La ville d’Abéché, située dans le nord du Tchad, a été ce jeudi 11 janvier 2025 le théâtre d’une cérémonie solennelle marquant la rétrocession officielle de la base militaire française à l’armée tchadienne. En présence du ministre tchadien de la Défense, Issaka Maroua Djamous, d’une délégation d’officiers tchadiens et d’officiels français, ce moment symbolique traduit la fin d’une présence militaire française établie de longue date sur le territoire tchadien.
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Des liens solides mais une page qui se tourne
« Ces liens sont le témoignage vivant de l’amitié qui unit nos deux peuples et qui, malgré le départ de nos troupes, perdurera », a déclaré le colonel Boris Pomirol, commandant des forces françaises au Sahel. Ce dernier a souligné que ce retrait n'était pas un adieu, mais un « au revoir », insistant sur la capacité renforcée du Tchad à faire face aux défis sécuritaires et humanitaires qui affectent la région du Ouadaï.
Cette cérémonie, chargée d’émotions contrastées, reflète les évolutions complexes de la coopération militaire entre la France et ses partenaires africains. Depuis l’annonce par N’Djamena en novembre dernier de la rupture des accords de coopération militaire avec Paris, plusieurs bases françaises ont été rétrocédées aux autorités tchadiennes, notamment celles d'Adji Kosseï le 11 décembre et de Faya le 26 décembre.
Un retrait sous tension diplomatique
Les récents propos d’Emmanuel Macron sur l’« ingratitude » de certains gouvernements africains bénéficiant du soutien français n’ont pas laissé indifférent le président tchadien, Idriss Mahamat Deby. Ce dernier a rappelé que la décision de départ émanait exclusivement du gouvernement tchadien, insistant sur l’importance de respecter les échéances fixées.
« La date limite marquant le départ définitif des forces françaises du Tchad est fixée au 31 janvier 2025. Cette date est impérative, cette date est non négociable », a martelé le ministre Issaka Maroua Djamous, réaffirmant la souveraineté tchadienne face aux enjeux de défense et de sécurité nationale.
Une population en quête d’autonomie
Depuis plusieurs années, la population d’Abéché a manifesté une hostilité croissante à la présence militaire étrangère sur son sol. Les réclamations pour le retrait des troupes françaises ont souvent pris la forme de manifestations populaires, parfois réprimées par les forces tchadiennes.
Malgré ces tensions, certains habitants espèrent que le retrait des militaires français ouvrira la voie à une gestion autonome et efficace des défis locaux. « Nous voulons que les autorités tchadiennes prennent pleinement en charge notre sécurité et notre développement », confie Mahamat Idriss, enseignant et figure locale de la société civile.
Une logistique complexe pour le retrait
Deux jours avant la cérémonie, des colonnes de camions chargés de conteneurs et de matériels lourds ont quitté la base d’Abéché en direction de N’Djamena. Une partie de ces équipements transitera par le Cameroun avant d’être acheminée vers la France par voie maritime.
Des dispositifs similaires avaient été observés lors des rétrocessions des autres bases françaises, illustrant la complexité logistique inhérente à un tel retrait.
Vers une nouvelle ére de coopération ?
Malgré la fin de la présence militaire directe, les autorités tchadiennes et françaises laissent entendre que la coopération entre les deux pays pourrait prendre d’autres formes. Des discussions sont en cours pour définir les modalités d’un partenariat axé sur la formation et l’échange d’expertise dans le domaine de la sécurité.
Alors que le Tchad s’engage à relever seul les défis du maintien de la paix et de la stabilité, l’évolution de cette relation bilatérale pourrait offrir de nouvelles perspectives pour une collaboration mutuellement avantageuse.
Cette rétrocession du camp d’Abéché symbolise ainsi non seulement une transformation des relations entre le Tchad et la France, mais aussi la volonté du pays de tracer une voie plus autonome et affirmée sur la scène régionale et internationale.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon