Abidjan – En engageant un partenariat stratégique inédit avec des entreprises américaines pour un montant global avoisinant les 8 milliards de dollars (près de 4 800 milliards de FCFA), la Côte d’Ivoire opère un tournant majeur dans sa trajectoire énergétique et minière. Au cœur de cette coopération d’envergure, se trouve un projet emblématique : la construction d’une seconde raffinerie de pétrole dans le pays, portée par la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR) et la firme américaine Yaatra. Montant estimé de ce seul projet : plus de 3 000 milliards de FCFA. Une annonce qui, au-delà de ses implications industrielles, s’inscrit dans une vision géoéconomique de souveraineté énergétique et de repositionnement stratégique sur la scène ouest-africaine.
/image%2F2577874%2F20250515%2Fob_32e39f_raffinerie-sir.jpeg)
Une signature historique au service d’une ambition nationale
C’est dans un climat de confiance renouvelée entre Abidjan et Washington que les protocoles d’accord ont été paraphés, le mercredi 14 mai 2025, en marge d’un forum économique bilatéral réunissant hauts responsables gouvernementaux et représentants du secteur privé des deux pays. Le ministre ivoirien des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, Mamadou Sangafowa-Coulibaly, s’est félicité de cette étape décisive :
« Ces accords incarnent une vision à long terme. La Côte d’Ivoire entend jouer pleinement son rôle de moteur économique sous-régional, en renforçant ses capacités industrielles, en diversifiant ses partenaires et en assurant une valorisation optimale de ses ressources. »
Au centre de cette coopération, le géant américain Yaatra, acteur de référence dans le domaine des infrastructures énergétiques, s’est engagé aux côtés de la SIR dans la conception, la construction et l’exploitation d’une nouvelle raffinerie dont la localisation reste à préciser. Cette infrastructure devrait venir compléter l’actuelle raffinerie d’Abidjan, opérationnelle depuis 1965, qui traite aujourd’hui quelque 3,8 millions de tonnes de brut par an.
Une deuxième raffinerie : pour quoi faire ?
La création d’une seconde raffinerie ne relève pas d’un simple effet d’annonce. Elle répond à des impératifs précis : faire face à la croissance rapide de la demande intérieure en produits pétroliers, réduire les importations coûteuses de carburant raffiné, renforcer les exportations vers les pays de la sous-région, et surtout, accroître la valeur ajoutée nationale dans la chaîne de transformation des hydrocarbures.
Selon des sources techniques proches du dossier, la future raffinerie visera une capacité de traitement supérieure à celle de la SIR actuelle, avec des standards environnementaux conformes aux exigences internationales. Elle devra également intégrer une composante de production d’énergie propre et de cogénération, dans une logique d’économie circulaire.
Diversification et montée en gamme des ressources extractives
Au-delà de la filière pétrolière, les accords signés concernent également des investissements substantiels dans le secteur minier, en particulier l’exploitation du lithium, du nickel et des terres rares, ressources stratégiques convoitées dans le contexte de la transition énergétique mondiale. Ces accords prévoient des partenariats pour le développement de chaînes de valeur intégrées, allant de l’extraction à la transformation locale, afin de ne plus limiter la Côte d’Ivoire au simple rôle de fournisseur de matières premières brutes.
L’administration ivoirienne souhaite, dans cette perspective, renforcer la formation des compétences locales, inciter au transfert de technologies, et impulser la création d’un tissu industriel périphérique apte à absorber une main-d’œuvre qualifiée. C’est l’un des points sur lesquels insiste l’accord-cadre signé avec plusieurs entreprises américaines spécialisées dans les équipements, la logistique et les services extractifs.
Une diplomatie économique assumée
L’initiative ivoirienne s’inscrit dans un mouvement plus large de redéfinition des partenariats économiques en Afrique, dans lequel les États-Unis entendent jouer un rôle accru face à la concurrence chinoise, turque ou encore indienne. Le retour offensif de Washington sur le continent s’opère désormais par le biais de partenariats stratégiques axés sur la transparence, la durabilité et la montée en compétences locales, comme l’a souligné la délégation américaine.
L’ambassadrice des États-Unis en Côte d’Ivoire, Jessica Davis Ba, a d’ailleurs salué le leadership ivoirien :
« La Côte d’Ivoire fait preuve d’une vision moderne et structurée de son développement énergétique et minier. Nous croyons en ce pays et en son potentiel. »
Ce rapprochement économique s’inscrit dans un cadre plus vaste de coopération bilatérale, qui englobe également la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, l’éducation technique, et la digitalisation de l’administration publique.
Vers une souveraineté énergétique sous-régionale
Avec ce projet de deuxième raffinerie, la Côte d’Ivoire ne vise pas uniquement la satisfaction de ses besoins domestiques. Elle ambitionne de devenir une plaque tournante régionale de l’approvisionnement énergétique, dans un contexte où nombre de pays voisins – du Mali au Burkina Faso, en passant par la Guinée ou le Libéria – dépendent encore fortement des importations onéreuses en produits pétroliers raffinés.
L’État ivoirien, via la SIR et le ministère de l’Énergie, a indiqué que la future raffinerie sera conçue pour répondre à une demande régionale croissante, et permettra de garantir une meilleure stabilité des prix et des volumes, dans une région trop souvent soumise aux aléas géopolitiques internationaux.
Une étape structurante dans le Plan National de Développement
Ce projet s’insère naturellement dans le cadre du Plan National de Développement 2021-2025, qui accorde une priorité stratégique à la transformation industrielle, à la modernisation des infrastructures et à la sécurité énergétique. L’État entend attirer plus de 59 % de ses investissements prévus dans le secteur privé, ce que vient illustrer l’engagement américain.
Le Premier ministre Robert Beugré Mambé, tout en saluant « l’esprit gagnant-gagnant » de la coopération en cours, a rappelé que « la prospérité de la Côte d’Ivoire passe par l’investissement dans des infrastructures structurantes, créatrices d’emplois et accélératrices de transformation économique. »
Conclusion : un virage industriel décisif
La signature de ces protocoles d’accord entre la Côte d’Ivoire et les entreprises américaines, avec en tête de proue la construction d’une deuxième raffinerie de pétrole, marque un tournant stratégique pour le pays. Elle traduit la volonté d’Abidjan de se positionner comme un acteur énergétique majeur en Afrique de l’Ouest, tout en affirmant son ouverture à des partenariats équilibrés et tournés vers l’avenir.
Dans une conjoncture mondiale marquée par l’incertitude des marchés, les tensions géopolitiques et la transition énergétique, la Côte d’Ivoire semble avoir choisi d’anticiper, de bâtir et de fédérer. Un pari audacieux, mais ô combien nécessaire.
Saidicus Leberger
Pour Faso Patriotes TV