Procès de Damana Pickass : quand la justice ivoirienne confronte les enjeux d’une Côte d’Ivoire en mutation

Abidjan, le 4 février 2025 – Dans une atmosphère électrisée et au cœur d’un paysage politique en pleine mutation, le procès de Damana Pickass, vice-président du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), et de ses co-accusés dans l’affaire de l’attaque du 2e Bataillon projectable d’Abobo, a connu un nouveau rebondissement lors de l’audience qui s’est tenue ce mardi 4 février 2025. Le parquet, avec une détermination sans équivoque, a requis pour chacun des accusés une peine de 20 ans de prison ferme ainsi qu’une amende de 10 millions de FCFA, soulignant ainsi la gravité des faits reprochés et l’impérieuse nécessité de faire respecter l’ordre et la loi.

Damana Pickass

I. Un procès au cœur d’un tourbillon judiciaire et politique

L’affaire qui oppose Damana Pickass et ses quatre co-accusés n’est pas sans rappeler les tumultes qui ont secoué la Côte d’Ivoire lors des événements d’avril 2021. En effet, l’attaque sur le camp militaire d’Abobo, perpétrée les 20 et 21 avril 2021, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire récente du pays. Cet acte violent, qui a semé la consternation et soulevé de nombreuses interrogations quant à la stabilité nationale, est aujourd’hui au centre d’un procès qui revêt des enjeux multiples, tant sur le plan judiciaire que politique.

Les multiples reports de ce procès, initialement prévu pour les 5 et 6 décembre 2024, puis reprogrammé au 15 janvier 2025 avant d’être à nouveau décalé, ont contribué à accentuer l’incertitude qui plane sur cette affaire. Ces reports successifs n’ont fait qu’alimenter l’impatience d’une opinion publique et d’une opposition déjà mobilisée, dans une Côte d’Ivoire à l’aube des élections présidentielles de 2025. Dans ce contexte, chaque audience est scrutée avec une intensité particulière, et le jugement de ce dossier pourrait bien constituer un tournant dans le paysage politique national.

II. Damana Pickass : un parcours jalonné de controverses

Damana Pickass n’est pas un nouveau visage de la scène politique ivoirienne. Ancien membre des « Jeunes patriotes » du Front Populaire Ivoirien (FPI), il s’est rapidement imposé comme une personnalité marquante au sein des cercles politiques et électoraux. Son passage à la Commission électorale indépendante (CEI) avait déjà attiré l’attention internationale, notamment lors de l’incident survenu durant l’annonce des résultats de l’élection présidentielle de 2010. Alors que le porte-parole de la CEI s’apprêtait à lire les résultats officiels, un collaborateur de Laurent Gbagbo, dans un geste à la fois symbolique et polémique, arracha les procès-verbaux des mains du représentant officiel, une scène qui fut diffusée dans le monde entier et gravée dans la mémoire collective.

Ce passé tumultueux, nourri par des épisodes de forte tension et de contestation, jette une ombre sur l’actuel procès. Pour ses détracteurs comme pour ses partisans, Pickass incarne à la fois les dérives d’un activisme parfois extrême et la persistance d’un courant politique qui refuse de se laisser dompter par les normes établies. Ainsi, son rôle dans l’attaque du camp militaire d’Abobo, si les faits lui sont imputés, s’inscrit dans une trajectoire qui a toujours su diviser et polariser l’opinion publique ivoirienne.

III. L’audience du 4 février 2025 : intensité et enjeux

Au cours de l’audience de ce mardi 4 février, le procureur de la République n’a ménagé aucune fermeté dans ses requêtes. En postulant pour une peine de 20 ans de prison ferme et une amende salée de 10 millions de FCFA pour chacun des accusés, le parquet entend envoyer un message clair : la Côte d’Ivoire ne tolérera aucune dérogation face aux atteintes à la sécurité nationale et aux institutions de l’État.

