Gqeberha, Afrique du Sud – 19 février 2025 – Dans une scène qui a choqué l’opinion publique et relancé le débat sur la tolérance et la liberté religieuse, Muhsin Hendricks, figure emblématique et premier imam ouvertement gay, a été abattu alors qu’il se trouvait à bord d’une voiture. L’incident, survenu samedi alors qu’il se rendait dans la ville de Gqeberha, s’inscrit dans un contexte de tensions exacerbées et de violences ciblées, faisant naître de nombreuses interrogations sur les motivations de ce meurtre brutal.

Une embuscade sanglante et minutieusement orchestrée
Selon les premiers éléments recueillis par les forces de l’ordre, deux hommes, le visage dissimulé derrière des cagoules, auraient tendu une embuscade à Muhsin Hendricks. Une séquence vidéo de sécurité, largement diffusée sur les réseaux sociaux, montre l’un des agresseurs bondissant de son véhicule, se précipitant vers la voiture dans laquelle se trouvait l’imam et tirant à plusieurs reprises avec une arme à feu à travers une fenêtre latérale. Dans la fusillade, le conducteur accompagnant Hendricks a miraculeusement survécu, tandis que ce dernier n’a pas résisté aux assauts meurtriers.
Des motivations politiques et idéologiques contestées
Si la police n’a pas encore établi de mobile définitif, de nombreux partis politiques et organisations LGBTQ+ affirment que Muhsin Hendricks a été ciblé en raison de ses prises de position audacieuses. En effet, l’imam était largement reconnu pour avoir fondé une mosquée au Cap destinée aux musulmans homosexuels et pour avoir plaidé en faveur d’une réinterprétation du Coran, prônant une approche inclusive et compatissante de l’islam. Dans une religion où l’homosexualité demeure traditionnellement proscrite, ses enseignements novateurs étaient perçus par certains comme une provocation, voire une hérésie.
« De mon point de vue, il s’agit sans aucun doute d’un crime de haine motivé par la religion. Muhsin Hendricks a prêché et défendu un message islamique impopulaire, appelant à une nouvelle interprétation des textes sacrés pour accueillir dignement les membres de la communauté LGBTQ+ », a déclaré le révérend Ecclesia de Lange, directeur d’Inclusive and Affirming Ministries (IAM) en Afrique du Sud. Cette déclaration fait écho à la colère et à l’indignation ressenties par de nombreux militants, qui dénoncent une violence ciblée contre une figure progressiste en marge des normes traditionnelles.
La réaction des institutions et de la communauté internationale
Le ministère sud-africain de la Justice a rapidement annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie sur ce meurtre, tandis que des voix politiques s’élèvent pour condamner cet acte de violence. L’Alliance démocratique, deuxième parti politique du pays, a qualifié l’assassinat de « coup professionnel » et de « meurtre de sang-froid » devant être condamné sans équivoque. Khaled Sayed, membre du Congrès national africain à l’Assemblée législative de la province du Cap-Occidental, a insisté sur le fait que ce crime ne saurait être toléré dans une société qui se veut démocratique et respectueuse des droits humains.
Au-delà des sphères politiques, l’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes (ILGA) a rappelé l’engagement international de Muhsin Hendricks, qui avait pris la parole lors de leur conférence l’année dernière pour évoquer, entre autres, les appels à la fermeture de sa mosquée – qualifiée par certains de « temple gay ». Le meurtre de cet imam, reconnu au-delà des frontières sud-africaines, relance ainsi le débat sur la coexistence entre traditions religieuses et modernité sociale.
Une histoire marquée par la controverse et l’engagement
Depuis plusieurs années, Muhsin Hendricks se distingue par son audace et son engagement. Dans une interview accordée à un journal sud-africain en 2022, il confiait avoir ressenti la pression d’une série de fatwas émises par le Conseil judiciaire musulman d’Afrique du Sud, qui rappelaient que les relations entre personnes de même sexe étaient interdites. Malgré les menaces, il déclarait que « le besoin d’être authentique était plus fort que la peur de mourir ». Ce courage, immortalisé dans le documentaire « The Radical » qui lui est consacré, a inspiré de nombreux jeunes musulmans homosexuels en quête d’un espace où ils pourraient concilier leur foi et leur identité.
La position nuancée du Conseil judiciaire musulman
Dans un communiqué diffusé dimanche, le Conseil judiciaire musulman d’Afrique du Sud a tenu à condamner fermement l’assassinat, tout en réaffirmant que les positions de Muhsin Hendricks restaient incompatibles avec les enseignements traditionnels de l’islam. « Nous condamnons sans équivoque son assassinat et tout acte de violence visant les membres de la communauté LGBTQ ou de toute autre communauté », a déclaré le Conseil, illustrant ainsi la dualité de la réaction au sein de la communauté musulmane – entre rejet doctrinal et désapprobation de la violence.
Vers une justice équitable et la nécessité d’un débat sociétal
L’assassinat de Muhsin Hendricks laisse derrière lui une multitude de questions sur la place de l’innovation théologique dans une société en mutation et sur la tolérance face aux divergences d’interprétation religieuse. Tandis que les autorités s’efforcent de faire la lumière sur ce crime odieux, la communauté internationale observe avec attention l’évolution des enquêtes, espérant que justice sera rendue de manière impartiale.
Ce drame, en dépit de sa violence, rappelle l’urgence de repenser les espaces de dialogue entre traditions et modernité. Dans un monde où la pluralité des identités et des croyances ne cesse de s’affirmer, l’exemple de Muhsin Hendricks – tant pour son audace que pour sa tragique fin – doit inviter à une réflexion profonde sur la coexistence pacifique entre convictions religieuses et droits fondamentaux.
Alors que l’enquête se poursuit et que le pays attend avec appréhension les conclusions des autorités judiciaires, l’assassinat de Muhsin Hendricks résonne comme un signal d’alarme : celui de la nécessité impérieuse de défendre la liberté d’expression et d’ouvrir le débat sur la place des minorités dans toutes les sphères de la société. Dans un contexte de polarisation idéologique, cette tragédie pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont l’Afrique du Sud et, plus largement, le monde, aborderont la coexistence entre foi, identité et droits humains.
Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon