Ouagadougou – À l’occasion du lancement de la 6ᵉ campagne nationale de dépistage gratuit du VIH et de l’hépatite B, les acteurs de la lutte contre le VIH-SIDA au Burkina Faso ont dressé un tableau contrasté. Alors que des avancées notables ont été enregistrées ces dernières années, des signaux alarmants font craindre une résurgence de l’épidémie, notamment parmi les jeunes et les groupes à risque.
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Des acquis importants mais fragiles
Selon le Dr Salam Dermé, chef du département santé au Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le SIDA et les IST (SP/CNLS-IST), les efforts de ces dernières années ont permis d’atteindre des résultats significatifs. En 2023, le taux de séroprévalence nationale a été estimé à 0,6 %, traduisant une baisse constante grâce à une prise en charge accrue des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Le pays comptait environ 95 000 PVVIH, dont 81 777 ont été placées sous traitement antirétroviral, soit un taux de couverture impressionnant.
Cependant, ces chiffres globalement encourageants masquent des disparités préoccupantes. Les groupes spécifiques, notamment les jeunes et les travailleuses du sexe, affichent des taux de prévalence alarmants pouvant atteindre 29 % dans certains cas. Ces sous-populations restent des poches de vulnérabilité susceptibles de raviver l’épidémie.
Les jeunes, un groupe à risque critique
Le rôle central des jeunes dans les nouvelles infections soulève une vive inquiétude parmi les spécialistes. En 2023, 1 900 nouvelles infections ont été recensées, dont une majorité dans cette tranche d’âge. "Nous observons une augmentation des grossesses non désirées chez les jeunes, ce qui traduit un recours insuffisant aux moyens de protection contre les infections sexuellement transmissibles," a expliqué Dr Dermé.
La banalisation du risque lié au VIH semble aggraver la situation. Pour de nombreux jeunes, la peur de contracter le virus s’est estompée, éclipsée par la crainte des grossesses non désirées. "Dans les pharmacies, les pilules du lendemain sont presque en rupture de stock en cette période de fêtes. Cela montre que les rapports non protégés sont courants," a déploré le médecin.
Cette perception altérée du risque est particulièrement préoccupante dans un contexte où les hépatites B et C ainsi que le papillomavirus humain (HPV) continuent de menacer la santé publique. La nécessité d’une éducation renforcée et d’une communication ciblée avec la jeune génération est devenue impérative.
Un risque de rebond généralisé
Au-delà des sous-groupes spécifiques, le spectre d’un rebond de l’épidémie à l’échelle de la population générale reste bien réel. Les comportements à risque et l’interconnexion des réseaux sociaux et démographiques favorisent la propagation du virus, même dans les zones où les taux de prévalence sont historiquement bas.
"Si nous ne maîtrisons pas l’épidémie dans les groupes à forte prévalence, elle risque de se propager à l’ensemble de la population," a averti Dr Dermé. Cette situation exige une réponse holistique combinant prévention, dépistage et traitement.
Une campagne nationale pour contrer la menace
Dans ce contexte, la campagne de dépistage gratuit lancée ce lundi 2 décembre s’inscrit comme une mesure phare pour contrer une éventuelle résurgence du VIH-SIDA. Prévue jusqu’au 6 décembre, elle vise à toucher un large public, incluant des services de dépistage de la charge virale pour les personnes déjà sous traitement. Cette initiative est également élargie au dépistage des hépatites B et C, renforçant ainsi l’approche intégrée de la lutte contre les maladies transmissibles.
Les autorités espèrent que cette campagne encouragera un plus grand nombre de citoyens à se faire dépister, tout en renforçant la sensibilisation sur les risques associés aux comportements sexuels à risque.
Un appel à l’action collective
Les acteurs de la lutte contre le VIH-SIDA appellent à une mobilisation concertée. Les pouvoirs publics, la société civile, les leaders communautaires et les jeunes eux-mêmes sont invités à jouer un rôle actif pour inverser cette tendance préoccupante. Une attention particulière est également accordée au financement durable des programmes de lutte, dans un contexte où la dépendance aux bailleurs de fonds internationaux reste un défi.
"Nous devons revoir la manière dont nous communiquons avec les jeunes, investir davantage dans leur éducation sexuelle, et renforcer leur accès aux moyens de protection," a conclu Dr Dermé.
Alors que le Burkina Faso s’apprête à commémorer la Journée mondiale de lutte contre le SIDA, cette alerte rappelle que le combat contre l’épidémie est loin d’être terminé. Une vigilance accrue et des efforts renouvelés sont indispensables pour préserver les acquis et construire un avenir où le VIH-SIDA ne sera plus une menace pour les générations futures.
RADIO TANKONNON