Vendredi 24 janvier 2025 restera sans doute gravé dans la mémoire collective des habitants de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC). En l’espace de quelques heures, l’équilibre fragile d’une ville déjà marquée par des années de violence s’est écroulé, laissant place à une peur palpable et à une incertitude écrasante.

Le déploiement massif des forces militaires congolaises à Goma, réalisé dans l'urgence, intervient dans un contexte où les rebelles du M23, accusés d’être soutenus par le Rwanda, continuent leur avancée inexorable. La chute de Sake, stratégiquement située à seulement 27 kilomètres de Goma, constitue un signal alarmant pour la communauté internationale et une menace existentielle pour cette ville, déjà fragilisée par des années de conflits récurrents.
Une ville en état de siège moral
La mort du général Peter Cirimwami, gouverneur de la province du Nord-Kivu, n'a fait qu'aggraver la situation. Gravement blessé lors de combats jeudi, il est décédé vendredi, privant la province d’une figure à la fois militaire et morale dans un moment critique. « Nous avons peur que l’ennemi vienne envahir la ville après la mort du gouverneur, qui était considéré comme le père de la province », a confié Fabrice Lukonge, un habitant de Goma, visiblement désemparé.
Ce sentiment de perte et d’abandon se propage dans les rues de Goma, où la présence renforcée des militaires apporte un semblant de réconfort, mais ne suffit pas à dissiper la peur collective. Patrick Salumana, chauffeur de taxi, tente d’y voir une lueur d’espoir : « C’est rassurant de voir des soldats contrôler des véhicules et faire des vérifications. Hier soir, la panique était générale, mais aujourd’hui, la présence militaire semble être une bénédiction. »
Cependant, pour de nombreux observateurs, cette mobilisation tardive trahit l’état d’improvisation chronique qui caractérise les réponses du gouvernement face aux crises à répétition dans l’est du pays.
Une menace qui transcende les frontières
La crise actuelle n’est pas un simple conflit interne à la RDC. L’implication supposée du Rwanda dans le soutien au M23 a entraîné une détérioration majeure des relations entre les deux pays, suscitant une attention accrue de la communauté internationale. Le gouvernement congolais accuse Kigali d’alimenter l’instabilité dans l’est de la RDC, une région riche en ressources naturelles mais minée par des décennies de violences perpétrées par divers groupes armés.
Ces tensions régionales complexifient la recherche d’une solution durable. Les appels à une médiation internationale se multiplient, mais ils restent souvent sans effet tangible. Pendant ce temps, les habitants de Goma paient le prix de cette instabilité chronique.
Une histoire de résilience mise à l'épreuve
Goma n’en est pas à sa première crise. Ville-frontière à la fois cosmopolite et vulnérable, elle a survécu à des événements tragiques : l’éruption du volcan Nyiragongo en 2002, les vagues successives de réfugiés en provenance du Rwanda voisin lors du génocide de 1994, et les conflits armés incessants depuis la première guerre du Congo. Mais aujourd’hui, cette résilience est mise à rude épreuve.
Les scènes d’évacuations d’urgence, les familles entassées dans des abris de fortune et les queues interminables pour accéder à des denrées alimentaires de base rappellent l’état de vulnérabilité extrême dans lequel se trouve une grande partie de la population. Les ONG présentes sur le terrain tirent la sonnette d’alarme face à une crise humanitaire qui pourrait atteindre des proportions catastrophiques si la situation militaire ne s’améliore pas rapidement.
Une lueur d’espoir possible ?
Dans ce contexte sombre, une question s’impose : quelle issue pour Goma ? L’espoir repose en partie sur une action coordonnée à la fois nationale et internationale. Le gouvernement congolais doit non seulement renforcer ses capacités militaires, mais aussi travailler à une solution diplomatique avec ses voisins pour juguler les tensions régionales.
Par ailleurs, le rôle de la MONUSCO, la mission des Nations unies en RDC, est de plus en plus remis en question par les habitants, qui dénoncent son incapacité à protéger les civils. Une refonte de son mandat pourrait être nécessaire pour qu’elle puisse répondre efficacement aux besoins urgents de protection et de stabilisation.
Pour les habitants de Goma, chaque jour est une lutte pour la survie. Mais dans cette ville marquée par les tragédies, la flamme de la résilience ne s’est jamais totalement éteinte. Reste à espérer que la communauté internationale et les autorités congolaises sauront enfin se montrer à la hauteur des attentes d’une population prise en étau entre les ambitions politiques et les réalités brutales d’une guerre sans fin.
RADIO TANKONNON