La salle d’audience, empreinte d’une solennité palpable, était le théâtre de débats vifs et de confrontations oratoires. Les avocats de la défense, conscients de l’importance symbolique de ce procès à moins d’un an des élections présidentielles, se sont attelés à remettre en question la qualification des faits et la rigueur des procédures menées jusqu’à présent. Dans un contexte politique particulièrement sensible, chaque argument, chaque réplique est porteur de répercussions bien au-delà du cadre strictement judiciaire.

IV. Un procès à la croisée des chemins entre justice et politique

Pour l’opposition, le procès de Damana Pickass revêt une dimension stratégique majeure. Il s’agit, selon ses porte-voix, d’un moment décisif qui pourrait reconfigurer l’échiquier politique à l’approche des échéances électorales de 2025. Dans ce climat de tension, le verdict rendu par la cour pourrait influencer durablement la dynamique politique nationale, en consolidant ou en fragilisant certains courants contestataires.

L’issue de ce procès demeure, à l’heure actuelle, incertaine. Les observateurs politiques, les experts juridiques et une frange importante de la population attendent avec une attention soutenue le dénouement de cette affaire, qui, au-delà des enjeux individuels, interroge la capacité de la justice ivoirienne à traiter les affaires politiques sensibles de manière impartiale et rigoureuse. Le procès de Damana Pickass se trouve ainsi au cœur d’un débat plus large sur la légitimité et l’efficacité des institutions judiciaires dans un pays où la stabilité politique est souvent mise à l’épreuve.

V. Les répercussions à venir et les interrogations persistantes

Alors que l’audience du 4 février vient d’achever son cycle, les interrogations restent nombreuses. Quel sera le verdict de ce procès aux implications si vastes ? La décision de la cour influencera-t-elle la perception de la justice en Côte d’Ivoire, dans un contexte où la crédibilité des institutions est sans cesse remise en question ? Les partis politiques, tant au pouvoir que dans l’opposition, se préparent déjà à utiliser le dénouement de cette affaire comme un levier pour mobiliser leurs électorats respectifs à l’approche des échéances présidentielles.

Au-delà des débats juridiques, c’est tout un questionnement sur l’avenir du paysage politique ivoirien qui se pose. L’issue du procès de Damana Pickass et de ses co-accusés pourrait devenir un véritable catalyseur de changements, en signalant que la justice ne fait pas de distinction entre les hautes sphères politiques et les simples citoyens. Dans un pays où les cicatrices des épisodes passés demeurent vives, un jugement clair et équitable constituerait, pour beaucoup, un premier pas vers une réconciliation et une stabilisation indispensables.

VI. Conclusion : entre le marteau de la justice et l’enclume de la politique

Le procès de Damana Pickass s’inscrit résolument dans l’histoire judiciaire et politique contemporaine de la Côte d’Ivoire. Il oppose des acteurs aux trajectoires controversées dans un contexte où chaque décision judiciaire est scrutée sous l’angle des répercussions politiques imminentes. L’audience du 4 février 2025 aura, sans nul doute, marqué une étape cruciale dans cette affaire, en réaffirmant la volonté des autorités de sanctionner fermement les actes de violence qui menacent la cohésion nationale.

Tandis que la justice continue de suivre son cours, l’ensemble de la nation, et au-delà ses frontières, observe avec une attention mêlée d’espoir et d’appréhension. Le verdict à venir ne se résume pas uniquement à une décision de justice, il est le reflet d’un processus démocratique en quête de légitimité et d’équilibre, à la croisée des chemins entre les impératifs de l’État de droit et les réalités d’un paysage politique en pleine recomposition.

Dans ce contexte, la question demeure posée : quel sera le verdict de ce procès ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est sûre, l’issue de cette affaire aura des répercussions durables sur la scène politique ivoirienne et pourrait bien redéfinir les contours de la justice dans un pays en quête de stabilité et de progrès.

Saidicus Leberger

Pour Radio Tankonnon