Dans une atmosphère empreinte d’émotion et d’authenticité, la salle de la Mairie de Ouagadougou a vibré ce jeudi 27 février 2024 sous les feux de la rampe consacrés à « Le retour » du réalisateur Yacouba Kanou. Ce film, véritable fresque des réalités sociales et culturelles du Burkina Faso, s’impose comme une œuvre majeure en abordant avec finesse et lucidité des thématiques essentielles telles que l’emploi des jeunes, le retour à la terre, les conflits liés aux droits fonciers et la résolution des différends au sein des communautés avec des méthodes endogènes.
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Un scénario à la croisée des chemins
« Le retour » narre l’histoire poignante d’un jeune diplômé en agronomie, confronté à l’amère réalité d’un marché de l’emploi saturé. En quête d’un stage qui pourrait servir de tremplin à ses ambitions, il se heurte à l’implacable indifférence du monde urbain. C’est dans ce contexte que le destin le pousse à renouer avec ses racines, se rappelant que son père détenait d’immenses étendues de terre au village. Ce choix, à la fois audacieux et émouvant, symbolise le renouveau et le retour aux sources, une tendance qui, depuis quelques années, anime la jeunesse africaine en quête de sens et d’authenticité.
Toutefois, l’espoir d’une renaissance est rapidement teinté de drame. En effet, l’arrivée d’un conflit inattendu – provoqué par la révélation d’une fraude orchestrée par le frère cadet, grand consommateur de boissons frelatées – vient bouleverser la quiétude espérée. Ce dernier, par un acte de trahison, a cédé frauduleusement les terres paternelles à un personnage fortuné désireux de s’implanter dans le village. Ce coup de théâtre ouvre la voie à un affrontement inévitable entre intérêts personnels et aspirations collectives.
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L’amour comme catalyseur de réconciliation
Au cœur de cette tourmente, la rencontre salvatrice avec une jeune villageoise offre une lueur d’espoir inattendue. Issue de la famille du nouvel acquéreur des terres, elle incarne le pont entre deux mondes opposés. Au fil d’un récit construit avec subtilité et sensibilité, le film met en exergue la force rédemptrice de l’amour et la capacité de l’empathie à désamorcer des conflits ancestraux. Cette romance naissante, loin d’être une simple intrigue secondaire, s’inscrit en fil conducteur dans une œuvre qui célèbre la recherche de compromis et l’importance du dialogue dans la quête d’harmonie sociale.

L’audace d’un réalisateur passionné : Yacouba à l’épreuve des difficultés
Derrière ce chef-d’œuvre se cache la figure emblématique de Yacouba Kanou, un réalisateur dont le parcours est marqué par l’audace et le sacrifice. Conscient des défis que représente la création artistique dans un environnement où le financement est souvent le principal frein, il a choisi de miser sur ses propres ressources. Dans un témoignage empreint d’une sincérité bouleversante, il évoque le périple qu’il a entrepris avec une équipe de plus d’une dizaine de collaborateurs, dans un petit village situé à seulement 20 km de Banfora.
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« Le financement public étant quasi inexistant, j’ai dû supporter l’intégralité des dépenses. Ce n’était pas simplement un investissement financier, mais bien l’expression d’une passion dévorante pour le cinéma et d’un engagement envers mon pays. »
Ce parcours semé d’embûches illustre la détermination inébranlable de ceux qui, malgré des moyens limités, osent défier les conventions et repousser les limites de la création cinématographique. En faisant de son projet un tremplin pour révéler le potentiel latent du cinéma burkinabé, Yacouba Kanou se dresse en véritable porte-étendard d’une nouvelle génération de cinéastes africains.
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Une reconnaissance méritée sur la scène internationale
L’enthousiasme du public, mêlé à l’assistance de notabilités venues bénir l’œuvre, témoigne de l’impact puissant de « Le retour ». Sélectionné dans la catégorie fiction Burkina films au FESPACO 2025, le film se voit propulsé sous les feux de la rampe dans un festival qui, depuis toujours, célèbre l’excellence et l’innovation dans le septième art africain. La salle comble et l’ovation des spectateurs ne laissent aucun doute quant à la portée et à la résonance universelle de cette histoire.
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Ce succès retentissant ouvre ainsi la voie à une tournée potentielle qui ne manquera pas de faire le tour du Burkina Faso, puis de l’Afrique et du monde entier. L’accueil chaleureux réservé par la critique et le public international augure d’un avenir radieux pour le cinéma de cette région, qui se trouve désormais à l’avant-garde d’une révolution artistique portée par des réalisateurs audacieux et visionnaires.
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Vers une nouvelle ère pour le cinéma burkinabé
Au-delà de son aspect purement esthétique et narratif, « Le retour » se présente comme un manifeste, une invitation à repenser les enjeux sociaux et économiques qui traversent le Burkina Faso et, plus largement, l’Afrique contemporaine. En abordant des thématiques aussi diverses que le retour aux sources, la quête d’emploi des jeunes et la résolution des conflits communautaires, le film interroge les fondements mêmes d’une société en pleine mutation.
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Dans un contexte où les défis liés au développement et à la gouvernance se font de plus en plus pressants, l’œuvre de Yacouba propose une réflexion salutaire sur les valeurs de solidarité, de résilience et de réconciliation. Elle démontre, avec une élégance rare, que le dialogue et la compréhension mutuelle peuvent prévaloir même dans les situations les plus conflictuelles.
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Conclusion
« Le retour » n’est pas qu’un film ; c’est un véritable tremplin pour une nouvelle ère du cinéma burkinabé. Par sa capacité à mêler habilement drame, romance et engagement social, il offre à la fois une fenêtre sur les réalités du quotidien et un espoir renouvelé pour l’avenir. En franchissant les frontières de l’art et en transcendant les barrières économiques, Yacouba Kanou et son équipe nous rappellent que la passion et le sacrifice sont les pierres angulaires de toute grande œuvre. Ainsi, alors que les projecteurs s’éteignent sur la salle de la Mairie de Ouagadougou, l’écho de cette aventure artistique continue de résonner, annonçant des jours meilleurs pour le cinéma africain et ses créateurs audacieux.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon