dialogue. « Le Nigeria et le Niger doivent éviter de tomber dans une spirale de méfiance qui bénéficierait aux groupes armés », estime Dr. Ibrahim Bello, analyste en relations internationales à l’université de Lagos.
Le Nigeria a d’ailleurs renouvelé son engagement à travailler avec le Niger et d’autres pays du Sahel pour lutter contre le terrorisme et renforcer la sécurité régionale. « Nous restons déterminés à collaborer pour trouver des solutions durables à nos défis communs, malgré les malentendus actuels », a conclu Kimiebi Ebienfa.
Un avenir incertain
Cette crise diplomatique illustre les fragilités des relations bilatérales en Afrique de l’Ouest, une région stratégique mais minée par des problèmes structurels. Les accusations de Niamey contre Abuja, bien qu’elles soient rejetées par ce dernier, révèlent des tensions latentes qui pourraient avoir des répercussions sur l’ensemble de la région.
Face à l’urgence de la situation, les deux pays sont confrontés à un choix : perpétuer une escalade verbale ou s’engager dans une diplomatie constructive pour préserver la stabilité et promouvoir une coopération régionale indispensable. Le monde entier observe, dans l’espoir que prévaut la voix de la raison.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon