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RADIO TANKONNON

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Guinée-Bissau : Embalo annonce sa candidature pour un second mandat dans un climat de tension politique

Publié par RADIO TAN KONNON sur 5 Mars 2025, 19:33pm

Catégories : #AFRIQUE

Bissau, Guinée-BissauDans une déclaration retentissante qui risque d’envenimer une crise politique déjà profonde, le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a affirmé, depuis l'aéroport de la capitale, qu'il se présenterait à l'élection présidentielle de novembre prochain pour briguer un second mandat. Cette annonce intervient dans un contexte marqué par la contestation de son autorité par l’opposition, les tensions exacerbées par des dissensions institutionnelles, et l'intervention récente – et malheureuse – d'une délégation de la CEDEAO envoyée pour apaiser la situation.

Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo

Une annonce déterminante dans un contexte de crise

Dans une déclaration faite en direct depuis Bissau, après un périple diplomatique ponctué de visites en Russie, en Azerbaïdjan et en Hongrie, le chef de l’État a réaffirmé avec une assurance teintée de défi : « Je serai candidat à ma propre succession ». Ce prononcé marque une étape décisive dans la trajectoire politique de la Guinée-Bissau, pays qui, depuis son indépendance du Portugal il y a plus de cinquante ans, demeure le théâtre de tensions récurrentes et de renversements de régime.

Le président Embalo, qui a accédé au pouvoir suite aux élections du 24 novembre 2019 et investi le 27 février 2020, se trouve aujourd’hui au cœur d’un imbroglio institutionnel. L'opposition refuse de reconnaître sa légitimité, arguant que son premier mandat aurait dû expirer le 27 février de l'année en cours, une position contredite par la décision de la Cour suprême qui étend son mandat jusqu’au 4 septembre. Cette divergence de points de vue n'est pas sans rappeler les nombreux épisodes de crise qui ont jalonné l’histoire politique de la Guinée-Bissau, connue pour la fréquence de ses coups d’État et de ses luttes intestines.

Les circonstances d’un mandat contesté

L'histoire récente de la Guinée-Bissau est marquée par une instabilité chronique. Depuis son indépendance, le pays a connu de multiples renversements politiques, et le mandat actuel d'Embalo ne fait pas exception à cette règle. La décision de dissoudre le parlement dominé par l'opposition, prise à la fin de l’année 2023, a été présentée par le président comme une mesure nécessaire pour pallier une inertie politique qu’il accusait de compromettre la stabilité nationale. Cette manœuvre, cependant, a alimenté la contestation de son autorité, l’opposition arguant que cette dissolution s’inscrivait dans une stratégie visant à légitimer indûment sa prolongation au pouvoir.

Les débats sur la durée du mandat présidentiel en Guinée-Bissau se complexifient ainsi. Tandis que la constitution fixe la durée d’un mandat à cinq ans, renouvelable une fois, la question se pose désormais de savoir si le premier mandat d’Embalo est arrivé à échéance ou s’il peut être prolongé par la décision de la Cour suprême, qui a statué en sa faveur en fixant la date de fin du mandat au 4 septembre 2025. Cette interprétation juridique divergente constitue le cœur de la discorde entre le gouvernement en place et les forces de l’opposition, qui ont lancé des appels à des manifestations de masse et à des grèves pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une illégalité constitutionnelle.

L’intervention de la CEDEAO et la réaction du gouvernement

Face à l’escalade des tensions, une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait été dépêchée en Guinée-Bissau dans le but de négocier une sortie de crise et de restaurer un climat de stabilité politique. Toutefois, la mission a été contrainte de quitter le pays dès lundi, invoquant des « menaces d’expulsion » proférées par le chef d’État lui-même. Cette situation démontre l’impasse dans laquelle se trouve la Guinée-Bissau, avec des interlocuteurs régionaux et internationaux peinant à s’imposer face à un pouvoir de plus en plus fermé et contesté.

Pour sa part, le président Embalo, tout en réaffirmant son intention de se présenter en novembre, insiste sur le fait qu’il doit rester en fonction jusqu’à la tenue des prochaines élections, fixées par ses soins au 30 novembre. « Mon mandat doit se poursuivre jusqu’à cette date, » a-t-il déclaré, une affirmation qui ne manquera pas de provoquer l'indignation de l’opposition, déjà mobilisée et prête à manifester son rejet de la légitimité du président actuel.

