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RADIO TANKONNON

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Sankara assassiné: trente ans d’impunité

Publié par SAIDICUS LEBERGER sur 9 Novembre 2017, 17:32pm

Catégories : #ANALYSE

Plusieurs spécialistes du dossier se sont réunis à Genève le 27 octobre dernier avec Mariam Sankara et deux leaders du mouvement Balai citoyen, pour demander justice et se remobiliser.

Trente ans après sa mort, l’assassinat de l’ex-président révolutionnaire Thomas Sankara reste toujours officiellement une énigme. A l’occasion de la commémoration de ce triste anniversaire, plusieurs spécialistes du dossier étaient réunis à Genève le 27 octobre1 le temps d’une conférence en compagnie de la veuve de ce «Che» africain, Mariam Sankara, et de deux leaders du mouvement Balai citoyen, Samsk Le Jah et Smockey, eux-mêmes actifs dans la campagne visant à mettre fin à l’impunité de ce crime.

«Ce n’est pas pour demander justice uniquement, mais pour que l’être humain soit replacé au centre de nos politiques», a déclaré Sama Karim, alias Samsk Le Jah, activiste, animateur de radio et chanteur burkinabè. Le rasta a rappelé l’importance du projet lancé en 2016 de construire un «Mémorial» Thomas Sankara à Ouagadougou: «Il s’agit de créer un espace pour faire revivre son combat pour un monde meilleur.»

Panafricaniste, socialiste et anti-impérialiste, l’ex-président avait mis en place dès 1983 un programme de développement autocentré, luttant avec succès contre la malnutrition, l’analphabétisme et la corruption, et promouvant le rôle des femmes (lire ci-dessous). Assassiné quatre ans plus tard, probablement sur l’ordre de son frère d’armes Blaise Compaoré, au pouvoir entre 1987 et 2014, sa mort n’a jamais été élucidée. Ce n’est que dix ans après sa disparition que ses proches on pu déposer, quelques jours avant le délai de prescription, une plainte devant la justice burkinabè, a rappelé Aziz Fall, coordinateur de la Campagne internationale justice pour Sankara. Une plainte jamais instruite par le Parquet, et réactivée seulement après la chute de Blaise Compaoré, à la suite de l’insurrection de 2014. Entre-temps, un collectif d’avocats militants avait déposé le cas auprès du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, lequel a obtenu quelques gestes de l’Etat, comme le retrait de la mention «mort naturelle» du certificat de décès et une indemnisation, que la famille a refusée.

Toujours pas de procès

Depuis deux ans, la plainte devant la justice burkinabè a donné lieu à une quinzaine d’inculpations, à l’audition de plus de cent témoins, à l’exhumation de la dépouille présumée et l’analyse ADN... Mais pas de procès pour l’instant. «Le 15 octobre dernier, nous sommes allés rencontrer plusieurs juges militaires. Ils nous ont dit que le dossier avançait. Combien de temps allons-nous encore attendre? Il faut nous remobiliser», a prévenu Smockey.

En France, où les réseaux françafricains de l’Elysée sont accusés de complicité d’assassinat par les pro-Sankara, une demande d’ouverture d’enquête parlementaire a été refusée à deux reprises ces dernières années, a rappelé Bruno Jaffré, du Réseau justice pour Sankara. L’espoir pourrait venir désormais d’une commission rogatoire demandée par un juge burkinabè à la justice française. La requête de levée du secret-défense dans cette affaire suit aussi son cours. Mais l’espoir est mince de ce côté.

1. Une journée de commémoration organisée par l’association Buùd-Yam, en collaboration avec le Groupe de travail panafricain de Munich et la revue Continent premier.
 
Le féminisme en actes
Féministe, Thomas Sankara? La question a fait débat lors de la commémoration. Pour son épouse, Mariam Sankara, le mot ne semble guère importer: «Etait-il féministe ou simplement humaniste? Il défendait tous les laissés pour compte. C’était dû à sa personnalité extrêmement sensible à l’injustice», explique-t-elle. «Dans son projet pour le développement du pays, il avait besoin de toute la population, il fallait donner aux Burkinabè la confiance et les moyens de participer. Il insistait sur l’autonomie des femmes grâce à la génération d’un revenu propre», se rappelle-t-elle. Avant d’énumérer plusieurs de ses actions phares en faveur de l’égalité: nomination de femmes à des postes à responsabilités (y compris des ministres), engagement contre l’excision, les mariages forcés et l’exclusion de l’école des jeunes femmes enceintes, achat de foyers améliorés pour le bois de cuisson, etc.

Le 8 mars, Sankara instaure le jour du «marché au masculin», où les hommes se voient imposer l’obligation d’acheter les aliments nécessaires au ménage, tâche traditionnellement attribuée aux femmes. Mesure symbolique, «il fallait surtout qu’ils se rendent compte du prix des denrées afin qu’ils arrêtent de se plaindre lorsqu’ils ne leur donnaient pas assez d’argent pour les courses», explique Mariam. «En revanche, sourit-elle, lui-même n’allait pas faire le marché, il allait surveiller le bon déroulement de cette journée...» CKR

Christophe Koessler

 Le Courrier


 

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