Depuis plusieurs jours, le Pérou est plongé dans une vague de violence qui ravive les souvenirs douloureux du conflit armé des années 1980 et 1990. Le Sentier Lumineux, mouvement insurrectionnel qui avait semé la terreur dans le pays, hante de nouveau les esprits, alors que des attentats à l’explosif secouent diverses régions.
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Une attaque d'une violence inédite à Trujillo
Lundi 20 janvier, c’est le tribunal de Trujillo, une ville située au nord du Pérou, qui a été la cible d’une attaque d’une rare intensité. L’explosion a soufflé toutes les vitres de l’immeuble de six étages abritant le parquet local, provoquant une onde de choc au sein de la population. Deux blessés graves ont été recensés, mais les conséquences psychologiques pour les habitants de cette région pourraient être durables.
« Cette attaque est un acte direct contre l’État de droit », a déclaré Delia Espinoza, procureure nationale, lors d’une conférence de presse. Selon elle, la dynamite utilisée proviendrait d’exploitations minières illégales. Ces activités clandestines, qui gangrènent le pays, sont souvent liées à des réseaux de crime organisé, et certains magistrats, dont l’un travaillant à Trujillo, avaient déjà reçu des menaces dans le cadre d’enquêtes sensibles.
Une escalade de la violence
Depuis le début de la semaine, ces attaques à l’explosif se multiplient dans le pays. Dans la capitale, Lima, une grenade a été lancée à l’entrée d’un centre commercial, provoquant la panique parmi les clients. Trois autres engins explosifs ont été détonés dans un quartier résidentiel, provoquant des dégâts matériels considérables. Ces actes ciblés, bien qu’apparemment déconnectés, suscitent des interrogations quant à la capacité de l’État à contenir une violence croissante.
Malgré l’état d’urgence déclaré en septembre dernier dans plusieurs districts, les Péruviens constatent une recrudescence des actes criminels. « Chaque explosion nous rappelle les heures les plus sombres de notre histoire. Nous avons l’impression que le chaos revient et que personne ne nous protège », a confié Julia Huamán, résidente de Lima, encore sous le choc.
L'ombre du Sentier Lumineux
Les récents événements ont évoqué pour beaucoup les décennies de terreur imposées par le Sentier Lumineux, mouvement maoïste révolutionnaire responsable de milliers de morts. Si ce groupe semble aujourd’hui marginalisé, son idéologie et ses méthodes continuent d’inspirer certains groupes criminels. Les experts s’interrogent sur la possibilité d’une coordination entre ces factions et les réseaux de crime organisé liés aux activités minières illégales.
« Nous assistons à une mutation de la violence. Ce ne sont plus seulement des revendications idéologiques, mais des intérêts économiques puissants qui alimentent ces attaques », analyse Rosa Salaverry, politologue et spécialiste des conflits armés en Amérique latine.
Une réponse politique attendue
Face à cette montée de la violence, les citoyens péruviens exigent des mesures concrètes de la part du gouvernement de Dina Boluarte. La présidente, déjà confrontée à une crise de légitimité depuis son arrivée au pouvoir, est sous pression pour rétablir l’ordre et rassurer une population inquiète.
Lors d’une allocution télévisée mardi soir, Dina Boluarte a promis de renforcer la présence des forces de sécurité dans les zones sensibles et de mener une lutte acharnée contre les mines illégales. « Nous ne céderons pas face au crime organisé. Chaque menace contre nos institutions sera réprimée avec la plus grande fermeté », a-t-elle déclaré, tout en annonçant l’envoi de renforts militaires à Trujillo et Lima.
Le dilemme des libertés publiques
Cependant, cette situation soulève également des questions sur l’équilibre entre sécurité et respect des droits fondamentaux. L’état d’urgence, qui permet des contrôles renforcés et des arrestations sans mandat, inquiète les organisations de défense des droits humains.
« La lutte contre le terrorisme et le crime organisé ne doit pas servir de prétexte à des abus. Il est essentiel que les droits constitutionnels soient préservés », alerte Julio Arbulu, directeur de l’ONG Justicia para Todos.
Une région sous tension
Le Pérou, comme de nombreux pays d’Amérique latine, est confronté à une hausse des violences liées à des problématiques économiques et sociales. Les inégalités, la corruption et le trafic de drogue exacerbent une instabilité qui menace de fragiliser davantage les institutions.
Alors que le pays tente de tourner la page de décennies de conflits internes, ces attentats récents rappellent que la paix demeure précaire. Pour les Péruviens, l’urgence est d’agir pour éviter que les fantômes du passé ne s’installent durablement dans leur présent.
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