Les enjeux géopolitiques et institutionnels

Le dossier de la Guinée-Bissau revêt une importance particulière au sein de la région ouest-africaine, où les questions de légitimité démocratique et de stabilité institutionnelle se font souvent écho. Le refus de l’opposition de reconnaître Embalo et le départ précipité de la délégation de la CEDEAO illustrent la fragilité d’un système politique encore en quête de consolidations démocratiques. Les déclarations du président et les mesures prises par son gouvernement font écho à un passé tumultueux, où chaque mouvement vers la prolongation du pouvoir se solde par des accusations de dérive autoritaire.

La Guinée-Bissau, qui a longtemps été perçue comme un pays vulnérable face aux pressions externes et aux conflits internes, se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. La confrontation entre la vision du président, qui se veut moderne et déterminée à assurer une continuité politique, et celle d’une opposition vigoureuse, défendant la stricte application des règles constitutionnelles, annonce une période d'incertitudes quant à l’avenir démocratique du pays.

Antécédents de tentatives de renversement et le climat de défiance
Le président Embalo se targue d’avoir survécu à deux tentatives de renversement durant les trois dernières années. La plus récente, en décembre 2023, a été marquée par une violente confrontation entre la garde nationale et la garde présidentielle, événement qui a laissé des traces douloureuses dans la mémoire collective du pays. Cet épisode, qui a précipité la dissolution du parlement contrôlé par l’opposition, renforce l’image d’un pouvoir dur à la tâche, prêt à prendre des mesures drastiques pour maintenir son emprise sur l’État.

Cependant, ces événements alimentent également un sentiment de défiance au sein de la population et de la communauté internationale. Les appels à des manifestations de masse et les grèves organisées par l’opposition témoignent d’un électorat lassé par une politique qu’ils jugent de plus en plus autoritaire et déconnectée des aspirations démocratiques du peuple bissau-guinéen.

Perspectives et scénarios d’avenir

À l'approche des élections fixées au 30 novembre, le climat politique en Guinée-Bissau s'annonce particulièrement tendu. D'un côté, le président Embalo se présente comme le garant d'une continuité dans un contexte marqué par des défis sécuritaires et institutionnels, revendiquant une légitimité renforcée par sa survie aux crises passées. De l'autre, l’opposition, en refusant de reconnaître son mandat prolongé et en mobilisant les masses, envisage une alternative politique susceptible de redonner à la Guinée-Bissau un souffle démocratique.

La question de la légitimité constitutionnelle, au cœur du débat, reste ouverte. La Cour suprême, en statuant sur la prolongation du mandat d’Embalo jusqu’au 4 septembre, a ouvert la voie à une interprétation qui pourrait se heurter à la volonté populaire et aux exigences des forces démocratiques. Dans ce contexte, l'intervention – avortée – de la CEDEAO apparaît comme le dernier rempart face à une crise institutionnelle qui menace de dégénérer en une impasse politique aux répercussions potentiellement déstabilisatrices pour l'ensemble de la région ouest-africaine.

Conclusion : Un avenir incertain pour la Guinée-Bissau

La décision d’Umaro Sissoco Embalo de se présenter pour un second mandat, annoncée dans un contexte de tensions exacerbées et de défis institutionnels, souligne la profondeur de la crise qui secoue actuellement la Guinée-Bissau. Entre un pouvoir affirmé et une opposition déterminée à réclamer le respect des règles constitutionnelles, l'avenir politique du pays semble suspendu à un fil. Alors que la communauté internationale et la CEDEAO attendent avec appréhension les prochains développements, la population bissau-guinéenne demeure, quant à elle, aux prises avec l'incertitude d'un avenir démocratique en sursis.

Dans un climat où chaque déclaration et chaque décision politique sont scrutées, la perspective des élections de novembre pourrait bien s'avérer déterminante pour redéfinir le cours de l'histoire de ce pays fragile. Le destin de la Guinée-Bissau, marqué par une succession de coups d’État et d'instabilités, repose désormais sur la capacité de ses dirigeants à instaurer un dialogue apaisé et à respecter les fondements de la démocratie, dans l'intérêt de l'unité nationale et de la stabilité régionale.

Saidicus Leberger
Pour Radio Tankonnon 

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